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    1. SENTENCES##


SENTENCES. LES COMMENTAIRES

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3° Œuvre contrôlée. — Si le bachelier n’est plus un tout jeune homme, si son exposé du Lombard est préparé avec grand soin, et s’il y a déjà en cela des garanties de sérieux, les règlements universitaires

ajoutent à la valeur de son travail de nouvelles assurâmes, par leurs exigences mêmes, la surveillance qu’ils requièrent et les sanctions qu’ils édictent. Pour être admis a la licence, il ne suffit pas d’avoir lu les quatre livres des Sentences, il faut l’avoir fait de façon honorable et orthodoxe : sans quoi on risque de se voir refuser l’accès à la maîtrise. Gilles de Home en a fait l’expérience en 1277. pour n’avoir pas conformé son enseignement aux indications du syllabus parisien publié par Etienne Tempier en mars 1 277. Voir E. Hocedez, La condamnation de Gilles de Home, dans Rech. de théol. anc. et midiiv., t. iv, 1932. p. 3458. Vn Jean de Paris connut semblable sanction vers 1286 ; et le chapitre provincial des frères prêcheurs à Arezzo. en 131."). prend des mesures sévères contre Umberto Guidi a cause de son insolence à l’endroit des doctrines de frère Thomas d’Aquin, comme tle la personne de son lecteur.

I.e bachelier est en effet contrôlé tout au long de son enseignement par le maître tout d’abord sous «  lequel il lit. Puis par ses auditeurs, ses collègues et les autres maîtres de la faculté. I.e maître est responsable du bachelier qu’il présente à la licence : il doit se porter garant et de la conscience de son travail et de l’orthodoxie de ses doctrines. Les statuts parisiens de 1366 insistent à nouveau sur ce point. Art. 31 : Nolumus etiam quod aliquis bacalarius admiltatur ad principiandum sii<e in Sententiis aul Biblia sub magistro non régente aul sub reyenle a I’arisius absente, nisi lalis fuerit per jacullatem presens et ret/ens computtrftis. Il va sans dire que, dans les ordres religieux, ce contrôle est particulièrement strict : c’est cela qu’illustre le cas d’Umberto Guidi.

Mais plus souvent peut-être, ou du moins les documents nous en sont demeurés plus nombreux, c’est par l’auditoire ou par les maîtres voisins que se fait le contrôle. Il arrive fréquemment qu’un enseignement de bachelier se voie dénoncer, soit aux autorites de l’ordre s’il s’agit d’un religieux, soit aux autorités universitaires. Pierre de Tarentaise a vu ainsi soumettre au jugement de Jean de Verceil 108 propositions extraites de son commentaire sur le I effet le IIe livre des Sentences. Jean Quidort. en 1286. doit défendre dans un mémoire justificatif seize articles tirés de son commentaire et dénoncés par un anonyme à ses supérieurs. Quatre ans plus tôt, le ministre général des mineurs. Honagrazia, donnant suite aux plaintes portées contre Pierre.1. Olieu au chapitre de Strasbourg (1282), commet l’examen de ses thèses à une commission de cinq maîtres et deux bacheliers franciscains ; c’est le point de départ de rapports (la lettre des sept maîtres, avec ses 21 articles incriminés), de mémoires et d’apologies. En 131 I, ('est Durand de Saint-Pourcain qui se voit l’objet

de semblables procédés et dont le commentaire sur les Sentences fournit une première liste de 93 articles réprouvés. Mais à ce moment déjà il est devenu maître et se trouve même lecteur à la Curie : les censures ne pourront pas arrêter sa carrière. Puis c’est, en 1316, le cas du cistercien Parlhclemx (lui se voit obligé de rétracter devant l’Université treize thèses extraites de son commentaire. Voir Michalsky, La révocation par frire Barthélémy en 1318 de treize thèses incriminées, dans A.us <ler Geisteswell des Miltel allers, i. iii, p. 1091 1098. Pareillement Jean de Mire court se verra reprocher 63 articles dont son commentaire qu’il achevait à peine axait fourni les éléments. Faut il rappeler encore la condamnation des thèses

d’Etienne de Vénlzy et de Richard de Cornouailles,

en janvier 12 11? P. Mandonnet. Thomas d’Aquin, novice prêcheur, dans Revue thomiste, t. mil 1925, p. 510-514 ; ou les deux consultations adressées à saint Thomas au sujet de (lérard de Besançon ou du lecteur de Venise ? Ces quelques exemples montrent assez combien étroite était la surveillance qui s’exerçait sur les bacheliers et leur enseignement. Il y a donc de ce chef une garantie de plus pour le sérieux de leur travail. On ne pouvait pas plaisanter avec l’orthodoxie et la hardiesse de la pensée avait ses bornes.

Il faut ajouter enfin mais on touche là au problème suivant que, plus d’une fois, le commentaire sur les Sentences, non plus dans sa lecture, car elle demeure toujours forcément œuvre de bachelier, mais dans sa rédaction, trahit la maturité du maître, à chaque fois que, par prudence ou pour tout autre motif, le bachelier n’a pas cru bon de livrer immédiatement au public le texte de son commentaire, mais en a réservé l'édition pour des temps meilleurs et des années plus lointaines, ("est le cas par exemple pour Gilles de Home, qui, licencié en 1285, ne public qu’après 1309 son I. II sur les Sentences et laissera même le 1. III inachevé. Il est certain que, dans de telles conditions, le commentaire ne peut plus être considéré comme une œuvre de débutant, mais fournit la pensée du maître, à la réputation solidement établie. On doit garder devant les yeux toutes ces considérations pour apprécier à leur juste valeur les textes, encore nombreux et souvent fort longs, que les manuscrits nous ont transmis de cet important travail scolaire.

II. Les commentaires sub les Sentences. I. LES PROBLÈMES RÉDACTIONNELS. Puisque la

lecture des Sentences ne parvient jusqu'à nous que moyennant l’intermédiaire des rédactions qui en oui été faites, on ne peut porter de jugement équitable sur la doctrine que si l’on connaît auparavant la valeur des rédactions qui l’ont fixée. Or. celles-ci sont essentiellement de deux sortes : importations d’auditeurs ; rédaction personnelle de l’auteur.

1° Les reportalions ne sont autre chose que les notes prises au cours, durant la leçon (de même d’ailleurs qu’il y en a de prises lors des séances ordinaires ou solennelles de disputes : à des sermons ou des colla tions, etc.), soit sous la dictée, soit plus généralement au vol par les auditeurs. Elles se distinguent donc des résumés ou extraits d’ouvrages déjà publiés, dont un étudiant retient pour son compte personnel ce qui lui plaît davantage. Plies supposent toujours audition, et notes prises à un enseignement oral.

Elles peuvent demeurer en cet état, très rudinien taire et grossier, de premier jet ; beaucoup de inanus erits en offrent des exemples nombreux, surtout en ces recueils d'étudiants qui n'étaient destinés qu'à l’usage personnel de ceux-ci et nullement à l'édition. Plies peuvent avoir été retouchées et revues, du moins pour ce qui est du style, des abréviations, des rele renées, de la présentation aussi : complétées même, soit par addition des souvenirs personnels de l’auditeur ou par confrontation avec les notes d’autres reportateurs. Elles peuvent même - ce sera par exemple le cas pour la reporlation du cours de saint Thomas sur saint Jean, reporte, relevé par Réginald de Pipemo avoir été présentées a l’auteur, revues et corrigées par lui. et (loin en quelque sorte authen tiquées. C’est ainsi encore qu’Adam Woodham possédera une reporlation d’un ouvrage de Guillaume d’Occam que celui ci axait annotée de sa main. Voir nis. Valtc. lai. : au. fol. loi v>.

Pa valeur, la correction, l’Intégrité de ces repor talions sont donc extrêmement variables. Tant qu’elles n’ont pas le xisa de l’intéressé, elles demeurent toujours sujettes à caution. Peur valeur dépendra et