Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il est très-difficile dans l’Orient d’approcher les tyrans. Nous pouvons approcher les nôtres avec quelque lettre ou supplication ; mais quel bien en résulte-t-il ? Les bons et les innocens sont-ils moins opprimés ? Les méchans sont-ils plus connus, éloignés ou punis ?

Les emplois, les honneurs, les dignités, se donnent en Orient aux esclaves qui plaisent le plus au maître. Le seul caprice les donne, et le seul caprice les reprend. Un ministre, ou tout autre, que l’on dépouille d’un emploi important, le perd le plus souvent avec la vie. N’est-ce pas le même caprice qui accorde dans l’Occident les mêmes honneurs et les mêmes dignités à des esclaves plus savans dans l’art de plaire et de ramper ? Ne sont-ils pas plus vils ces esclaves, si dignes, en vérité, de l’être, puisque n’étant pas nés dans la servitude réelle du sérail, ils viennent humblement et spontanément offrir leurs mains et leurs têtes au plus honteux de tous les jougs ? Mais si nos tyrans, en leur ôtant leur charge, ne les privent pas tout à-la-fois de la vie, n’est-ce pas, parce que ces esclaves choisis ont donné tant de preuves de leur avilissement, que leurs maîtres ne peuvent et ne doivent les craindre en aucune manière ?