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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/270

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1833 MIRACLE, POSSIBILITE : ACTION DES CAUSES SECONDES

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suffit pas qu’un effet soit possible pour que Dieu le réalise même miraculeusement : il faut qu’il soit possible d’une puissance ordonnée. Le miracle n’est pas une correction apportée aux imperfections de l’ordre établi ; ce n’est pas une action dépourvue de motifs, accomplie simplement -pour le plaisir d’exercer une puissance oiseuse. Le miracle est une opération divine ordonnée à une fin supérieure, et en particulier à une fin religieuse. Il est destiné à traduire une intention particulière de Dieu, à manifester aux hommes une vérité d’un ordre supérieur. Bien loin de constituer une difficulté contre la sagesse divine, il en est bien plutôt une éclatante manifestation. Rappelons-nous que la possibilité du miracle s’entend d’une possibilité non seulement physique, mais encore morale. Ce qu’on a dit de la finalité du miracle suffit à le démontrer.

1. La bonté divine.

Mais arrivés à ce point, nous trouvons une instance nouvellede Stuart Ali 11. « Si Dieu, dit-il, peut nous aider par le miracle, pourquoi l’emploie-t-il si rarement ? Et pourquoi, si Dieu est souverainement bon, a-t-il choisi un ordre du monde si imparfait, qu’il lui faille venir ainsi au secours de ->es créatures à coup de miracles ? Ne pouvait-il pas, par le choix d’un ordre naturel différent de celui-ci, éliminer beaucoup de mal ? »

A cette question, qui, on le voit, est d’une portée générale (ii théodicéc et ne se rattache à la possibilité du miracle qu’indirectement, il n’y a pas à faire d’autre réponse que la réponse classique : pour expliquer tout en dernier ressort, pour dévoiler la raison ultime qui indique ceci plutôt que cela, il faut recourir à un choix premier et indépendant, à un acte du bon plaisir de la volonté divine. Cf. S. Thomas, Sum. Iheol., I a. q. xix, a. 5 : J. de Tonquédec, op. cit.. p. 163-165.

/II. IA CAUSE EFFICIENTE IXSTRV MENTALE DU MI-RACLE. La possibilité du miracle implique, on l’a vu, l’intervention de la causalité souveraine de Dieu. La réalisation des faits miraculeux montre que l’intervention de la causalité suprême n’est pas exclusive de la collaboration des créatures, fl est donc néces saire d’aborder ici rapidement la question subsidiaire de la créature, instrument du miracle.

Cette question se pose nécessairement, car l’Écriture nous montre l’humanité du Christ concourant effectivement aux miracles accomplis par sa divinité ; de plus, les apôtres, eux aussi, ont accomplis de nombreux miracles ; et, enfin, l’histoire de l’Kglise est remplie des récits de faveurs miraculeuses obtenues grâce à l’intervention de saints personnages. Il convient donc d’exposer : t° le fait de la collaboration des causes secondes dans la réalisation des miracles ; 2, j l’explication théologique de ce fait.

1° Le luit de la collaboration des causes secondes dans la réalisation des miracles. - - Sans doute, Dieu peut agir seul : en fait, il se sert fréquemment d’instruments choisis parmi les créatures. Il faut examiner successivement le cas des anges, de l’humanité de .lésus-Christ. des hommes, des créatures corporelles.

1. Les anç/es. — Rien de plus fréquent dans l’Écriture que l’affirmation du ministère des anges auprès des autres créatures. Il serait plus difficile d’y vouloir trouver expressément l’affirmation d’un ministère ordonné à l’accomplissement de faits miraculeux. Les formules de l’Apocalypse, 1’» ange des eaux », xvi, 5, I’ange du feu », xiv, 18, les » anges des vents », vii, 1. indiquent sans doute une puissance spéciale de certains esprits sur ces divers éléments. Mais ce sont là formules vraisemblablement empruntées aux rabbins, et qui n’impliquent pas nécessairement un pouvoir miraculeux dans le gouvernement de ces éléments. L’Ancien Testament relève de multiples cas du ministère visible des anges près des hommes ; il est

difficile de voir dans les actes de ce ministère autre chose que l’exercice de la puissance naturelle propre aux anges, apparitions sous forme de corps empruntés, locution humaine, etc. La guérison subite de Tobie aveugle, xi, 13-15, est d’ordre miraculeux ; mais Raphaël ne semble pas l’avoir opérée lui-même, il seTait plus exact, si le verset était authentique, de trouver dans Jean, v, 4, l’indication d’une réelle coopération angélique à l’accomplissement d’un miracle. Quoi qu’il en soit, une remarque a priori supprime toute hésitation : il est certain que Dieu a communiqué en fait aux hommes la puissance instrumentale d’accomplir des miracles, il peut donc la communiquer a fortiori à des créatures naturellement plus parfaites et plus puissantes que l’homme. Ainsi l’a compris saint Augustin, De civitate Dei, X, xii, xviii, P. t., t. xli, col. 291, 297 ; De Trinilale, III, x, 21 ; xi, 25, t. xi.ii, col. 881, 881 ; et la tradition qui remonte au moins à saint Grégoire le Grand, In Eoangel., homil. xxxiv, n. 10, P. L.. t. lxxvi, col. 1251, et qui accorde a certains d’entre les anges, notamment aux « Vertus », la mission spéciale de coopérer aux opérations miraculeuses. On retrouve cette tradition chez les théologiens du Moyen Age. Citons, entre autres, S. Bernard, De consideratione, t. V, c. iv et v, P. L., t. ci.xxxii, col. 792-795 ; Pierre Lombard, Sententiarum, t. II, dist. IX, c. n ; l’auteur de la Summa Sententiarum. tr. II, c. v, P. L., t. clxxvi, col. 86 ; Alexandre de Halès, Sum. Iheol., part. II, q. i.xxxv, iiiemti. 3 ; Albert le Grand, In Il" m Sent., dist. VII. a. Il ; dist. IX, a. 4 ; Sum. theol., part. II, tract, x, q. xxxix, memb. 2, a. 1 ; S. Bonaventure, In II""’Sent., dist. IX, a. un., q. iv, et S. Thomas. Sum. theol., V, q. cvni, a. 5, (> ; q. ex, a. 1, ad 3um ; a. 1, obj. 1 ; Cont. Gentes, t. III, c. lxxx et cm ; et d’autres auteurs, cités par Van Hove, op. cit., p. 137. Toutefois, la participation des anges aux miracles peut s’entendre de plusieurs façons. Tout d’abord, on peut reconnaître une simple collaboration aux miracles proprement divins : quia aliquod ministerium exhibent in miraculis quic fiunt sicut colligendo pulveres in resurreclione communi, vel hujusmodi aliquid agendo. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. ex, a. 4, ad l nm. Il ne s’agit ici que de préparer la matière du miracle, et cette collaboration ne dépasse pas le pouvoir naturel des anges. En cela, ils agissent donc non comme causes instrumentales, mais comme causes principales, obéissant d’ailleurs aux ordres divins. On retrouve cette doctrine chez Alexandre de Halès, Sum. theol., loc, cit. : Albert le Grand, In II""’Sent., dist. XVIII, a. 2. Ce mode, déclare S. Thomas, De potentia, q. vi, a. 4, est propre aux anges, car « les âmes humaines, qui doivent agir par l’intermédiaire de leur propre corps, ne peuvent mouvoir de la sorte de mor.de matériel. » Ensuite, on doit accorder aux anges le pouvoir d’obtenir de Dieu des miracles, par leur intercession : quia ad eorum desiderium Dcus miracula facit, sicut et sancti homines dicuntur miracula facere. Ici encore, l’intercession n’est que l’exercice d’un pouvoir naturel, dans lequel anges et hommes agissent comme causes principales. Mais saint Thomas, et avec lui les théologiens catholiques, envisagent un troisième mode où nous trouvons la causalité instrumentale proprement dite : c’est quand ils opèrent directement des miracles que Dieu seul peut accomplir, rendre la vue aux aveugles, ressusciter des morts, en obtenant, par leurs prières, le pouvoir de les accomplir au nom de Dieu, virtute Dei, quam orando impétrant. In Joanncm. c. x, lect. 5, n. 1 ; cf. De potentia, q. VI, a. I, où saint Thomas dit encore plus simplement que les anges et les saints opèrent les miracles, aliquid coagendo. D’ailleurs, le Docteur angélique se fait ici l’écho de saint Augustin, De civilale Dei, XXII, ix, P. L.,