Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/145

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faut qu’ils persuadent aux riches de les employer à élever des monumens publics, qu’ils n’accordent d’honneurs qu’à ce seul faste, et qu’ils attachent une idée de mépris à l’abus que les riches en peuvent faire dans leur vie privée, en leur permettant cependant l’usage raisonnable que la décence permet et que leur état exige. Les gouvernemens libres doivent persuader en même-temps aux hommes que la fortune n’a pas favorisés (je n’entends point par là les hommes couverts de haillons) qu’il n’y a point de délit ni d’infamie à être pauvres, et ils le persuadent facilement, en accordant à ces hommes les mêmes moyens de parvenir aux charges et aux honneurs. Mais j’en excluerai principalement les nécessiteux, non pour insulter à leur misère, mais parce que je les crois trop susceptibles de corruption, et parce que leur éducation étant mauvaise, ils sont par des causes tout-à-fait contraires, aussi loin que les riches, de la possibilité de penser solidement et d’opérer selon la justice.

Ces mesures de prudence finiront cependant par devenir inutiles avec le temps. La nature de l’homme ne change pas. Où de grandes richesses se trouvent inégalement