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le destine et décide « le l’aidera atteindre librement la vie éternelle. Dans le bon usage de la liberté, qui mène au but, rien ne vient de Dieu qui ne vienne en même temps de la volonté créée, et réciproquement ; tout l’effet est de chacune de ces causes partielles qui en constituent ensemble la cause intégrale. Le bon usage de la liberté n’est etïet de la prédestination que par rapport à Dieu, en raison de la prédestination éternelle ; il dépend cependant de la volonté libre que l’effet intégral de la prédestination soit réalisé, et par suite qu’il soit un effet de la prédestination. (Q. xxui, a. 1 et 5, disp. I, memb. 9, p. 494-501.)
3. Conclusions de Molina sur la prédestination éternelle, ^a) Ce qu’elle est. — La prédestination d’une créature est n la raison (l’idée) de l’ordre et des moyens par lesquels Dieu a prévu, par sa science naturelle et sa science moyenne, que cette créature arriverait à la vie éternelle, jointe au dessein ou à la détermination de la volonté divine de la réaliser pour sa part ».
b) Source de sa certitude. — L’adulte ainsi prédestiné obtiendra certainement la vie étemelle, mais cette certitude résulte de la prescience divine, non des moyens ou des effets de la prédestination. En elle-même, la libre coopération du prédestiné avec les secours divins pour produire l’effet total de la prédestination est incertaine ; mais Dieu, de la hauteur de son intelligence et avant tout acte de sa volonté, connaît de façon certaine ce que fera librement cet homme placé dans telles conditions. L’acte de la volonté divine décidant de réaliser ces conditions, achève la prédestination.
On comprend, dès lors, qu’au sens divisé, l’adulte prédestiné puisse ne pas obtenir la vie éternelle, puisque ni la prédestination antécédente, ni les dons ou la coopération de Dieu ne l’empêchent d’agir librement, de manière à encourir la damnation, comme s’il n’avait pas été prédestiné ; mais on comprend aussi qu’au sens composé, il ne puisse pas ne pas être sauvé, parce que la prédestination et la perte de la vie éternelle sont incompatibles en fait, et que, si cet homme allait abuser de sa liberté pour perdre la vie éternelle, Dieu n’aurait pas prévu qu’il y arriverait par les moyens qu’il lui destinait, et n’aurait pas eu la volonté de le conduire par eux au salut.
On voit enfin comment la prédestination de quelqu’un s’accorde avec la liberté qu’il a de se sauver ou de se damner, puisque la certitude inhérente à la prédestination n’est autre que celle de la prescience divine, dont on a expliqué plus haut l’accord avec la liberté et la contingence.
De même, les enfants prédestinés seront sauvés s’ils naissent, sont baptisés et meurent avant d’avoir atteint l'âge de raison, lui soi, rien de tout cela n’est certain. Mais Dieu prévoit que cela arrivera par le jeu des causes naturelles ou libres ; de là la certitude du salut de ces enfants.
c) Cause de son effet intégral, l.a prédestination de l’adulte, considérée dans son effet Intégral, c’est-à-dire non seulement dans ses effets surnaturels, mais dans tout ce qui est moyen par rapport i la vie éternelle : vocation externe, temps et lieu de naissance, tempérament, etc., n’a pas de cause du côté du prédestiné ; elle est due uniquement à la volonté miséricordieuse de Dieu. Rien, en effet, dans le prédestiné, qui précède ce résultat intégral ; l’usage de la volonté libre, auquel on serait tenté de penser, est postérieur à une foule rie circonstances qui entrent dans L’effet intégral de la
prédestination ; bien plus, il en fait partie lui-même, Mien qui l’accompagne, car Dieu distribue ses grâces et ses secours où, quand et comme il le veut. Rien qui
le suive, car le bon usage de la volonlé libre n’est pas cause des décisions divines relatives à la création,
à l’octroi des dons naturels ou surnaturels, à la prédestination.
Cette conclusion reste vraie, si on entend par effets de la prédestination ceux qui se rapportent à l’ordre surnaturel : leur ensemble dépend de la seule volonté de Dieu. S’il avait une cause du côté du prédestiné, ce serait la prévision du bon usage de la liberté ; mais les secours de la grâce prévenante et excitante précèdent l’usage qui en sera fait, et l’importance des grâces ultérieures ne dépend nullement de leur emploi : on voit des justes finir par être damnés, et un larron être sauvé.
Tout cela n’empêche pas, d’ailleurs, la volonté libre d'être une partie de la cause libre de laquelle dépend une partie de l’effet total de la prédestination ; car, comme on l’a dit plus haut, si cette réalité est effet de la prédestination, elle ne l’est pas en tant qu’elle émane de la volonté créée, mais en tant qu’elle émane de Dieu par la prédestination éternelle.
A fortiori, la prédestination des enfants, considérée dans son effet intégral, n’a-t-elle pas de cause ou de raison de leur côté, mais seulement dans la volonté de Dieu.
Etant donné, en Dieu, l’idée de divers ordres possibles de choses, de secours et de circonstances, et la prévision de ce que feraient librement les créatures dans chacun d’eux, dans l’hypothèse où il voudrait le choisir : le choix, de la part de Dieu, de tel ordre de choses plutôt que de tel autre et la décision de le réaliser pour ce qui le concerne ; l'élection dans le Christ, pour la vie éternelle, de tels ou tels hommes ; la décision de leur donner par le Christ les moyens par lesquels il prévoit qu’ils parviendront librement à la vie éternelle ; tout cela n’a pas de cause, de raisen ou de condition, même de condition sine qua non, dans l’usage prévu de la liberté, de la part des prédestinés ou de tiers. Dieu n’a pas décidé de donner à tels hommes les moyens qu’il leur donne et par lesquels il les prédestine, parce cpi’il a prévu leur libre coopération ; il l’a fait parce qu’il lui a plu de le vouloir : pro suo beneplacito id ita volait.
d) Rôle de la prescience. Mais, tandis que cette volonté n’a pas de raison ou de condition de la part du prédestiné, la prescience en a une, ce que beaucoup ne remarquent pas. La réalisation effective de la prédestination de l’adulte dépend, non seulement de Dieu, mais de la coopération libre du prédestiné : et ce n’est pas parce que Dieu l’a prévu que le prédestiné donnera cette coopération, c’est au contraire parce qu’il la donnera que Dieu l’a prévu. Si, comme il le peut, le prédestiné faisait le contraire. Dieu aurait prévu le contraire.
Puisque la libre coopération de l’adulte est condition sine qua non de la prescience, il s’ensuit que tout ce qu’inclut sa prédestination prend le caractère de prédestination, ou garde seulement celui de providence, selon que cette coopération se produit eu non. On comprend dès lors que, la providence offrant à chacun des moyens au moins suffisants de salut, le soit de tous, prédestinés ou réprouvés, est entre leurs mains : s’ils font bon usage de leur liberté et arrivent au salut, Dieu l’a prévu et sa volonté de leur donner la vie éternelle est prédestination ; si au contraire, comme Judas, ils ne coopèrent pas avec les secours providentiels, Dieu a prévu qu’ils n’arriveront pas à la la vie éternelle et sa volonté de la leur donner n’est pas
prédestination. Ainsi le décret éternel de Dieu relativement à chaque individu, qu’il s’agisse des anges, d’Adam, de l’homme après la chute, est un décret rie providence ; mais la prescience du bon usage que certains feront de leur liberté aidée des secours providentiels en l’ait pour eux un décret de prédis filiation.