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SPIRITUELS. EN TOSC NE


tions. les spirituels d’Avignon se soient crus peu en sûreté (huis les eouvents de la Communauté où ils avaient demeure jusque là. De fait, ils se retirèrent soit dans une église abandonnée près de Malaueènc, soit dans l'église de Saint-Lazare à Avignon, et y menèrent la vie pauvre et sévère des temps primitifs de l’ordre. Ils portaient aussi des habits plus courts et moins somptueux. L’autre événement fut la punition, par ordre île Clément V, du fougueux frère Bonagratia. Celui-ci avait, comme on l’a vu. protesté fièrement contre la bulle d’exemption en faveur des spirituels et il dut commettre d’autres imprudences capables de provoquer l’indignation du souverain pontife. Le fait est que Clément Y, par une bulle du 31 juillet 1312, Bullar. franc, t. v, p. 89, le relégua dans le couvent de Valcabrère près Comminges. Mais l’habile avocat ayant découvert une faute dans la bulle — Monteeaprario, au lieu de Yallccapraria — crut pouvoir se dispenser d’obéir et ce fut seulement sur les instances du vicaire général de l’ordre, le cardinal Vital Du Four, qu’il se rendit au lieu susdit, où il resta jusqu'à la mort de Clément V (20 avril 1314). Aussitôt après, sous prétexte de maladie, il se rendit à Toulouse, où il rédigea un mémoire justificatif. Archiv, t. iii, p. 36. Toutes ces controverses devant un tribunal impartial ne réussirent pas à résoudre la grave question pendante : restituer la paix et l’union à l’ordre franciscain dans l’observance pleine et pure de la règle, ou, si cela était impossible, de donner un régime à part aux zelanti de la règle. D’un côté se présentait la difficulté de réformer l’ordre entier ; de l’autre l’opiniâtreté des spirituels à s’attacher non seulement à la règle, mais au testament de saint François et, ce qui était plus fâcheux encore, à la doctrine d’Olieu et au joachimisme. Le concile de Vienne tenta une voie moyenne, qui ne contenta ni les uns ni les autres. I Jeux décrétâtes furent publiées par Clément V en 1312. Par la constitution Fidei catholicæ fundamento (cap. unie, i, 1, in Clem.) furent réprouvés quelques points doctrinaux d’Olieu dont on taît cependant le nom, tandis que la constitution Exivi de paradiso (cap. i, v, 11, in Clem.) redresse les abus, surtout en matière de pauvreté, dans l’ordre franciscain. Ange de Clareno lui-même, Archiv, t. ii, p. 139, confesse que cette constitution surpasse grandement les autres déclarations pontificales, en se rapprochant beaucoup de l’intention de saint François. Par ces deux décisions, le grand débat pour ce qui concernait l'Église était terminé mais il restait toujours à résoudre le côté pratique : régler la situation des spirituels. A cette fin, Clément V cita les supérieurs de la province de Provence, par bulle en date du 23 juillet 1312. Bullar. franc., t. v, p. 203. Les cardinaux Jacques Colonna, Archiv. franc, hist, t. xvi, 1923, p. 352, et Vital Du Four, Firmamentum trium ordinum, Paris, 1512, pars IIP, fol. 68 bis v°, témoins oculaires, nous racontent comment le pape en consistoire public déposa le ministre provincial et quinze autres supérieurs et les menaça de punitions plus sévères. Alexandre d’Alexandrie, le nouveau ministre général (13131314), nomma des supérieurs que pouvaient accepter les spirituels et invita ceux-ci à se rendre aux couvents de Béziers, Narbonne et Carcassonne, ce qu’ils firent. La paix semblait ainsi rétablie, au moins dans la province de Provence. Malheureusement elle fut de brève durée, car en 1314 mouraient Clément V et Alexandre d’Alexandrie ; dans l'Église comme dans l’ordre franciscain suivit un interrègne de deux ans qui fut néfaste aux spirituels. D’abord les supérieurs déposés par le souverain pontife furent remis en plaie et les tracasseries à l'égard des frères zélés recommencèrent. Ne sachant comment sortir d’une situation jugée intolérable, les spirituels se laissèrent entraîner à plusieurs

actes regrettables : ils chassèrent de vive force les relâchés des couvents de Béziers et de Narbonne, s’y constituèrent en famille, replacèrent à leur tête les supérieurs déposés qui leur étaient favorables et reprirent leur manière de vivre. C’est la « révolte » dont parlent les sources en provenance de la Communauté, Anal, franc, t. iii, p. 469, laquelle ne tarda pas à réagir.

Bertrand de La Tour, alors ministre provincial d’Aquitaine et plus tard archevêque de Salerne et cardinal, fit le procès de quelques frères de sa province qui s'étaient réfugiés auprès des spirituels de Béziers et de Narbonne et les excommunia par une sentence rendue à Toulouse le 13 février 1315. Archiv. franc, hist., t. xvi, 1923, p. 339 sq. Dans la province de Provence, c'étaient surtout frère Guillaume Astre, custode de Narbonne, et frère Baymond Bovcri, custode de Béziers, qui s’acharnaient contre les « rebelles » ; non seulement ils les excommunièrent, mais contre eux ils invoquèrent l’autorité des évêques d’Agen et d’Aix. Ceux-ci nommèrent un délégué pour instruire le procès. C’est alors que le cardinal Jacques Colonna écrivit la lettre émouvante et instructive, déjà citée, en défense des frères persécutés. Cette lettre amena les deux évêques à révoquer leur délégation, et le procès de Bertrand de La Tour fut cassé. Archiv, t. ii, p. 162. En 1316, à Naples, eut lieu le chapitre général qui plaça Michel de Césène à la tête de l’ordre. Les spirituels saisirent l’occasion pour se justifier dans un mémoire, Archiv, t. ii, p. 159 sq., adressé au chapitre, dans lequel ils exposèrent les faits survenus pendant l’interrègne de 1314-1316 ; mais leur courrier, un certain Bernard, arrivé à Naples, fut saisi, privé du document et maltraité. Différentes versions de ce fait ont été publiées par le P. Gratien dans les Études franciscaines, t. xxvii, 1912, p. 422 sq. ; voir encore Archiv, t. iv, p. 54. Avant d’achever ce qui se rapporte aux spirituels provençaux, arrêtons-nous un instant au troisième groupe.

Les spirituels de Toscane.

Sur les premiers

commencements des spirituels toscans, les sources jusqu’ici connues nous laissent dans l’obscurité. II est cependant probable que la tendance rigoriste y eut, comme dans le reste de l’Italie centrale, ses représentants dès les temps de frère Élie.

Le séjour d’Olieu et d’Ubertin de Casale à Florence vers la fin du xiiie siècle a sans doute contribué à accentuer le mouvement. Selon Wadding, à l’an 1307, n. 4, t. vi, 3e éd., p. 103, le Siennois frère Jacques de Tundo, dont la Chronique est aujourd’hui perdue, signale des spirituels en Toscane à cette année. Lors de la grande discussion sur la pauvreté à la cour papale (1309-1312) les esprits s'échauffèrent davantage. Tandis que les spirituels attendaient avec impatience l’issue de la querelle, les frères de la Communauté faisaient éprouver leur ressentiment aux zelanti. Ceux-ci, exaspérés et mal conseillés par un certain chanoine régulier de Sienne du nom de Martin, qui se déclarait prêt à défendre leur cause devant l’autorité pontificale, se laissèrent entraîner à des actes tout à fait condamnables. Après un conciliabule secret, les partisans de la réforme sortirent des couvents des custodies de Florence, d’Arezzo et de Sienne et s’emparèrent de vive force des couvents de Carmignano près Florence, d’Arezzo et d’Asciano dans le Siennois et en chassèrent les mitigés. Une tentative d’occuper de la même façon le couvent de Colle dans la vallée de l’Eisa échoua, comme échouèrent les efforts de la Communauté pour reprendre les couvents perdus. Tous ces incidents pénibles, qui doivent être fixés vers la fin de 1312 ou au commencement de l’année suivante, sont racontés par Ange de Clareno, Trib., 6, Archiv, t. ii, p. 139 ; voir ibid., t. i, p. 544, t. iv, p. 25 sq. L’acte inconsidéré des spirituels toscans, loin de favoriser la cause pendante