Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/73

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sens sont tout. Le tyran qui, dans les siècles passés, restait sans troupes et presque désarmé, venait à éprouver le besoin ou le caprice de fouler plus qu’à l’ordinaire ses malheureux sujets, il était obligé de réprimer ses désirs, parce qu’il pensait que leurs murmures et leur résistance pourraient l’obliger à s’armer pour les forcer au silence et à l’obéissance.

Le père ou l’aïeul du tyran actuel savait bien qu’il avait cette force et cette autorité ; mais ne l’ayant pas toujours sous les yeux, comme aujourd’hui, il n’en avait pas la conviction qu’éprouve le despote à la vue de ses nombreux bataillons qui non-seulement le défendent des insultes de ses sujets, mais encore l’excitent à les offenser davantage. Ainsi donc, entre l’idée du pouvoir des anciens tyrans et la réalité effective du pouvoir des tyrans actuels, il y a précisément autant de différence qu’il en existe entre la possibilité idéale d’une chose et son exécution palpable.

La force militaire permanente détruit sous les modernes tyrannies, jusqu’à l’apparence de la société civile, ensevelit jusqu’au nom de liberté et pousse l’avilissement de l’homme à un tel point qu’il ne peut ni faire, ni