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SURÉROGATOIRES (ŒUVRES !


luy plaît et obtient la remission de ses vices… Ce qu’ils ont accoustumé de iaser, de recompenser Dieu par œuvres de supererogation n’est gueres plus ferme. Car quoi ? ne reviennent-ils pas touiours là dont ils sont ia exclus : c’est que quiconque garde en partie la loy est d’autant iuste par ses œuvres ? En ce faisant ils prennent une chose pour résolue, que nul de sain jugement ne leur concéderait. » N. 13, ibid., col. 285.

Après avoir déclaré que la doctrine des œuvres surérogatoires est condamnée par Luc., xvi, 10 : « quand nous avons fait tout ce qui nous est commandé, nous sommes serviteurs inutiles », Calvin termine en ironisant : « Je ne dy point quelles sont les supererogations, dont ils se veulent priser devant Dieu ; toutefois ce ne sont que fatras, lesquels il (Dieu) n’a point commandez et ne les approuve point ; et quand ce viendra à rendre conte, ne les alloera nullement. En ce sens nous concedrons bien que ce sont œuvres de supererogations… » N. 15, ibid., col. 287, 288.

2. Applications particulières.

Étant données, d’une part, la thèse fondamentale de la justification par la foi seule et, d’autre part, la tendance des réformateurs de considérer comme injurieuses pour le Christ ce qu’ils appellent volontiers, dans les pratiques catholiques, des « inventions humaines », on conçoit facilement que le champ des œuvres surérogatoires soit, chez les protestants, beaucoup plus étendu que chez les catholiques.

a) Surérogatoires tout d’abord, les œuvres non commandées par Dieu et simplement proposées aux fidèles comme complément de la vie religieuse. Les catholiques les groupent sous trois chefs : jeûnes (toutes sortes de mortifications), prières (toutes sortes d’actes de religion), aumônes (toutes sortes d’œuvres de bienfaisance spirituelle et corporelle), apportant ainsi la perfection dans l’accomplissement de nos devoirs envers nous-mêmes, envers Dieu et envers le prochain. Cf. Bellarmin, op. cit., t. IV, c. iii, 5°, et De bonis operibus, t. I, c. i ; cf. Tob., xii, 8. Pour les protestants, ces œuvres peuvent être bonnes, à condition de ne leur attribuer d’autre valeur que de rapprocher l’homme de Dieu par la foi. Mélanchthon va jusqu’à dire qu’à ce titre, on peut les appeler sacrements. Apologie, s. 13, n. 16, dans Die symbolischen Bûcher, p. 204.

Si omnes res aimumerari sacramentis debent quæ habent mandatum Dei et quibus sunt additæ promiss iones cur non addimus orationem quæ verissime potest dici sacramentum ?.., Possent hic numerari etiam eleemosynse, item alïlictiones, quæ et ipsæ sunt signa, quibus addidit Deus promissiones.

Sous cet aspect, les sacrements eux-mêmes pourraient être considérés comme des rites surérogatoires, puisque, « sans eux, sans même les désirer, les hommes, par la foi seule, peuvent obtenir la grâce de Dieu ». Voir l’art. Sacrements, t. xiii, col. 597. Très particulièrement « la confession n’est pas nécessaire, même simplement en désir ; car elle n’efface pas le péché ». Concilium Tridentinum, édit. Elises, t. v, p. 282. « Faire l’énumération de tous ses péchés en confession est chose non nécessaire, mais libre. Autrefois imposée en vue de la satisfaction canonique, elle est aujourd’hui simplement utile pour la formation et la consultation du pénitent. » Voir les références à Pénitence, t.xii, col. 1071.

b) Surérogatoires encore et injurieuses pour l’œuvre rédemptrice du Christ toute œuvre, « invention humaine », à laquelle on voudrait attacher une efficacité dans l’ordre de la justification et du salut, soit pour soi-même, soit pour autrui. Les institutions les plus saintes (messe et sacrements), les pratiques les plus recommandables (indulgences, suffrages pour les défunts, vœux de religion, culte des saints, des reli ques et des images) sont, sous ce prétexte fallacieux, réprouvées par les réformateurs.

a. — En ce qui concerne la messe, le concile de Trente avait retenu quelques erreurs reflétant ce préjugé : « La messe ne vient pas de l’Évangile ; elle n’a pas été instituée par le Christ ; c’est une invention humaine, elle n’est pas œuvre bonne et méritoire ; bien plus, en elle, on commet une manifeste et multiple idolâtrie » (a. 2). — « C’est proférer un blasphème à l’adresse du très saint sacrifice offert par le Christ sur la croix que de croire que les prêtres offrent de nouveau, à la messe, le Fils de Dieu à Dieu le Père… » (a. 3). — « La messe ne profite ni aux vivants ni aux morts. C’est une impiété de l’appliquer pour les péchés, pour les satisfactions et les autres nécessités » (a. 3). — Le canon de la messe fourmille d’erreurs ; il faut l’éliminer (a. 4). — On ne peut offrir la messe pour les autres (a. 7). — Les messes privées sont illicites et contraires à l’institution du Christ (a. 7). — Les vêtements sacrés, les rites extérieurs sont des dérisions de l’impiété (a. 10). — Voir les références dans Theiner, t. i, p. 602 sq. ; ou dans A. Michel, Les décrets du concile de Trente, p. 426-429.

b. — Inventions humaines et par conséquent sans valeur obligatoiie ou sanctificatrice, la confirmation et l’extrême-onction. Cf. Mélanchthon, Apologie, a. 13, n. 6, dans Die symbolischen Bûcher, p. 203. La confirmation, cérémonie oiseuse. Mélanchthon, Loci communes, III* œtas, Corp. reform., t. xxi, col. 853. Cf. Conc. Trid., édit. Ehses, t. v, p. 839. Voir aussi, en ce qui concerne l’extrême-onction, les erreurs relevées par le concile. Theiner, t. i, p. 531. Même attitude en ce qui concerne le sacrement de V ordre, a. 1-2, et les cérémonies qui en accompagnent la collation, a. 5. Theiner, t. i, p. 603, et Conc. Trid., t. xi, col. 1349. Voir ici les articles Confirmation, t. iii, col. 1089 ; Extrême-onction, t. v, col. 1998 ; Ordre, t. xi, col. 1349 ; et Décrets du concile de Trente, p. 174, 293, 467-468.

c. — On sait avec quelle dérision Luther parlait des indulgences. Bulle Exsurge Domine, prop. 17, 18, 19, 20, Denz.-Bannw., n. 757-760. Voir ici Indulgences, t. vii, col. 1619 ; Luther, t. ix, col. 1154 sq. Un mot résume la pensée du réformateur : « Dans les indulgences, aucune vertu pour expier les peines que, pour nos péchés, nous devons à la justice divine. » Prop. 19 ; Denz.-Bannw., n. 759. Puisque la foi suffit à obtenir la rémission des péchés, une fois cette rémission accordée par Dieu, il ne subsiste « aucune obligation de satisfaire par une peine temporelle… Aussi les indulgences sont de nulle valeur ; après cette vie, il n’y a pas de purgatoire et les suffrages pour les défunts n’ont aucune efficacité ». Telle était l’une des erreurs soumises à l’examen des théologiens à la vie session du concile de Trente. Conc. Trid., t. v, p. 282 : cf. Décrets du concile de Trente, p. 69.

d. — Les vœux de religion étaient également considérés comme des œuvres non seulement surérogatoires, mais injurieuses à la valeur rédemptrice du baptême. Parmi les erreurs relevées au sujet du sacrement de baptême, la prop. 17 était ainsi formulée : « Le vœu du baptême n’a d’autre condition que la foi et supprime tous les autres vœux. » Conc. Trid., t. v, p. 838 ; Décrets du conc. de Trente, p. 173, et ici Baptême, t. ii, col. 304. Cette erreur est réprouvée par le concile de Trente, sess. vii, can. 9, de baptismo, cf. Baptême, t. ii, col. 308. Erreur d’importance qui ne tend à rien de moins qu’à rendre nulles toutes les obligations personnelles prises après le baptême. Les théologiens de Trente avaient bien saisi la pensée de Luther, puisqu’en censurant la prop. 17, ils avaient invoqué le canon 19 de la vie session : « Si quelqu’un dit qu’en dehors de la foi rien n’est commandé dans l’Évangile, rien n’est défendu, mais tout est libre…,