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Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/171

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plus pur, s’estimera plus encore lui-même, que s’il était né sous un gouvernement juste et libre, puisqu’il a su s’élever du sein de l’esclavage jusqu’à la liberté. Et si la funeste nécessité ne le forçait pas de gagner sa vie par un travail servile, il doit se livrer aux élans de la gloire, que la perversité des temps n’a pu éteindre dans son cœur ; et puisqu’il ne peut pas obtenir celle d’agir, qu’il cherche avec chaleur et obstination celle de penser, de dire et d’écrire la vérité. Mais comment pourra-t-il penser, parler et écrire sous un gouvernement si monstrueux, dans lequel l’une de ces trois choses devient un délit capital ? Il faut penser d’abord pour soi-même ; et pour trouver dans ce juste orgueil une noble compensation à l’humiliation de la servitude, s’épancher avec quelques amis éprouvés, dignes d’amitié et d’entendre la vérité, écrire enfin, pour exhaler ses sentimens ; et dans le cas où les écrits deviendraient remplis de pensées sublimes, sacrifier tout pour aspirer à la gloire bien louable d’être utile à la société par ses écrits.

L’homme qui vit de cette manière sous la tyrannie, et qui se montre si digne de ne pas y être né, sera méprisé ou haï au