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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/299

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PROB VBILISM

L’ACTION DE S. ALPHONSE

a si icni scandalisé et qu’a si f « » 1 1 combattue Patuzzi. Le principal soin de saint Alphonse, dans la suite de s<s explications, est de défendre et de justifier son principe, à rencontre des arguments < ! < son adversaire. Nous ne mettons pas en question que la promulgal ion soii de la raison même de la loi, el il es1 bien entendu que non promulguée une loi est dépourvue de toute vertu obligatoire. Il nous paraît moins (aident a première vue qu’un doute conçu au sujet d’une loi doive équivaloir au défaut de promulgation de cette loi. Telle est pourtant l’affirmation de saint Alphonse : il ne con sidère pas le cas où, de la part du législateur, la loi eût été mal promulguée, telle qu’on dût la considérer comme n’étant pas promulguée du toul ; mais, quelle que soit sa promulgation effective, el celle-ci étant même supposée irréprochable, il tient qu’un doute conçu par le sujet relativement à la loi, et il s’agit, on l’entend bien, d’un doute sincère, impuissance de s’assurer de la prohibition portée par la loi, il tient que ce doute a la vertu d’assimiler la loi à une loi non promulguée et clone non obligeante. Au point que l’auteur étend son principe aux cas où le sujet doute, non pas même de la promulgation de la loi et de son existence. mais de la dépendance d’une action particulière liairapport à une loi dont il sait sans le moindre doute qu’elle est promulguée ; saint Alphonse estime qu’alors, relativement à cette action particulière, la loi n’est pas promulguée et qu’on demeure libre. Il ajoute enfin que le principe ainsi établi s’entend de la loi naturelle comme de la loi positive.

Ne cherchons pas au nom de quel moyen terme est opérée cette identification du doute et de la loi non promulguée. On ne le trouverait pas plus ici que dans les réponses faites à Patuzzi. Cette identification fut dès l’abord et elle est demeurée pour saint Alphonse une évidence que rien n’a dissipée. Qu’elle se soit imposée à son esprit avec cette force, on ne le comprend que moyennant une certaine conception de la loi, sousjacente à cette affirmation. Dire que quiconque doute de la loi échappe de ce fait à l’obligation de la loi procède de cette pensée première que la connaissance qu’on en prend fonde l’obligation de la loi..Mais, s’il est établi par ailleurs que la connaissance n’est qu’une condition de l’obligation de la loi, dont la valeur obligatoire est d’ores et déjà fondée, en ce cas et le présupposé alphonsien et le système qui en procède se trouvent singulièrement menacés. Or, on se persuadera que le rôle de la connaissance est non de fonder la valeur obligatoire de la loi, mais de réaliser chez le sujet une condition de son application, si l’on veut bien considérer que la promulgation de la loi est une réalité absolument distincte de la connaissance que le sujet en prend. I.a promulgation, acte du législateur, est un caractère objectif de la loi, antérieure à la connaissance du sujet et indépendante d’elle, tout en s’adressant à elle. Dès qu’elle est posée, la loi oblige. Il est bien vrai qu’étant promulguée et revêtue de sa force obligatoire une loi n’atteint un sujet que moyennant la connaissance qu’en prend celui-ci. et c’est pourquoi un sujet ignorant invinciblement une loi dûment promulguée ne portera pas en conscience la responsabilité de l’avoir enfreinte ; en ce ras. la distinction que nous rappelons et que saint Alphonse n’a point faite est sans conséquence pratique : lui et nous en jugeons tout pareillement. Mais la distinction prend son importance précisément dans le cas du doute. Car douter d’une loi qui a force obligatoire avant d’être connue du sujet, ou bien d’une loi qui contracte sa force obligatoire dans la connaissance qu’en prend le sujet, n’est ce pas s’orienter vers deux attitudes nettement différentes ? Dans le second cas, on dira que l’obligation de la loi est mal assurée, exactement comme la connaissance même, et, parce qu’on est fort

exigeant vis a vis des titres obligatoires de la loi. on résoudra cette incertitude dans le sens de la non-obli gation, assimilant le doute (par une nouvelle et surprenante Identification, mais héritée, elle aussi, de Suarez) a l’ignorance invincible. Daiu le premier cas.

on en demeure a ce qui est : savoir que l’on doute d’une loi dont on sait que la force obligatoire ne dépend pas de la connaissance qu’on en prend : dans ce doute même, qui est le fait du sujet, encore une fois, et non

du législateur, sur qui nous ne pouvons tout de même

transporter et a qui nous ne pouvons faire subir les infirmités qui sont celles de notre connaissance, dans ce doute il se peut (pula loi existe, dûment promulguée. A partir de la, courra-t-oii le risque d’offenser la loi ? Mais comment le doute conçu a son propos conférerait-il ce droit ? A moins que le législateur ne l’ait spécifié, auquel cas la situation est tout autre, le doute laisse entières la loi et son obligation, si elle existe. Dès lois, il n’j a (prune issue, et c’est qu’on atiisse au plus sûr. lue fois reconnue l’analyse élémentaire que nous venons de rappeler, aucune autre conduite n’est justifiable. Bien plus, loin que le doute soustraie à la loi, on le considérera comme la notification à l’esprit d’une réalité possible, qu’on eût sans cela méconnue, mais à laquelle désormais on prendra garde. Le doute est une suppléance de la connaissance certaine, grâce a quoi, quand même celle-ci ne nous est pas donnée, nous évitons de porter atteinte à l’ordre des choses, dont la loi est l’expression.

Nous rappelons à dessein cette idée médiévale du doute tenu, non pour une libération, mais comme une sauvegarde. Elle nous permet de découvrir aussitôt le malentendu foncier d’où procèdent en dernier ressort les deux solutions divergentes que nous venons de dire. L’une relève d’une conception morale où l’on juge de l’action sur sa conformité à des valeurs réelles, celle que nous exposions à l’entrée de ce travail : l’autre, d’une conception où l’action est toute définie par les rapports de la loi et de la liberté. Saint Alphonse est pour la dernière, que pas un instant il n’a songé à mettre en question. Il l’a reçue toute faite de la tradition probabiliste. Il vit tranquillement sur ces pensées. La liberté y est traitée d’emblée comme le bien originel de l’homme. Agir à sa guise, tel est son premier droit, tel est son premier bien. Qu’une règle s’impose à l’action, elle gène d’autant la liberté et donc empiète sur le bien. En morale classique, on agit en vue de quelque bien objectif, et les vertus, principes habituels de l’action droite, ne se différencient que dans l’exacte mesure où se distinguent et se distribuent les biens offerts à nos prises. La règle y est donc essentiellement aimable puisqu’elle conduit au bien. Elle est en morale alphonsienne essentiellement contraignante. Elle entame d’autant le bien primitif et proprement nôtre de la liberté. Rien de plus significatif en ce sens que la notion de loi naturelle chez saint Alphonse. Nous pensions qu’elle était l’ordre même de la nature, inscrit en sa constitution. On nous explique ici qu’avant d’être lié par la loi naturelle même l’homme est libre : il y a donc lieu que la loi fasse ses preuves ; tant qu’elles ne sont pas faites, la liberté prévaut. Ainsi, jusqu’à l’obligation de la loi naturelle qui est onéreuse ! Une heure de métaphysique peut-être eût dissipé cette idée et celles qui s’ensuivent. Mais nous avons dit qu’elle a rang chez Alphonse de Liguori d’axiome indiscuté, constituant sa structure intellectuelle de moraliste, cela justement que l’on met en œuvre, sans y réfléchir, dans tous les raisonnements qu’on entreprend, cela ou se heurtent les plus doctes arguments de l’adversaire. En ces conditions, comment n’eût-il pas conclu que le doute délivre ?

A son tour, la peur 1res sincère du rigorisme. que l’on voit être le moteur de sa dialectique et l’âme de