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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/163

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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. SAINT PAUL

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fait qui nous constitue hommes et iils d’Adam nous constitue pécheurs. Au contraire, nous ne devenons pas membres du Christ sans notre participation. La foi qui nous engendre à la grâce et le baptême qui nous régénère sont quelque chose de surajouté à notre nature. Cette réserve faite, l’universalité du péché et celle de la justice sont dans le même rapport. » Prat, ibid. Le sens du ꝟ. 19 rejoint celui du ꝟ. 12. Par celui-ci nous apprenions que tous « péchèrent » avant la Loi par le fait d’Adam (non par un péché personnel imputable) ; ici l’on nous dit plus clairement que, par la désobéissance du premier homme, tous ont été constitués pécheurs, ceci par contraste avec le fait nouveau de la justification de tous en un seul. « C’est en opposition avecle Christ, source de grâce, qu’Adam fut mieux compris comme source de péché. » Lagrange, p. 118.

La Loi est intervenue pour mettre en relief le règne du péché ; mais, là où le péché a abondé, la grâce a surabondé. Tout cela pour que, comme le péché d’origine, grandi par les péchés actuels qu’il produit, a régné dans la mort, ainsi la grâce par la justice, en produisant ses fruits, régnât pour la vie éternelle. Ici, au ꝟ. 21, comme d’ailleurs déjà au ꝟ. 17, le parallélisme entre Adam, source de mort, et le second Adam, source de vie éternelle, nous laisse entendre qu’Adam n’a pas été seulement, par son péché, source de mort corporelle, mais source de cette mort spirituelle qui exclut du royaume messianique et empêche de partager ses joies, c’est-à-dire la véritable vie.

Ainsi, le parallélisme établi entre le premier et le second Adam pour illustrer le dynamisme de la grâce, par rapport au dynamisme du péché, nous donne-t-il une conscience plus nette et plus claire des conséquences de la chute du premier homme. L’universalité du péché et de la mort vient d’Adam ; de lui et par lui mort et péché ont passé dans tous les hommes. Le péché d’origine est un véritable péché, une véritable séparation d’avec Dieu. C’est un péché héréditaire proprement dit, et non seulement une simple disposition au péché. Je dis « non seulement », car le péché d’origine, qui a sa source en Adam, est aussi pour l’Apôtre une entité puissante, un potentiel de mal qui a son siège dans la nature charnelle de l’homme, et qui est gros de tous les péchés actuels.

Évolution et conséquence du péché d’origine (Rom., vii-vni). —

Quel retentissement ce péché a-t-il eu dans la conscience humaine et dans le monde ?

1. Dans la conscience humaine.

Selon bon nombre d’exégètes du protestantisme libéral, il faudrait chercher la véritable théorie paulinienne de la genèse du péché dans le monde, non au c. v, 12-21, mais au c. vu de l’épître aux Romains. Ici, l’Apôtre affirmerait que la loi physique de la chair, c’est le péché. Celui-ci serait entré dans le monde au moment même de la création ; latent dans la chair même d’Adam, en vertu même de sa constitution, il se serait manifesté pour la première fois par la transgression du premier homme. Adam n’aurait aucune signification comme source de péché ; « il serait seulement le premier pécheur parce qu’il est le premier homme. » Prat, op. cit., t. ii, p. 83 ; Holsten, Das Evangelium des Paulus. II. Paulinische Théologie, Berlin, 1898, p. 81.

Cette exégèse est contraire à l’ensemble de la pensée de saint Paul. D’après v, 12-21, le péché est entré dans le monde, non pas au moment de la création, mais bien par la transgression du premier homme. Alors seulement, la chair n’a plus été seulement chair, mais elle est devenue instrument de péché en se révoltant contre l’esprit et la loi de Dieu.

De plus, Paul connaît une chair sans péché ; c’est donc que le péché n’est pas un attribut essentiel de la chair. D’après Rom., viii, 3, Dieu a envoyé son Fils dans une chair semblable à celle du péché. « Paul voulait dire que le I-’ils axait pris notre uliair ; mais notre chair était, depuis Adam, une chair dominée par le péché. C’est sur ce point que le Christ ne saurait nous ressembler. II Cor., v, 21. La ressemblance de la chair de péché est donc notre chair, mais sans le péché. » Lagrange, p. 193.

La chair, même en dehors du Christ, peut d’ailleurs devenir l’organe de la vie de l’esprit. Le corps du chrétien est « pour le Seigneur », I Cor., vi, 13 ; il est le « temple de l’Esprit-Saint », I Cor., vi, 19 ; il peut, sous l’influence de l’esprit du Christ, être ressuscité, Rom., vin, 11, « racheté », Rom., viii, 23. Les mêmes membres qui sont le siège du péché, Rom., vii, 23, sont capables de devenir des armes de justice au service de Dieu, vi, 23. C’est donc que, lorsque Paul parle de la chair comme de la source, du siège, de l’organe du péché, il entend la chair, non telle qu’elle est sortie des mains de Dieu, mais telle qu’elle a été corrompue par le péché d’Adam.

Non, saint Paul n’est point dualiste à la façon des manichéens, le c. vu de l’épître aux Romains ne contredit point le c. v ; celui-ci nous disait l’origine du règne du péché ; celui-là nous raconte l’évolution de ce règne dans la conscience humaine.

Le péché nous apparaît, dans cette nouvelle section, aussi bien que dans la précédente, comme la puissance tyrannique qui est entrée dans le monde avec le péché d’Adam et qui veut régner. Il a des ministres et des auxiliaires à son service : d’un côté, la chair, qui, depuis la faute d’Adam, est asservie au péché ; et de l’autre, la Loi qui donne vie au péché.

Le péché d’origine, dans son évolution, est tout d’abord comme une force latente, morte en un certain sens sans la Loi ; il ne devient réalité vivante que quand la Loi paraît pour lui donner force et lui faire prendre conscience de lui-même. « Je n’ai appris à connaître le péché que par la Loi… Or, le péché a pris occasion de ce commandement pour produire en moi toutes sortes de convoitises, car sans la Loi le péché est mort. Ainsi, le commandement qui devait conduire à la vie s’est trouvé être une cause de mort. » vii, 7-11. Bref, la Loi n’aboutit qu’à aider au développement des virtualités funestes du péché.

Le péché a son siège dans la chair ; il règne dans le « corps mortel pour obéir à ses convoitises », vi, 12-14, 17-20 ; c’est par lui que l’homme, laissé à lui-même, est « charnel, vendu au péché », en hostilité perpétuelle avec la loi de l’Esprit. L’Apôtre nous décrit l’homme aux prises avec ce principe étranger à sa nature et qui est le péché d’origine, d’une façon impressionnante, dans ce passage classique, vii, 14-25 : « (14) Nous savons que la Loi est spirituelle ; mais moi je suis charnel, vendu au service du péché. (15) Car ce que je fais je ne le sais pas ; car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais. (16) Si donc je fais ce que je ne veux pas, je reconnais que la Loi est bonne. (17) Mais alors ce n’est plus moi qui le fais, mais le péché qui habite en moi, (18) car je sais que ce n’est pas le bien qui habite en moi, c’est-à-dire dans ma chair ; en effet, le vouloir est à ma portée, mais non la pratique du bien, (19) car je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je ne veux pas. (20) Si donc je fais ce que je ne veux pas, ce n’est pas moi qui le fais, mais le péché qui habite en moi. (21) Moi qui voudrais faire le bien, je constate cette autre loi, que c’est le mal qui est à ma portée, (22) car je prends plaisir à la loi de Dieu selon l’homme intérieur, (23) mais j’aperçois dans mes membres une autre loi qui lutte contre la loi de ma raison et qui m’enchaîne à la loi du péché qui est dans mes membres ; (24) malheureux que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? (25) Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Ainsi donc je suis le même qui