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    1. SACREMENTS##


SACREMENTS. LE MOT

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comme le serment par excellence, contradictoirement opposé aux obligations de l’idolâtrie ; il y voit une consécration, un engagement comparable à la devolio et ouvre ainsi la voie à l’adaptation ultérieure du mot sacramentum au concept d’initiation, chrétienne ou païenne, à l’objet de la promesse baptismale, la foi, et à la synonymie de sacramentum et de signaculum. Ce qui étend le sens de sacramentum aux choses et aux actions que nous appellerions aujourd’hui sacramentaux. Voir ce mot, col. ^65.

C’est à cet instant de l’évolution de la pensée de Tertullien que le mot se charge du concept de « mystère », car les rites d’initiation sont des « mystères » : ils ont un caractère symbolique et une efficacité purificatrice et eschatologique. Sacramentum ne sera donc plus simplement le serment ou l’initiation, mais l’objet de ce serment ou de cette initiation ; il traduira les idées de foi, de doctrine catholique, de discipline. L’idée de mystère contenue en germe dans le concept du serment baptismal se fortifiera au contact des concepts grecs de teXety] et de [i.ij<TT7)p’.ov. Les sens nouveaux attachés au mot sacramentum accusent de plus en plus l’idée de mystère et finiront par la dégager complètement, avec le sens de rcs occulta, de res mysteriosa et sacra.

Pour mieux marquer la progression en ce sens de la pensée de Tertullien, les textes de cet auteur, dans lesquels on peut relever le mot sacramentum, au nombre de 134, ont été divisés par É. de Backer en deux groupes : groupe sacramentum-serment (84 exemples), avec les idées successives de serment militaire ou autre, de rite d’initiation aux mystères, de religion au sens objectif, de vérité et de doctrine religieuse, de consécration (au sens étymologique de sacramentum), de rite et sacrifice sacramentel, de rite non sacramentel et de marque ou garantie de la foi (signaculum) ; — groupe sacramentum-mystère (50 exemples), avec les idées successives de symbole, figure, allégorie, de mystère ou chose secrète et cachée, de disposition, plan, ordre divin, de prophétie.

Deux sacrements — au sens actuel du mot — le baptême et l’eucharistie, trouvent place, dans la pensée de Tertullien, en ces significations diverses du même mot sacramentum. Dans le sens de serment militaire, allusion au baptême, De spect., c. xxiv, P. L. (édit. de 1844), t. i, col. 656 AH ; avec la nuance d’abjuration, De idol., c. vi, col. 608 B ; avec le sens de fanion, étendard, ibid., c. xix, col. (i !)0 B ; dans le sens de chose sanctifiante (application au baptême), dans De bapt., c. iv, col. 1204 A ; ibid., c. v, col. 1205 B ; (application au désir du baptême dans la foi justifiante), ibid., c.xii, xiii, col. 1213 B. 1214 C ; avec le sens de consécration (allusion à l’eucharistie), Adv. Marcionem, t. V, c. viii, t. ii, col. 489 A ; dans le sens des rites purement extérieurs qui servent de cadre à l’administration des sacrements divins, De prxscript., c. xl, t. ii, col. 54 A (ici il semble que Tertullien approche de l’idée théologique du rite sensible, auquel est attachée la production d’effets surnaturels, ce qui est le concept essentiel du sacrement chrétien) ; cf. De bapt., c. i, iii, ix, t. i, col. 1197 A, 1202 C, 1209 B ; avec la pensée des rites qui accompagnent l’administration du sacrement de baptême, De virg. vel., c. ii, t. ii, col. 891 A ; avec allusion aux signes sensibles et aux effets des sacrements de l’initiation solennelle des adultes, Adv. Marcionem, t. I, c. xiv, col. 262 ; avec indication du baptême, de la matière et des effets du baptême, ibid., t. I, c. xxviii, col. 280 AB ; avec désignation du baptême qui marque d’un signe les fidèles et allusion à la prophétie de Malachie relative à l’eucharistie, ibid., t. III, c. viii, col. 353 ; avec indication très nette des deux sacrements, baptême et eucharistie, ibid.A. IV, c. xxxiv, col.442 C ; avec indication, en général, des sacrements chrétiens, notamment le baptême et l’eucharistie, De resur., c. ix, t. i, col. 806 AC ; Exhort. cast., c. vii, t. ii, col. 923 A ; De corona., c. iii, col. 79 A ; De pudic, c. ix, col. 997 C ; c. x, col. 1000 BC ; c. XV, col. 1009 C. On a indiqué à Sacramentaux quelques textes se rapportant à cette signification ; cf. col. 467.

Dans un certain nombre de ces exemples, notamment De pnvscripl., c. xl, et De baptismo, c. i, iii, ix, « sinon formellement, du moins en fait, les grandes lignes du concept sacramentel, reprises plus tard par saint Augustin, sont désormais fixées ». De Backer, op. cit., p. 148.

2. Chez saint Cyprien et les écrivains qui gravitent autour de lui.

Ici, l’on n’a plus à observer d’évolution dans la pensée des écrivains ecclésiastiques sur le mot sacramentum. Les différentes significations sont acquises. H. von Soden a pu dire que, si le mot sacramentum, appliqué à nos rites, est vraiment dérivé du sens militaire de serment, Cyprien marque l’aboutissement de cette évolution, dont Tertullien est le point de départ. Les traductions bibliques anciennes sont une confirmation de ce fait. J.-B. Poukens a recueilli dans les œuvres de Cyprien et de ses contemporains, Novatien, Firmilien, Némésien, le diacre Pontius et quelques anonymes, 116 exemples de l’emploi du mot sacramentum. On y retrouve les deux acceptions fondamentales de sacramentum : sacrementserment et sacrement-mystère. Et même, dans le sens de sacrement-mystère, on découvre nettement deux sens assez divergents : le sacrement-mystère proprement dit et le sacrement-figure, symbole, signe. Non pas certes qu’on trouve déjà au iiie siècle notre concept théologique de sacrement, signe et cause de la grâce : mais la conception de « choses sanctifiantes » se trouve déjà d’une manière vague présente à l’esprit de Cyprien et de ses contemporains.

Le sens de serinent militaire est encore très vivant et, en dépendance de ce sens primitif et classique, les sens de serment, d’initiation ou de profession de foi, d’obligation, d’engagement. De ce chef, on trouve une allusion très nette au baptême (sacramentum interrogare, dans Sententise episcoporum, édit. Hartel, p. 437) ; à la profession de foi baptismale, Epist., i.iv, n. 1, p. 621, bien plus à la profession de foi baptismale en la Trinité, Epist., lxxiii, n. 5, p. 782. La catégorie de sacrement-mystère et mieux sacrement-signe, avec ses différents dérivés, symboles, figures, révélation, précepte, ne contient guère d’application directe du mot sacramentum aux sacrements proprement dits, tels que nous les concevons aujourd’hui. Tout au plus, peut-on signaler le sacramentum calicis, allusion évidente à l’eucharistie. Epist., lxiii, n. 1-2, p. 702 ; cf. ibid., n. 13, p. 712. Cependant, dans cette catégorie, de loin la plus nombreuse, le concept de signe est mis en relief. Or, ce concept deviendra plus tard un des éléments de la définition fies sacrements.

Ce qui est plus intéressant encore chez ces auteurs, c’est qu’on y trouve le mot sacramentum désignant expressément les sacrements proprement dits, non certes dans la plénitude de la signification actuelle, mais déjà avec le sens très déterminé de « moyens producteurs de la grâce ». Cela surtout pour le baptême : Cyprien, Ad Quirinum, Testimoniorum I. III, édit. Hartel, p. 35 (il s’agit ici de sulutaria sacramenta, au pluriel, parce que Cyprien y parle aussi vraisemblablement de l’imposition des mains, qu’on administrait ensemble avec le baptême) ; Ad Demetrianum, n. 26, p. 370 (passage dans lequel le mot sacramentum présente un sens discuté des auteurs, mais que Poukens estime devoir interpréter du baptême lui-même, cf. op. cit., p. 207) ; Epist., lxix, n. 12, p. 761 ; lxxiii, n. 22, p. 795 ; Epist., lxxv (en réalité de