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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/277

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PKOHAHI I.ISMK. L’AI 1 A I R i ; GONZALEZ


suscitei la première rédaction ; mie autre concerne l’interprétation proposée des décrets de la Compagnie relatifs aux opinions larges, outrée au gré « lu censeur. Gonzalez a certainement tenu compte de cette censure, encore qu’il n’en approuvât point toutes les observations, comme il ressort d’autres écrits de lui. A la suite de cet examen, le maître du Sacré Palais désignait à son tour, pour la revision de l’ouvrage, deux qualificateurs de l’Inquisition, l’un carme déchaussé, l’autre cistercien et consulteur de l’Index. Leurs rapports favorables, datés de janvier 1694, figurent en tête de l’ouvrage imprimé, suivis de V imprimatur du maître du Sacré Palais, le P. Ferrari, dominicain. Dans l’intervalle, les assistants avaient formulé de nouvelles plaintes au sujet de ce livre auprès de la curie pontificale et du pape lui-même. La congrégation des procureurs ne fut pas saisie de l’objet ; mais elle avait décidé, à la majorité d’une voix et dans des circonstances fort agitées, la convocation anticipée de la congrégation générale, mesure hostile au I’. Gonzalez ; d’où nouveau conflit, aboutissant le 3 août 1694 à une déclaration de non-validité du décret en cause, prononcée par une commission de cinq cardinaux que le pape avait instituée à cet effet. Gonzalez demeurait maître de la place.

Son livre était sorti dès janvier. Contre le gré des assistants, il paraissait sous le nom de son auteur, et, contre une remarque du P. Zingnis, le nom du P. Gonzalez était suivi de son titre de præpositus generalis Societatis Jesu. En la dissertation préliminaire, il était seulement spécifié que l’auteur publiait ce traité, non comme le chef, mais comme l’un des théologiens de la Compagnie, sans exiger des membres de celle-ci qu’ils adoptassent sa doctrine, mais en laissant à tous l’entière liberté de défendre la thèse qui, après examen, leur paraîtrait la mieux fondée. L’ouvrage de Gonzalez est intitulé Fundamentum theologiæ moralis id est tractatus theologicus de recto usu opinionum probabilium, in quo ostenditur… Il est d’ordre scientifique, supérieur pour la qualité de la pensée à la plupart des écrits du temps consacrés au même sujet. Ses défauts sont la prolixité du style, dont les théologiens espagnols ne sont jamais exempts, quelques accommodations historiques, largement excusées par la situation particulière de l’auteur, et une distribution imparfaitement ordonnée des matières, due surtout aux additions et remaniements que représente cette édition par rapport à la première rédaction de l’ouvrage, ancienne d’environ vingt années. Mais la pensée en est dûment réfléchie et élaborée, fidèle aux convictions que s’était faites l’auteur depuis sa renonciation au probabilisme, survenue au cours de ses missions apostoliques en Espagne. La valeur de l’ouvrage, jointe au retentissement qu’il obtint, nous commande d’en présenter l’analyse.

La doctrine de Gonzalez.

La définition de la probabilité,

élaborée dès le commencement, engage bien la recherche. En voici une formule entre plusieurs :

Opinio ergo probabilis est illa quæ concipitur ob rationem vel rationes talem pra : se ferentes apparentiam veritatis, ut ob illas vir prudens sine ulla pra-cipitatione et passione judicet rem esse veram, lieet agnoscat non repugnafe quod sit falsa : quia videlieet médium assentiendi non est demonstrativum. Éd. de Cologne, 1694, p. 11.

Où l’on revient à la notion classique du probabledéfini en fonction du vrai et de l’adhésion de l’esprit. Quand Gonzalez déclare là-dessus que beaucoup d’auteurs de son siècle, s’ils permettent qu’on suive l’opinion probable, entendent une opinion dont le sujet pour son compte est persuadé, bien que sa contraire soit tenue communément pour plus probable, il avance une distinction en soi fort intéressante, mais mal appliquée ; en fait, on est passé d’un sens à l’autre dès la première heure du probabilisme, qui s’est

constitué en ce déplacement môme. Du moins saisit-on ici les précautions de Gonzalez, préoccupé de réduire les différences de sa doctrine d’avec les idées reçues.

1. Lu partie critique de l’ouvrage atteint le probabilisme en ses thèses vives. Et d’abord cette conclusion, diss. III, que L’intelligence ne peut adhérer à la proposition qui lui paraît inoins vraisemblable que la contradictoire, c’est-à-dire qui lui semble plus fausse que vraie. L’auteur déclare avoir défendu cette th( Salamanque dès 1662. D’où il déduit qu’agir d’après la moins probable c’est agir non pas moins prudemment, mais imprudemment, cette prétendue moins probable n’étant pas probable du tout ; qu’il n’y a pas lieu, pour la rejeter, de vouloir qu’elle soit évidemment fausse. Il ajoute que, s’il est permis de suivre n’importe quelle opinion probable, l’étude de la théologie morale devient inutile, car il suflira dès lors d’établir un catalogue des opinions probables, sans plus se soucier de la réalité, objet de cette science (on se rappelle la critique pareille de Minutolo, ci-dessus, col. 508), comme devient inutile le zèle de prier et supplier Dieu pour qu’il fasse connaître sa loi et la vérité. De plus, permettre qu’on suive la moins probable conduit à cette affirmation que la loi n’oblige pas tant que son existence n’est pas certaine et évidente. Gonzalez a làdessus des paroles dures, qu’il dit atteindre Caramuel, mais dont nous savons qu’elles touchent aussi d’autres noms.

Dicere autem quod le.x non obligat nisi ejus existentia sit cognita certo et evidenter ab opérante, est res absurdissima et qu ; e uno ictu innumera præcepta de medio tollit et facit licitas res omnes quæ in controversiam vocata : sunt a theologis. Unde sulïïciet scire quod disputatur inter theologos an aliquis contractus sit illicitus, aliqua actio prohibita, ut statim absque ullo scrupulo possit quis ejusmodi contractum et actionem exercere : quia hoc ipso quod sciât id vocatum esse in disputationem a theologis recte inlerre potest non esse manifestum et evidens quod sit prohibitum. Éd. cit., p. 46-47.

Toute cette IIIe dissertation est d’une vigueur et d’une exactitude dans la critique qui dénoncent le bon auteur sous la modestie dont il s’enveloppe. On en rapprochera la Ve dissertation, dirigée contre cette thèse (évoquant pour nous le nom de Vasquez) selon laquelle le docte qui tient pour telle opinion en vertu de raisons intrinsèques peut suivre et conseiller la contraire, sur la considération des autorités qui la défendent.

Une autre conclusion refuse cette certitude réflexe où les probabilistes pensent atteindre en vertu d’un syllogisme comme celui-ci : il est permis de suivre toute opinion probable ; or, cette opinion est probable ; donc, il est permis de la suivre ; ou qu’ils se donnent en considération de la multitude des docteurs enseignant qu’il est licite de suivre la moins probable. Rien de tout cela, dit Gonzalez, ne rend plus vraisemblable à l’intéressé la proposition en litige, par exemple la justice de tel contrat. Avec cette réflexion, on en arrive à une situation où d’une part on tient pour plus vraisemblable la malice d’un contrat, cependant que d’autre part on estime ce contrat permis. N’est pas davantage admise la « réflexion » sur la possession de la liberté ni. on le pense bien, sur la prétendue non-promulgation de la loi ou sur l’ignorance où. grâce au doute, on serait de celle-ci. Seule est légitime et autorise le jugement pratique certain cette i réflexion » où l’on assure qu’on tient connue plus probable, et comme l’objet de l’adhésion intellectuelle, une opinion communément considérée comme moins probable.

Gonzalez traite aussi du cas où l’esprit se trouve en présence de deux opinions également probables, l’une favorable à la liberté, l’autre à la loi. En ce cas rien n’autorise l’adhésion, les motifs qui agissent SUT l’esprit