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    1. MIRACLE##


MIRACLE, VALEUR PROBANTE

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et de mythes, même ceux qui sont racontés dans la Bible. Il définit donc, en général, qu’il y a, dans la Bible, des récits véridiques de miracles. Voilà ce qui est de foi. Ce canon laisse néanmoins entendre qu’il y a d’autres miracles réels que ceux que la Bible rapporte. « Notre canon, dit le rapporteur de la Députation de la foi, à propos d’un amendement (n° 108) « qui demandait qu’il fût fait mention des miracles’approuvés par l’Église, notre canon ne s’occupe que < du fait primitif de la révélation, mais le mot eliam > qui s’y trouve, montre bien que nous n’excluons « pas les miracles qui se font dans l’Eglise. » Il est clair du reste que le concile admettait la véracité de toute la Bible ; mais sans vouloir fixer l’interprétation de tous les récits bibliques, il s’est contenté de définir qu’il y a, dans les faits racontés par la sainte Écriture, de véritables miracles, et n’en a indiqué aucun en particulier. Il laisse donc aux" exégètes une grande latitude..Mais les enseignements du chapitre sont un peu plus précis. Ils affirment en effet que des miracles nombreux et incontestables ont été opérés soit par Moïse et les prophètes, soit par Jésus-Christ et les apôtres. Les prophètes qui sont ici mentionnés sont ceux qui ont vécu après Moïse et non les patriarches qui ont vécu avant lui. Il en résulte que notre constitution ne dit rien des miracles qui ont été faits en faveur de la religion primitive, et qui sont rapportés dans la Genèse. » Vacant, Études tlréologiques sur les Constitutions du concile du Vatican, t. ii, p. 46-47. Nous avons établi à l’art. Jésus-Christ, col. 1188 sq., la réalité des miracles accomplis par le Sauveur. Sans doute, la règle de foi n’a spécifié le caractère surnaturel d’aucun d’entre eux ; le symbole mentionne expressément la résurrection et l’ascension, et il serait gravement téméraire de révoquer en doute le caractère surnaturel et divin des prodiges les plus caractérisés et qualifiés par l’écrivain inspiré de TÉpaxa, 6aupiàcrta, 7rapâSo ; a, 8uvâ(xeiç, cr/]fi.£toc, etc., voir col. 1800.

2. Les miracles approuvés par l’Église au terme d’une enquête canonique. —

Le fait que le concile du Vatican n’a pas voulu les englober dans la définition préparée, prouve qu’à aucun titre la certitude que nous en pouvons avoir ne comporte une adhésion de foi divine et catholique.

Il ne s’agit même pas, dans le cas présent, de croire à leur réalité et à leur caractère surnaturel de cette adhésion ferme et surnaturelle que les théologiens qualifient souvent de foi ecclésiastique. Mais la remarque du rapporteur de la foi, voir ci-dessus, montre clairement qu’il n’est pas permis à un catholique de ne point tenir compte de ces décisions de l’Église. « Autre chose est la canonisation, autre chose les miracles, les révélations privées, les apparitions, divers faits historiques ou les reliques du saint canonisé. Quand l’Église approuve les miracles d’un saint dans un procès de canonisation, ou qu’elle les insère dans les leçons du bréviaire, quand elle institue une fête spéciale pour honorer l’apparition d’un saint…, c’est une opinion assez commune (disons, c’est l’opinion commune), que ces miracles, apparitions, révélations, faits historiques, reliques, ne sont pas. pour autant, infailliblement définis, bien qu’ils méritent (ajoutons positis ponendis) la pieuse adhésion et le respect dû à tous les enseignements, même non infaillibles de l’Église. » Marin-Sola, L’évolution homogène du dogme catholique, t. i, n. 279. — Cum Écclesia inquiril aut pronuntiat de revelalionibus, apparitionibus, miraculis, non intendit habere nisi probabilitalem aut cerliludinem humanam, eamque praclicam. quæ scilicet salis sit ad jovendum cultum. Bainvel, De magisterio vivo et traditione, n. 107 ; cf. n. 121. « Des faits aussi bien constatés, dit ce dernier auteur, font foi dans les conditions ordinaires ; l’Église n’a pas cru jusqu’ici que leur caractère surnaturel, dûment constaté lui aussi, fût une raison suffisante pour ne pas agir en ce cas comme on agit humainement en cas semblable, et elle va de l’avant. Elle n’y engage pas son infaillibilité ; mais elle y engage son renom de prudence, de discrétion, de sérieux. » Ce qui est dit, en ces termes, des révélations faites par Notre-Seigneur à sainte Marguerite Marie, doit l’être aussi des miracles canoniquement admis. Cf. Bainvel, La dévotion au Sacre-Cœur de Jésus, Paris, 1919, p. 160.


IV. Valeur probante.

Doctrine de l’Église.

En se rapportant aux textes officiels placés en tête de cet article, on verra que la doctrine de l’Eglise fixe deux points. Le miracle est un des moyens qui tendent à manifester ce que Dieu veut révéler : diviruu revelationis signa sunt cerlissima. « Par le contraste qu’il y 7 a entre ce fait divin et les faits naturels dans la trame desquels le miracle s’intercale, il appelle notre attention, il devient aux mains de Dieu un signe pour nous manifester ce qu’il lui plaît, c’est-à-dire ce qu’il veut nous révéler, que ce soit une chose d’un intérêt particulier, comme la sainteté d’un personnage, ou une révélation privée, ou que ce soit une chose d’intérêt général, comme la révélation chrétienne. » Vacant, op. cit., n. 575, t. ii, p. 43. Il s’agit ici, évidemment, du miracle, fait sensible, le seul qui puisse compter comme signe de la révélation.

Un deuxième point fixé par le concile, rappelé par le serment antimoderniste, est que le miracle est un signe facilement reconnaissable pour tous, signa omnium inlclligentix accommodala.

Ces deux points sont définis de foi divine et catholique, et corroborent la troisième thèse souscrite par Bautain, Denzinger-Bannw., n. 1624.

Doctrine des Pères et des théologiens touchant la valeur probante du miracle.

1. Avant S. Thomas.

La sainte Écriture, notamment les écrits du Nouveau Testament et, en particulier, les Évangiles, attribuent explicitement un rôle apologétique au miracle, qu’ils considèrent comme une preuve directe de la vérité du christianisme. L’emploi de l’argument du miracle se trouve fréquemment chez les Pères, surtout à partir de saint Justin, Origène et Arnobe. Cf. Turmel, Histoire de la théologie positive depuis l’origine jusqu’au concile de Trente, Paris, 1904, p. Il ; A. Friedrischsen, Le problème du miracle dans le christianisme primitif, Strasbourg, 1925. On trouvera ici même les éléments de cette assertion. Voir Crédibilité, col. 2240 sq. ; Apologétique, t. i, col. 1533-1535 ; Apologistes (Les Pères), t. i, col. 1580-1602. Cf. dans le Diction, apologétique, art. Apologétique, apologie, t. i, col. 191-198 et bibliographie, col. 198-199.

Mais le genre de démonstration propre au miracle est précisé surtout à partir de saint Augustin. Nous résumerons sur ce point, l’étude de M. Van Uove. op. cit., p. 232 sq. Comme ses devanciers, Augustin reconnaît au miracle une certaine efficacité pour amener les hommes à la religion chrétienne ; le miracle sert réellement à l’édification ou à la confirmation de la foi. Cf. EpisL, xci, 5, P. L., t. xxxiii, col. 125 ; De serm. Domini, III, xxv, 84, t. xxxiv, col. 1307 ; In evang. Joannis enarral., tract, xi.ix, 11, t..xv, col. 1752 ; Serm., lxxxviii, 1-2 ; cxxvi, 4-5 ; cccxvi, 1 ; cccxix, 1 ; t. xxxviii. col. 539-540 ; 700-701 : 1432 ; 1440 ; De civilufe Dei, X, viii-ix, xii, xvi-xvii : XXI, vi, 1 ; XXII, V, viii. 1. ix-x. t. xi.i. col. 285286, 291, 294-296, 71 IV. 755-756, 760, 771-772 ; De utilitale credendi, c. xiv, xvi-xvii ; £)e Trinitate, 111, iv, x, t. xlii, col. 88, 89-90, 874, 897 ; De peccal. meril.. II, xxxii, t. xliv, col. 182. On se souvient de la notion du miracle chez saint Augustin, voir col. 1802. L’évêque d’Hippone met avant tout l’accent sur le caractère étonnant du fait miraculeux. Pour lui,