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SUAREZ. DOGMATIQUE, CARACTÈRES GÉNÉRAUX
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deux derniers tomes, consacrés au De statu perfectionis et religionis, embrassent, en quatre traités — ce qui fait un total de dix pour tout l’ouvrage — l’un, ce qu’on peut appeler l’état religieux en général (soit l’unique septième traité constituant le t. iii), l’autre, avec les trois derniers traités, les différentes formes de vie religieuse et tout spécialement la Compagnie de Jésus, (".es deux derniers tomes totalisent 327 chapitres en 26 livres. Quand on est renvoyé au traité de Suarez sur les Exercices de saint Ignace, cela veut dire, en réalité, les chapitres cinquième et suivants du neuvième livre du dixième traité, au ive et dernier tome de ce monumental De religione.

3. Ouvrages de polémique.

a) Defensio fidei catholicee et apostolicæ adversus Anglicanæ sectæ errores, cum responsione ad Apologiam pro juramento fidelitatis et præfationem monitoriam Serenissimi Jacobi Angliee Régis (Vives, t. xxiv). — L’ouvrage parut à Coïmbre en 1613 ; il y avait trois ans que Suarez s’était mis à l’œuvre. L’origine de ce travail, les détails concernant sa composition, son apparition, ses condamnations en Angleterre et en France, sont rapportés par le P. de Scorraille, op. cit., t. ii, p. 165-221. Suarez garda, malgré la nouveauté du genre qu’il abordait, ses vieilles habitudes scolastiques. Proœmium, n. 4, t. xxiv, p. 2. C’est l’absence de la Defensio fidei qui empêche de considérer comme un recueil d’Opéra omnia la collection des vieilles éditions de Lyon.

b) De immunilale ecclesiastica a Venetis violata et a ponlifice juste ac prudentissime defensa. — Écrit en 1606, l’ouvrage resta inédit, mais n’en valut pas moins à Suarez un bref très élogieux du pape Paul V. Le premier des trois livres dont se composait l’ouvrage est maintenant perdu, les deux autres ont été publiés par Mgr Malou en 1859. C’est le quatrième document des Suarezii opuscula sex inedita.

4. Mémoires divers.

En marge de son activité principale de professeur et de publiciste, Suarez rédigea de nombreux mémoires en réponse aux diverses questions qui lui étaient proposées sur des sujets de théologie, de liturgie, de morale ou de droit. » Les éditeurs de ses œuvres posthumes avaient composé de ces écrits un gros recueil qu’ils promirent de publier sous ce titre : Consilia et variæ quæsliones. Ils ne purent tenir parole, ce recueil s’étant, semble-t-il, égaré. » Cf. de Scorraille, op. cit., t. ii, p. 239 ; De gratia, ad leclorem, t. vii, p. v. Tel écrit qui a été mentionné à propos d’un des grands traités scolastiques, par exemple sur la grâce, serait à citer de nouveau si une énumération complète avait ici de l’intérêt. En attendant l’édition exhaustive, on peut se reporter à de Scorraille, op. cit., t. ii, p. 237 sq. et p. 418 ; Rivière, n. 57, 103, 147, 148, 171 et la liste des inédits à partir du n. 273.

5. Correspondance.

On a conservé environ quatrevingts lettres, pour la plupart inédites. Voir de Scorraille, op. cit., t. ii, p. 421 ; Rivière, n. 273-497.

Le recueil moderne des Opéra omnia de Suarez, édition Vives, Paris, 1856-1878, 28 volumes, dont les deux derniers de tables et de notes, seule collection vraiment accessible et maniable des ouvrages de notre auteur, n’offre, ainsi qu’il ressort du précédent exposé, ni la totalité des œuvres ni leur texte toujours absolument correct. L’édition critique et complète que mérite l’Eximius doclor est actuellement en préparation en Espagne.

P. MoNNOT.

II. THÉOLOGIE DOGMATIQUE.

Un

inventaire de la théologie dogmatique de Suarez qui la rende aisément assimilable n’a pas encore été dressé. S’il existe bien des tables alphabétiques et même des résumés de ses œuvres, ces abrégés se bornent à résumer matériellement les textes sans chercher à y séparer le principal de l’accessoire. Les limites fixées à cet article ne nous permettent pas, comme nous l’aurions

voulu, d’offrir aux lecteurs de ce dictionnaire un compendium de chacun des traités dogmatiques de Suarez où les lignes maîtresses de son enseignement, entièrement débarrassées de l’accessoire et du superflu, fussent soulignées avec clarté et précision. Nous nous bornerons donc, après avoir très brièvement rappelé les caractères distinctifs de cette œuvre magistrale, à mettre ces caractères en évidence par un court exposé de quelques-unes des thèses de théologie scolastique où Suarez a pris une position plus personnelle et plus discutée. Pour éviter toute polémique superflue puisque les idées de notre auteur en cette matière sont suffisamment connues, nous ne ferons dans ces thèses aucune place à ce qui concerne la controverse De auxiliis. Voir ici l’art. Congruisme, t. iii, col. 1120. Nous présenterons par contre ses idées sur la Trinité, l’Incarnation, l’état primitif de l’homme, le surnaturel, la justification, le mérite, la vision intuitive, l’efficacité de la prédestination et de la grâce.

I. Caractères généraux.

1° Suarez est d’abord sans contredit un auteur moderne. Qu’on le compare en effet aux théologiens qui l’ont précédé du xiiie au xvie siècle, soit au Docteur angélique, soit aux premiers représentants du thomisme tels que Paludanus et Capréolus, soit à Duns Scot et à son école, soit aux apologistes de l’école de Louvain tels que Ruard Tapper et Driedo, soit à Cajétan et aux principaux auteurs de l’époque du concile de Trente comme Vitoria, Dom. Soto et Médina, on trouvera entre leur œuvre et la sienne des divergences essentielles dans l’exposé et la discussion des problèmes théologiques. Nul comme lui parmi ses prédécesseurs ou même parmi ses contemporains n’a eu le souci de traiter scientifiquement, dans toute leur ampleur, les principales questions dogmatiques en les divisant en thèses nettement séparées, en signalant les origines historiques des controverses plus importantes, en rappelant toutes les opinions émises à leur sujet soit par les hérétiques, soit par les catholiques, avec les principaux arguments mis en avant pour les défendre, en recensant et analysant aussi exactement que possible tous les documents patristiques ou conciliaires qui s’y rapportent, en donnant enfin à chaque solution la note théologique qui lui convient. Quoique de nombreux ouvrages de Suarez se présentent comme des commentaires de saint Thomas, quelle différence entre le Maître et le disciple dans la façon de traiter le même sujet 1 II suffit pour s’en rendre compte de parcourir du regard, en tête d’un tome de Suarez, l’énumération des questions et articles de la Somme qu’il prend pour base de son étude et celle des chapitres et sections où il exprime sa propre doctrine.

2° D’autre part, le contraste n’est pas moins éclatant entre les commentaires suaréziens de saint Thomas et la plupart des autres. Chez ces derniers le respect du texte est poussé si loin, qu’on n’ose guère s’écarter de son sens le plus littéral ; tout au plus, quand il y a doute, se contente-t-on de rapprocher matériellement divers passages où se retrouvent les mêmes idées et les mêmes mots, comme si l’on croyait porter atteinte à l’autorité du Maître en ayant l’air d’admettre que son opinion puisse jamais prêter à discussion, que certaines données du problème lui aient échappé, qu’il y ait eu parfois certains flottements dans sa pensée et même certaines oppositions difficiles à résoudre entre les solutions qu’il a proposées d’un même problème à diverses époques de sa vie ou en diverses parties de son œuvre, enfin que des controverses plus récentes ou de nouvelles définitions du magistère aient pu faire avancer certaines questions au point qu’il soit devenu nécessaire de les envisager et de les trancher au xvi° ou au xxe siècle tout autrement qu’au xin e.