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Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/76

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mépriser, les outrager, les dépouiller et les opprimer. Les peuples pourraient facilement résister à cette vile canaille, s’ils voulaient seulement réfléchir un seul instant sur l’étendue de leurs forces, puisqu’ils se trouveraient toujours mille contre un.

Et si la lâcheté des opprimés était parvenue à un tel degré, qu’ils n’osassent pas attaquer de front leurs oppresseurs, ne pourraient-ils pas employer l’or et l’adresse pour les corrompre et les acheter ? leurs bras n’appartiennent-ils pas à celui qui les paye le mieux ? Mais un tel moyen deviendrait par la suite la source de plusieurs maux ; et l’un des premiers serait de voir au sein de la société cette grande multitude d’êtres qui, ne pouvant plus rester soldats, ne sauraient pas devenir citoyens, quand même ils le voudraient.

Il est vrai, que le peuple les craint et dès-lors les déteste ; mais il ne les déteste pas autant qu’il abhorre le tyran, et sur-tout autant que cette vile soldatesque le mérite. C’est une vérité qui prouve, que sous la tyrannie le peuple ne pense ni ne raisonne, car s’il observait qu’aucun tyran ne peut exister sans cette tourbe armée, il les abhorrerait bien davantage : et de cette haine