Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/75

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ce nom, les dissentions intérieures sont non-seulement des élémens de vie pour le corps politique, mais elle agrandissent encore la liberté, lorsqu’elles sont ménagées et dirigées avec sagesse : sous la tyrannie, au contraire, les dissentions civiles, et même les moindres intérêts divers, accroissent et les malheurs publics et l’oppression universelle ; alors il faut que le faible, pour ainsi dire, s’anéantisse, et que le fort ne garde plus de mesure dans son insolente fierté. C’est pourquoi, sous la tyrannie, la soldatesque est tout, et le peuple rien.

Que ces satellites soient volontairement ou forcément enrôlés, ils n’en sont pas moins, quant aux mœurs, la plus vile partie de la lie du peuple. À peine ont-ils endossé la livrée de leur double servitude, qu’ils deviennent aussi orgueilleux que s’ils étaient moins esclaves que leurs semblables, et se dépouillant du nom d’habitans de la campagne, dont ils étaient indignes, ils méprisent leurs égaux, et les regardent comme de beaucoup au-dessous d’eux. Et en effet, les véritables paysans cultivateurs, sous la tyrannie, se déclarent eux-mêmes beaucoup au-dessous des paysans soldats, puisqu’ils souffrent que cette canaille armée ose les