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RELIGION. ORIGINE, DOCTRINE DE L'ÉGLISE


sans être exposés au doute et à l’erreur : Ut sic omnes de jacili possent divinæ cognitionis participes esse et absque dubitatione et errore. Sum. cont. dent., I. I, c. iv, conclusion reproduite presque textuellement par le concile. »

Mais il ne faut pas assimiler purement et simplement la révélation des vérités naturelles et celle des vérités surnaturelles, ce serait tomber dans le traditionalisme. Les deux révélations diffèrent par leur mode comme par le caractère de leur nécessité. « Rien n’empêche… d’accorder aux traditionalistes, qu’en fait Adam a reçu, au moment de sa création, la science infuse des données de la religion naturelle. Mais ils se méprennent, lorsqu’ils prétendent tirer de là cette conclusion, qu’Adam et ses descendants ont cru à ces données, par un acte de foi fondé sur l’autorité de Dieu qui révèle, et qu’ils n’y ont pas adhéré en s’appuyant sur les lumières de leur raison. « La science infuse donnée à Adam, suivant saint Thomas et Suarez, n'était pas, en effet, l’objet d’une révélation proprement dite, que Dieu impose de croire, à cause de son témoignage divin. Non, cette science, considérée en elle-même, ressemblait à celle que nous acquérons par nos recherches et nos raisonnements naturels. Seulement, pour épargner à notre premier père le long détour de ces recherches et de ces raisonnements, Dieu le constitua dans le même état d’esprit où il se serait trouvé, s’il avait fait ces recherches et ces raisonnements. Par rapport à l’existence de Dieu et à ses attributs, cet état d’esprit consistait donc à voir que cette existence et ces attributs sont établis avec certitude par des démonstrations d’ordre naturel. Cette science qui était infuse en Adam et qu’il communiqua à ses descendants était donc fondée sur les principes de la raison naturelle. Bien que donnée à Adam d’une façon extraordinaire, elle avait donc pour fondement l'évidence intrinsèque des vérités manifestées à la lumière de la raison. » Vacant, ibid., p. 330-331.

b) La révélation est absolument nécessaire pour connaître les vérités d’ordre surnaturel. — Et ceci s’applique à la révélation primitive. « C’est, en effet, doctrine commune qu’il faut admettre la révélation primitive, au moins intérieure, des vérités surnaturelles les plus générales et les plus nécessaires au salut : la foi en Dieu souverain Maître, rémunérateur et révélateur, appelant l’homme à son amitié, à sa ressemblance, à sa vie immortelle. Comme aussi, selon saint Thomas, le salut par le Médiateur futur. Et saint Paul, en effet, voit déjà au paradis [terrestre], dans l’institution du mariage indissoluble, la figure du Christ et de l'Église. Se rappeler aussi le Protévangile. » A. Verriele, Le surnaturel en nous et le péché originel, Paris, 1932, p. 149.

3. Transmission de la révélation.

Le concile du Vatican ne parle pas de la transmission de la révélation primitive. Mais la foi catholique exige qu'à ce sujet nous tenions compte de ce que la Genèse nous apprend des premiers temps de la religion. Ce livre ne nous donne d’ailleurs sur ces premiers temps que des indications sporadiques, jusqu'à la nouvelle alliance conclue par Dieu avec l’humanité après le déluge, considérée dans la perspective de l’auteur sacré comme un nouveau point de départ religieux. Nous voyons, Gen., iv, 3, 4, Cain offrir à Dieu les produits de la terre et Abel les produits de son troupeau. Au sujet d'Énos, fils de Seth. fils d’Adam, il nous est dit « que ce fut alors que l’on commença à invoquer le nom de Jahweh », Gen., iv, 24, ce qui signifie que le culte public prit naissance avec les premières sociétés et que ce culte s’adressa d’abord au vrai Dieu, au moins dans la lignée de Seth, différente de celle de Cain. Le début du c. v revient sur Seth (indication d’un changement de source), nous y lisons au ꝟ. 3, qu’Adam engendra un fils à sa ressemblance, selon son image ;

comme au ꝟ. 2, on nous rappelle que « lorsque Dieu créa Adam, il le fit à la ressemblance de Dieu », on nous enseigne ainsi que le premier homme transmit, tout au moins à une partie de sa lignée, la ress emblance avec Dieu et donc une attitude religieuse. Le descendant de Seth à la quatrième génération, Hénoch, « marcha avec Dieu et on ne le vit plus, car Dieu l’avait pris ». Gen., v, 24. Dans la descendance de Seth, Mathusalem et Lamech sont seuls à séparer Noé d’Hénoch. Dès lors, les hommes avaient commencé à être nombreux sur la terre, vi, 1, mais parmi eux Noé trouva seul grâce aux yeux de Jahweh, ꝟ. 8, tandis que « toute chair avait corrompu sa voie sur la terre », (ꝟ. 12). Somme toute, nous aurions dans ces premiers chapitres de la Genèse un raccourci d’histoire où les noms ont, au moins dans une large mesure, une valeur typique et sont employés pour concrétiser un tableau qui n’aurait pas été compris d’un peuple, encore dans l’enfance, s’il avait été présenté en termes généraux et abstraits. Ce qu’il faut surtout retenir c’est que la vraie religion fondée — au moins à l'état rudimentaire — à l’origine même de l’humanité s’est conservée dans une élite, et que cette élite a été en se rétrécissant de plus en plus, au point de se réduire à une seule famille au moment du déluge.

Étant donnés ces enseignements et les limites où ils se tiennent, on doit conclure que, du point de vue dogmatique, on ne peut pas nier la possibilité de décadences religieuses de l’humanité très profondes et, à certaines époques, quasi universelles, si bien que, pour ces époques, les chances de la science positive de découvrir des éléments quelque peu supérieurs de religion seraient à peu près nulles, pratiquement nulles. C’est ce qui a permis à Mgr Leroy d'écrire les lignes suivantes : « A supposer que le naturisme, l’animisme, la magie, le fétichisme et le totémisme forment la base des religions ou pseudo-religions des sauvages actuels et même des plus lointains représentants de notre espèce, la Bible — puisque c’est d’elle qu’il s’agit — est ici hors de cause. Laiiible en effet nous dit bien que le premier homme fut « créé à l’image de Dieu » et dès lors vraisemblablement pourvu des premiers éléments de ce qui s’est appelé la « révélation », mais elle ajoute que, par suite de la déchéance originelle, ses descendants se dispersèrent dans le vaste monde qui s’ouvrait à leur activité, sujets à toutes les faiblesses physiques, intellectuelles et morales de leur nature, privés désormais des immunités exceptionnelles accordées à l’ancêtre et, à l’exception de quelques familles privilégiées, bientôt livrés à toutes les divagations religieuses dont l’homme est capable et que nous pouvons remarquer aujourd’hui parmi les populations de culture inférieure. C’est en cet état de dispersion, de dégradation apparente et de vraisemblable dénùment intellectuel, que la préhistoire retrouve aujourd’hui quelques-uns de leurs représentants. » Art. Xaturûme, du Diclionn. apolog., t. iii, 191(1, col. 1067.

Le concile du Vatican ne parle que de la révélation extérieure et, semble-t-il, publique, il suppose acquis ce qui avant lui avait été enseigné par l'Église sur l’action de la grâce dans toutes les âmes. Il est bon néanmoins de rappeler ici ces enseignements. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés. La « volonté salvifique universelle » et la valeur universelle de la rédemption du Christ sont des vérités qui, sans avoir été expressément définies comme telles, sont à la base de l’enseignement actuel de l'Église. Cf. Conc. Trid., sess. vi, c. ii, Denz.-ljannw., n. 794 Il n’est pas semipélagien, comme le prétendait Jansénius, de dire que Jésus est mort absolument pour tous les hommes pro omnibus, omnino Iwminibus (5e des propositions de Jansénius condamnées le 31 mai 1653). Le Christ ne s’est pas olïert en sacrifice pour les seuls fidèles (condamnation