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    1. SOUFISME##


SOUFISME. HISTOIRE

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al-'Arabt, ont verso dans le monisme panthéistlque et

d’autres encore ont prétendu provoquer artificiellement l’extase et par îles danses On îles chants viseront à déclencher mécaniquement îles phénomènes anormaux comme la perte des sens, que le vulgaire s’obstinera à confondre avec le ravissement illuminatif.

Pourtant quelques mystiques comme Al-Hallâj [t 309 (92'.>)] et Al-Ghazflli demeurèrent fidèles à l’idéal mystique, entendu dans toute son ampleur et toute sa pureté. Pour eux. c’est l'étincelle divine seule qui peut allumer l’incendie de l’extase. Au point culminant de l'état mystique, la transformation surnaturelle de l'âme en Dieu, l’union immédiate de l’intelligence et de la volonté avec lui ne se réalisent que par la munificence du Dieu transcendant. « Les états de l'àme d’où surgit l’extase divine, c’est Dieu

[qui les provoque tout entiers,

Quoique la sagacité des puissants soit Impuissante à le

[comprendre !

L’extase, c’est une incitation, puis un regard (de Dieu) qui

[grandit en flambant dans les consciences.

Lorsque Dieu vient habiter ainsi la conscience, celle-ci,

[doublant d’acuité, Permet alors aux voyants d’observer trois phases distinct es : Celle où la conscience, encore extérieure à l’essence de [l’extase, reste spectatrice étonnée ; Celle où la ligature du sommet de la conscience s’opère ; Et (celle) alors (où) elle se détourne vers celui qui considère ses anéantissements, hors de portée pour l’observateur. » l.lallaj, Mawâjida Haqq, cité par L. Massignon, Al-Hallaj, martyr mystique de l’Islam, t. ii, p. 529.

Ainsi donc à l’homme est imputé le désir, mais l’esprit souille où il veut et dans l’union extatique l’initiative appartient à Dieu.

IV. Histoire.

Il a déjà été dit précédemment comment aux premiers siècles de l’hégire quelques groupes d’ascètes, mus par un sentiment de pénitence et de dévotion, déterminés très probablement par l’exemple des moines chrétiens, se sont constitués à Koùfa, à Damas, à Bassora, à la Mecque, à Médine et jusque dans le Khoràssàn. Au second siècle, l’invasion mystique gagne avec une incroyable rapidité et une doctrine soùfite s’organise de plus en plus ferme [80 (699) à 180 (796)] :

1° Hasan Basrî avait connu la grande crise que la communauté islamique traversa après la mort de Mahomet. Il est né probablement à Médine en 21 (643) et sa mort se place en 110 (728). On le considère à juste titre comme l’un des fondateurs du sunnisme, il pratique une morale tutioriste et met l’accent sur l’esprit qu’il fait passer avant la lettre. Il demeure scrupuleusement fidèle aux rites et observances, mais il pose en fait que l’intention a une valeur primordiale. Sa vie religieuse se caractérise par un renoncement universel et plénier à ce qui est périssable et il préconise la pratique de l’examen particulier. C’est par là que le soùfi parviendra à la rida, la complaisance réciproque de l'àme et de Dieu, c’est-à-dire à la sainteté.

Du moment que la préoccupation dominante en mon cher serviteur devient celle de se souvenir de Moi, je lui fais trouver son bonheur et sa joie à se souvenir de.Moi. Et, lorsque je lui ai fait trouver son bonheur et sa Joie a se souvenir de.Moi, il Me désire et Je le désire. Et lorsqu’il Me désire et que Je le désire. Je lève les voiles entre Moi et lui et Je deviens un ensemble de repères devanl ses yeux. De tels hommes ne M’oublient pas, lorsque les autres oublient… Voila ceux dont Moi, lorsque je veux infliger une calamité aux habitants de la terre. Je me ressouviens (à temps) pour écarter d’elle cette calamité. Cité par L. Massignon, Essai, p. IT.'i sq.

2° Le mouvement d’intériorisation et d’approfondissement de l’islam, si fort préconisé par Hasan liasrî, s’unifie dans l'école de Passora ^ràce surtout à 'Abdal-Wabid ibn Zayd [t 177 (793)], qui organise l’agglomération cénobitique d’Abbadan. U a fortement

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

exprimé l'état d’esseulement qu’une vocation mystique sincère fait traverser. Son disciple Dârânîlt 215(830)] transporte en Syrie le mouvement soùfite de Bassora. Avec lui, Ghatafànî |f 246 (860)], Antàkî [f vers 220 (860)| représentent l'école syrienne. De tendances plus opportunistes, leurs itinéraires mystiques semblent encore assez mal dessinés.

3° La fondation de Bagdad amena les ascètes de Koûfà et de Bassora à se rapprocher de la capitale abbaside. L’auteur principal de l'école bagdadite est Mohâsibî [165 (781)-243 (857)], mais nous ne connaissons malheureusement rien de sa vie en dehors de son enseignement, où se combinent pour la première fois avec une rare puissance « le respect fervent des plus naïves traditions, la recherche implacable d’un perfectionnement moral intérieur et le souci aigu de définitions philosophiques exactes ». Massignon, Essai, p. 212. Sa mystique peut se résumer dans ce mot à l’un de ses disciples : « Sers Dieu avec pleine intelligence (de ton culte) et ne te complais jamais en toi-même. » Une de ses particularités consiste en ce fait qu’il part de l’eschatologie des joies corporelles que les houris du paradis musulman réservent aux élus pour amener insensiblement son auditeur aux joies ineffables de la vision pure de Dieu. Mohâsibî a senti fortement l'état de trouble dans lequel le désaccord sur la façon de pratiquer la religion maintenait l’islam. Il en voit le remède dans l’application sincère à découvrir dans les prescriptions du Coran l'âme cachée de vérité et la flamme discrète de dévotion qui les vivifie et qui sont comme la résonance initiale de l’amour divin dans les âmes. Ainsi le culte intérieur se développera sous le souffle de l’Esprit, mais sans rompre jamais son attache première avec la lettre du texte inspiré, ni avec les observances externes qu’elle prescrit. Les privilégiés de la grâce seront ainsi constitués en témoins de Dieu, en conseillers bienveillants de leurs frères, en médecins spirituels et en intercesseurs de la communauté musulmane. Maréchal, Éludes, p. 494. Cet amour de la communauté musulmane fut d’ailleurs poussé jusqu'à l’apostolat le plus actif par le fondateur de l'école mystique du Khorâssân, Ibn Karram [190 (805)-255 (869)], l’un des plus grands penseurs de la scolastique musulmane et le fondateur des premiers collèges musulmans.

4° La biographie de Bayésid Bistâmî est assez mal connue. C’est un isolé qui a vécu dans le Khorâssân [t 260 (874)] et qui demeure le type de l’effort mystique, violent, tenace, héroïque, mais trop appuyé sur le moi. Le premier, il proclame ouvertement le but entrevu et désiré par ses devanciers, l’esseulement devant la pure unité divine. Sa méthode de contemplation aboutit à un essai de confrontation de l'âme avec l’Essence divine. Malgré une acuité d’intuition et un raidissement de volonté inouïs, l’intelligence chez Bistâmî demeure plus vaste que l’amour, c’est la poursuite abstraite d’une perception externe et impassible de l’essence divine mise à nu en son humilité infinie, mais sans que ce spectacle déchirant lui ravisse le cœur jusqu'à l’union amoureuse et transformante. De là dans ses oraisons des fusées d’un orgueil étrange, ce Sobhârd que les soûfîs ont essayé d’expliquer comme ayant été prononcé dans un état d’ivresse extatique. Au Sobhan Allah, il aurait répondu par un « Louange à moi », parce qu’il n’avait plus perçu en lui son propre moi, mais Dieu tout seul.

5° Tirmidhî [t 285 (898)] est le premier mystique musulman en qui apparaissent des traces d’une Infiltration philosophique hellénistique. Kharraz [t 286 (899)] apporte une mise au point plus conforme aux exigences de l’orthodoxie sunnite. Il définit l'état mystique : s’anéantir en Dieu afin de subsister en lui », mais il se montre trop indulgent pour l’enivre T. — XIV. — 78.