Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1941
1942
SE R M I NT. C V RACTÈRE RELIGIEU X


Parfois, cependant, il est impossible d’avoir un témoignage humain, parce que le fait est occulte ; c’est alors, surtout s’il s’agit de choses graves, que trouve sa place le serment. Celui-ci est un appel au nom de Dieu pour témoigner en faveur de ce qui est affirmé ou nié : Assumere Deum in testent dicitur jurare, quia quasi l>n> jure inlroductum est ut quod sub invocation* divini testimonii dicitur, pro vero habeatur. S. Thomas, Summ. theol., II » -II S. q. lxxxix, a. 1.

Pour jurer, il n’est pas requis d’en appeler à Dieu (l’une manière explicite, il siitlit de le faire implicitement. Il y a invocation implicite si le serment est fait par les créatures dans lesquelles m 1 manifestent plus nettement les perfections divines ; on peut ainsi le faire par les saints. U’s anges, l'Église, les sacrements, la croix, l'Évangile, l'âme, le ciel ou la terre. S.Thomas, ibid., a. 6 ; mais il n’y a vraiment invocation du nom de Dieu que si l’on peut considérer, en raison des circonstances concrètes dans lesquelles se produit le serment, que ces créatures ont une spéciale relation avec Dieu. Il n’y aura pas serment tant qu’on s’en tiendra à l’unique témoignage îles anges ou des saints, car dans ce cas on ne jure pas par Dieu.

Cette invocation du nom de Dieu se fait de différentes manières : par parole, par geste ou par écrit. Ce sera en disant : « jeprends Dieu à témoin : Dieu m’est témoin : par Dieu > : « je le jure par l'Évangile, par la croix, ou par les saints ». Ce sera en mettant la main sur les saints Évangiles ou en levant la main ; ce sera en tin par toutes les formules écrites qui expriment couramment un serment.

Cependant l’invocation explicite ou implicite du nom de Dieu ne suffit pas pour qu’il y ait serment ; il faut aussi avoir l’intention de prendre Dieu à témoin de ce qui est affirmé, nié ou promis. Il est aussi psychologiquement supposé que celui qui croit en Dieu dit la vérité, car le témoin divin, auquel il fait appel, non seulement ne peut se tromper ni être induit en erreur, mais aussi doit être craint, car il est le juge suprême, devant qui il faudra un jour rendre compte. Dès lors le serment, tel que nous l’entendons, suppose la croyance en Dieu ; un athée ne saurait donc l'émettre.

Pour qu’il y ait serment, il est donc essentiellement requis que le sujet ait l’intention d’invoquer l’autorité de Dieu : car seule la volonté de l’agent détermine objectivement ses paroles ou ses actes ; cf. S.Alphonse, Theol. nior.. t. III, n. 133. Ainsi certaines locutions peuvent perdre la signification d’un serment qu’elles ont apparemment, par suite des circonstances ; par exemple si elles sont proférées en classe, au théâtre ou pour expliquer une doctrine. Il n’y a plus serment en l’occurrence, car l'élément essentiel pour le constituer, l’intention du sujet, fait défaut.

Ces précisions sont nécessaires, car il y a beaucoup d’expressions par lesquelles dans la vie courante on confirme des déclarations et qui. malgré certaines apparences, ne sont pas des serments ; telles sont : En vérité ! en conscience ! parole d’honneur ! foi d’honnête homme ! foi de prêtre ! ce que je dis est rai. En l’occurrence il n’est fait appel qu'à l’honneur ou à la véracité d’un individu et non au témoignage de Dieu. Si ces locutions étaient utilisées pour faire accepter un mensonge, il y aurait certainement faute, mais il n’y aurait pas parjure ; cf. S. Alphonse. Theol. mur.. t. III, n. 134. IN jureraient cependant ceux qui. eu disant ma loi.

par ma foi. entendraient sérieusement leur croyance chrétienne.

De même dire ; '/est vrai comme l'Évangile. le Seigneur le voit. Dieu connaît ma façon de penser.

/ous i<- déclare devant Dieu. c’est aussi véridique que Dieu existe. n’est pas. a proprement parler et (li- -ni. un serment, cal Dieu tl’j est pas invoqué comme témoin. Parfois cependant ce pourrait être un

véritable serment. si le sujet entendait par ces locutions faire appel au témoignage divin. Il en serait de même si ces expressions étaient des réponses à une demande légitime de serment faite par autrui.

Certaines expressions comme celles-ci : Que je meure ! », que le diable me prenne si cela n’est pas vrai I. sont des iniprécat ions, niais ne sont pas non plus des serments, à moins que celui qui les a formulées n’ait entendu faire appel au témoignage divin. Il en serait tout autrement si l’on disait : Que Dieu me damne, si je mens car, en l’occurrence, est invoqué le nom du Seigneur vengeur du parjure.

Enfin il y a un certain nombre de locutions triviales ou au moins corrompues, comme pardi, pardie. parbleu, mordi. mordié. morbleu, télebleu, palsambleu, persandi ; sacrèdu sacudic sacnsti qui, quoiqu elles aient la même signification que : par Dieu, mort Dieu, tète de Dieu, par le sang de Dieu, par le nom sacré de Dieu, ne sont la plupart du temps que des serments matériels et non formels, car ceux qui les utilisent n’ont aucunement l’intention de faire appel au témoignage de Dieu. Ce ne sont en somme que des paroles sans portée morale, de simples exclamations, que des chrétiens, d’ailleurs, doivent s’efforcer d'éviter ; elles ne sont pas non plus des blasphèmes, au moins formels, car l’intention d’injurier Dieu est absente.

II. LE SERMENT EST UN ACTE RELIGIEUX, MAIS IL

est parfois un acte profane. — Puisque le serment fait appel à l’autorité de Dieu et que celui qui le fait invoque son nom pour établir la vérité, il peut être considéré comme un acte religieux. S. Thomas, II a IIe, q. lxxxix, a. 2 ; S. Alphonse, ibid., n. 144. C’est pourquoi il revient à l'Église non seulement d’approuver ou de désapprouver les formules utilisées pour jurer, mais aussi de porter des prescriptions relatives à ce qu’il importe de faire à ce sujet. Bien que, dès lors, le serment relève directement de la puissance spirituelle, l'Église admet, implicitement au moins, qu’il peut être demandé et émis par les individus, dans leur vie de relations, quand il s’agit d’affaires sérieuses ; elle admet aussi que le pouvoir temporel a le droit de légiférer à son sujet, à condition qu’il ait un juste motif, de proposer une formule courante et même d’en imposer la prestation à ses sujets.

Cependant comme les mots : « Je le jure » suffisent parfois pour constituer un serment et comme ils sont souvent la seule formule prescrite par la législation de certains États, qui, par ailleurs, semblent exclure toute idée religieuse, on peut se demander si, en l’occurrence, on se trouve encore en présence d’un acte religieux. Ne serait-ce pas seulement une affirmation ou une promesse exprimée d’une manière très solennelle ? C’est ce qui semblerait à première vue. Mais ne vaut-il pas mieux cependant mettre la valeur objective des mots « je jure » en relation avec la mentalité religieuse de celui qui les prononce ? Sans doute les chrétiens qui émettront le serment demandé par le pouvoir civil seront tenus plus fortement que les incrédules ; toutefois, a condition que la justice distributive ne soit pas lésée, il n’y a pas là, pour les croyant s. une raison plausible et suffisante de s’y soustraire, car pratiquement il ne saurait leur être pénible d’accomplir ce qui est le devoir commun, d’ailleurs imposé à tous mais dans un esprit différent, avec une autre conception religieuse de la vie. Vermeersch, étudiant ce problème, ajoute même : liiunoe re publica est ni religiosa juramenti ratio legibus agnoscatur, nt Status sic saltem non ex toto areligiosus esse relit. Theol. moral., t. ii, Bruges. 1928, n. 190,

Les circonstances qui, ordinairement, accompagnent

la prestation du serment, tendent aussi parfois à faire ressortir sou caractère religieux. Il est de coutume, en

effet, dans certains pays, en Italie par exemple, que