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ORIGÈNE. APOLOGIE DU CHRISTIANISME

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premiers chapitres du livre I, noté les points principaux de la polémique et y avoir opposé brièvement ses réponses, il s’est mis à citer textuellement le Discours véritable de Celse, de manière à réfuter chacun de ses arguments, et cette méthode plus simple, plus directe, qu’il suit désormais jusqu'à la fin du livre VIII l’enchaîne à une besogne de commentateur, et l’empêche de déployer ses qualités personnelles. Tel quel, le Contra Celse, n’en reste pas moins l’une des œuvres capitales d’Origène.

A son adversaire, l’apologiste oppose deux arguments principaux. Le premier est tiré des prophéties : c’est l’argument classique, déjà mis en avant par les apologistes du iie siècle. Origène doit l’utiliser d’autant plus que Celse a commencé par refuser aux chrétiens le droit de l’employer en les accusant d’adorer un Messie pauvre et humilié. A cette argumentation, il reproche son caractère général. Il demande un examen loyal de chacun des textes prophétiques ; et déclare que cette étude impartialement menée aboutit à une décision favorable au christianisme. Sur ce point, l’argumentation d’Origène est d’autant plus intéressante que Celse connaît bien l’Ancien Testament, et qu’il n’ignore pas l’attitude des marcionites qui en rejettent l’autorité. Il s’agit, tout en maintenant fortement le caractère inspiré des livres prophétiques, de mettre en valeur le témoignage qu’ils rendent au Christ.

Plus neuf est le second argument utilisé par Origène : il est tiré de la vie de l'Église elle-même et de son triomphe sur le paganisme. « Si tous les hommes, dit-il, pouvaient, délaissant les affaires de la vie, s’appliquer uniquement à la philosophie, ils ne devraient pas chercher d’autre voie que celle-là seule du christianisme. Aucune doctrine, disons-le sans orgueil, ne donne de meilleure explication des croyances humaines, des obscurités des prophéties, des paraboles évangéliques et de mille autres faits en préceptes symboliques. Cependant, comme les nécessités de la vie et la faiblesse des hommes interdisent la philosophie au plus grand nombre, quelle méthode mieux adaptée à la foule peut-on trouver que celle enseignée aux nations par Jésus lui-même ? « Qu’on demande à la multitude des croyants que la foi a purifiés de la fange des vices où ils se roulaient précédemment, lequel des deux systèmes est préférable, ou de corriger ses mœurs en croyant sans examen à la récompense qui attend la vertu et au châtiment qui menace les coupables ; ou bien de dédaigner la foi simple et de différer l’amendement de ses mœurs jusqu’au temps où, à force de recherches, on se sera enfin convaincu de la vérité. Sans doute tous ou presque tous ceux qui méprisent la foi simple restent dans la vie corrompue et sont bien inférieurs aux simples qu’ils dédaignent. Ceci n’est pas une des moindres preuves de la divinité d’une doctrine aussi indispensable aux hommes que l’est celle de notre Sauveur. Un simple médecin des corps qui guérit beaucoup de malades est déjà regardé par les peuples comme un don de la Providence, sans laquelle rien d’heureux n’arrive aux hommes. Si celui qui soigne les corps des hommes et améliore leur santé ne travaille pas en vain, à combien plus forte raison celui qui soigne les âmes, qui les convertit, qui les rend meilleures, qui les soumet à Dieu, qui leur apprend à conformer leur conduite à la bonté divine, à ne rien dire, ni faire, ni même penser qui ne soit selon le bon plaisir de Dieu. Nous confesserons donc qu’après avoir éprouvé sur la plupart des hommes l’utilité de la foi. même toute simple et sans examen, nous la recommanderons à ceux qui ne peuvent tout quitter pour se livrer uniquement à l’examen de la doctrine. » Contra Cels., I. 9.

Sans doute les apologistes anciens avaient déjà mis en relief la valeur morale du christianisme. Mais nul n’en avait tiré un argument aussi décisif Jusque dans l’exercice des devoirs sociaux, Origène se plaît à montrer que les chrétiens se conduisent en véritables disciples de l’esprit. Celse reprochait aux disciples du Christ d'être de mauvais citoyens, de s’abstenir en particulier du métier des armes et du serice militaire. Mais, lui répond Origène, « les prêtres de vos statues, les néocores de ceux que vous regardez comme des dieux, conservent leurs mains sans souillures à cause des sacrifices, afin de pouvoir offrir ce que vous croyez des sacrifices à ceux que vous appelez des dieux avec des mains pures de tout meurtre et non ensanglantées : si cette conduite est raisonnable, combien davantage celle des chrétiens, qui. prêtres et serviteurs du vrai Dieu, gardent leurs mains pures et combattent avec les prières qu’ils adressent à Dieu pour ceux qui font de justes guerres, pour celui qui règne avec justice, afin que le Seigneur écarte des justes toutes les adversités et toutes les haines.. Et si Celse veut que nous nous battions pour la patrie, qu’il sache que cela nous le faisons aussi, non pour être regardés des hommes et pour obtenir d’eux une vaine gloire, car c’est dans le secret que selon la raison, nous adressons à Dieu nos prières, prières vraiment sacerdotales pour nos compatriotes. Les chrétiens sont plus utiles à la patrie que le reste des hommes : ils forment des citoyens, ils enseignent la piété à l'égard de Dieu gardien des cités ; ils font monter jusqu'à une cité divine et céleste ceux qui vivent bien dans les petites cités de la terre. » Contra Cels., VIII, 73-74.

Plus encore, la splendeur de la propagande chrétienne paraît à Origène un décisif argument : tout en effet n’est-il pas l'œuvre manifeste de la Providence dans l'établissement et la croissance de l'Église ? Dès les origines, « Dieu, voulant préparer les nations à la doctrine de son Fils, les assujettit toutes à l’autorité romaine, de peur que des peuples divisés sous des princes différents, et sans liaison entre eux ne soient un obstacle à l’accomplissement de la mission que les apôtres avaient reçue de leur maître, quand il dit : Allez, enseignez toutes les nations. » Contra Cels., II, 30. Puis Jésus meurt, et les disciples s’en vont à travers le monde, faibles, peu nombreux, sans armes, sans ressources, voire sans instruction et sans sagesse humaine. Leur échec est certain et ils triomphent, les foules accourent à eux pour entendre leur parole et pour recevoir le baptême. Contra Cels., I, 29-30. Les années passent et s’ajoutent les unes aux autres. L'Église grandit toujours. « Il y a grande insuffisance d’ouvriers pour la moisson, et néanmoins les Églises, qui sont les aires de Dieu, se remplissent de gerbes innombrables. » Contra Cels., i, 63. Tous les hommes viennent au Christ, enthousiasmés par la sublimité de sa doctrine ; des pauvres et des ignorants surtout, qui y découvrent une sagesse appropriée à leurs conditions et à leurs besoins, mais aussi des philosophes, Contra Cels., VI, 1 ; VII, 60 ; des personnages opulents et élevés en dignité, des femmes distinguées par leur naissance et nourries dans les délices. Contra Cels., III, 9. En vain, les persécutions se sontelles déchaînées contre l'Église ; en vain, au moment même où Origène rédige son apologie, des calomniateurs acharnés s’en vont répétant que les grandes calamités qui pèsent sur l’empire ne proviennent que de l’accroissement du nombre des fidèles et de l’insouciance des magistrats qui ont négligé de les poursuivre comme par le passé. Contra Ois., III, 15. Si Dieu a permis que, de temps en temps, un certain nombre de fidèles donnent leur vie pour la religion chrétienne, afin que le souvenir de