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Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/105

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ses sujets perdraient leur honneur en rompant la foi qu’un autre a déjà manifestement détruite ? La prétendue vertu en ce cas, assez fréquente dans les tyrannies, est donc directement en opposition avec le véritable honneur, puisque si un individu manque de foi à un autre, l’honneur même des tyrannies impose de la lui faire observer par force et de venger par ce moyen le mépris qu’il a montré en violant la foi qu’il avait jurée. Il est donc prouvé que l’honneur qui commande de conserver respect, amour et foi à qui ne conserve pas, ou peut impunément ne conserver aucune de ces trois choses à personne, est le faux honneur. De ce faux honneur naît ensuite la conséquence plus fausse encore, qu’on doit croire légitime, inviolable et sacrée cette autorité que l’honneur même force à maintenir et à défendre.

C’est de cette manière que sous la tyrannie les noms de toutes les choses se dénaturent et se confondent, et que les caprices du tyran, rédigés et intitulés du nom sacré de lois, se respectent et s’exécutent comme telles. C’est ainsi qu’on donne ridiculement le nom de patrie à cette terre où l’on reçoit le jour sous la tyrannie, parce qu’on ne pense pas qu’il n’y a réellement de patrie