Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/411

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

su ;

    1. PROPR I ÉTÉ##


PROPR I ÉTÉ. LES I. R R El RS SOC1 1. 1 — I l S

rimentalement et scientifiquement, d’ailleurs étran gère au monde de la liberté el de la moralité. En ce sens, on peut affirmer qu’il > a une cireur libérale, même dans la défense de la propriété. Quant au détail des arguments, souvent très ingénieux, il ne nous parait pas qu’il soit opportun de nous y attarder : on les trouvera dans tous les manuels classiques d’écono mie politique.

2° Les erreurs socialistes. Nous qualifions de so cialistes les doctrines qui excluent le principe même de la propriété.

Le socialisme est aujourd’hui une erreur, ou plutôt Un recueil d’erreurs nettement condamnées ; il mériterait en lui-même et pour lui-même une étude importante. Plus qu’un système économique, plus qu’une technique de la production et de la répartition, plus qu’une solution au problème des rapports entre capitalistes et prolétaires, le socialisme est une conception philosophique de la destinée humaine. « Il épouse en quelque sorte la destinée de l’homme. » M. Aimé Blanc, La vie socialiste, du 13 avril 1929. « Il trouve nécessairement ses mobiles dans les profondeurs d’une mystique et d’une foi. » M. Lévi-Strauss, La vie socialiste du 30 mars 1929. Il est « une règle générale de vie », une « catholicité », selon M. Léon Blum, une civilisation appelée à succéder « à deux autres grandes civilisations : la civilisation païenne et la civilisation chrétienne ». M. Laurent-Esticnne, La France libre du 9 oct. 1921. Sous cet aspect, qui lui est essentiel, le socialisme déborde largement les limites de l’article présent. Mais nous n’aurons garde de négliger ses bases philosophiques, bien faites pour donner tout leur sens aux attaques portées par le socialisme contre le droit de propriété privée.

Il importe en effet de souligner ce fait que le socialisme contemporain est né et a grandi en réaction contre l’économie orthodoxe, ce qui revient à dire que le socialisme a beaucoup emprunté au libéralisme. Il est aisé de montrer que l’armature technique du socialisme scientifique est un démarquage des thèmes orthodoxes, notamment des thèmes pessimistes développés par Ricardc. Mais il faut noter surtout que la philosophie matérialiste et déterministe rencontrée chez les libéraux se retrouve chez les socialistes, abstraction faite d’un socialisme plus sentimental et généreux que scientifique, où l’on voit percer l’ancienne tradition utopique et panthéiste. Ajoutons que le départ est souvent malaisé entre les deux socialismes : dans un même esprit, les deux tendances se combinent aisément, puisque toutes deux conduisent à des conclusions identiques et que seuls leurs principes métaphysiques s’opposent dialectiquement. De là, pour le dire en passant, la force et la faiblesse du socialisme : il séduit sans peine la foule des hommes généreux ou mécontents et les groupe pour une œuvre de destruction, mais, s’il s’agit de construire et de vivre en société, ce qui ne peut se faire que sur la base d’un idéal commun, l’équivoque fondamentale ne tarde pas à éclater, et le groupe se déchire.

Quoi qu’il en soit, il est impossible de comprendre les formes contemporaines du socialisme si l’on oublie ce qu’il doit aux économistes orthodoxes ou libéraux. C’est par eux que le socialisme, de romanesque, d’éthique, devient en outre un système économique.

1. La notion de valeur.

Le pivot du socialisme scientifique semble être la notion économique de « valeur ».

Encore que Condillac ait. dès 1770. exposé une théorie psychologique de la valeur, notablement supérieure à l’idée que s’en faisaient les physiocrates, cette théorie ne devait pas connaître avant la seconde moitié du xix'e siècle la faveur qu’elle méritait, lai effet, Adam Smith, par son fameux ouvrage sur La richesse

dis nations, allait, en 1776 précisément, mettre en circulation une théorie de la valeur qui devait longtemps s’imposer. Il distingue valeur d’usage et valeur d’<

change, étudiant celle-ci sans référence à celle-là. pour déterminer la valeur d’échange sans tenir compte des désirs subjectifs, Smith oseille entre deux principes : tantôt, il admet que le travail c’est-à-din que Chaque chose coûte de peine et de trouble à celui qui veut l’acquérir >, est la mesure réelle de la valeur échangeable de tous les biens ; tantôt, il mesure le prix réel de la chose à son vrai coût de production. Les deux sont distinctes. Dans une société précapitaliste, en effet, le rôle des instruments étant pratiquement négligeable, le travail seul, c’est-à-dire le temps que l’on perd et la peine que l’on prend pour atteindre tel résultat économique, mesure la valeur de ce produit. Au contraire, dans une société capitaliste, le coût de production doit comprendre, outre le salaire du travailleur, la rémunération due au propriétaire de la terre et des autres capitaux. Cette dernière rémunération est-elle légitime ? Smith l’affirme, en arguant non plus de cet ordre naturel, évident et nécessaire, selon lequel le propriétaire était prédestiné, au gré des physiocrates, à mettre la terre à la disposition du travailleur agricole, quitte à s’acquitter des « avances », c’est-à-dire à consentir les frais d’aménagement ; mais en arguant de ce que le « profit » doit en justice rémunérer le travail du propriétaire, conçu comme un entrepreneur (Smith n’a pas su distinguer le rôle de l’entrepreneur et celui du capitaliste), couvrir ses risques de perte et couvrir les risques courus par le prêteur de capitaux.

Ricardo s’empare à ce point de l’argumentation et la pousse à fond avec la logique qui lui est habituelle. A quoi bon distinguer ainsi la rémunération du travail et celle des capitaux ? Une telle distinction n’a d’intérêt qu’au point de vue comptable. En réalité, lorsqu’on rémunère un capital, on rémunère un travail antérieur, « le travail dépensé pour former le capital » c’est-à-dire « du travail accumulé ». Harcelé d’objections, Ricardo finit par renoncer à cette définition trop simple de la valeur : « Je peine à ma tâche, écrivait-il à Malthus, et j’essaie de comprendre la plus difficile des questions de l’économie politique. » Un mois à peine avant sa mort, il avouait n’avoir pas réussi à résoudre le problème de la valeur. Cependant, en dépit des hésitations de leur maître, les disciples de Ricardo, Mac Culloch et James Mill, continuèrent de soutenir la même thèse. James Mill et Mac Culloch sont deux disciples intransigeants qui apportent à leur propagande économique le zèle du religionnaire écossais. Mais il arrive que leur intransigeance les emporte au de la de la doctrine du maître. Ricardo admettait qu’il y eût des limitations, des exceptions, à ses principes : James Mill et Mac Culloch, négligeant systématiquement toutes ces restrictions, seront plus ricardiens. pour ainsi dire, que Ricardo lui-même. » E. Halévy, Le radicalisme philosophique. 1901, p. 56.

Les premiers socialistes anglais n’eurent qu’à transmettre cette conception de la valeur à Karl Marx. Celui-ci s’en empara et en fit le pivot de sa critique du capitalisme. Puisque, entre les choses différentes que l’on échange, la justice exige qu’il y ait une valeur commune, seul le travail peut être ce quid communt. Tout le reste peut différer en elles, mais, « en tant que valeurs, toutes les marchandises ne sont que du travail cristallisé. Il proteste donc contre ce qu’il appelle un mystère d’iniquité : si toute la valeur représente du travail, mieux encore, si le travail est la substance même de la valeur, pourquoi tout le prix ne revient-il pas au travailleur ? Le socialisme scientifique était né. trouvant dans son berceau, contre la propriété, une arme empruntée aux doctrines libérales.