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SYMÉON LE NOUVEAU THÉOLOGIEN


le rapport à moins d’en avoir été favorisé ; Syméon, ce disant, pense aux apôtres, à son père spirituel et à lui-même ; cf. sur toute cette argumentation, le discours édité par I. Hausherr, La méthode…, p. 179 sq. Sans ces visions, on ne connaît pas Dieu, Allatius, n. 74 = K. Holl, p. 104 ; on ne peut même ni le prier, ni le servir comme il faut. Allatius, n. 3, 7 = K. Holl, p. 47-48, etc.

3. Conséquences de ces conceptions : sainteté et juridiction. — Celui qui est favorisé de la conscience de la grâce ou des visions lumineuses est proprement un « enseigné de Dieu, guidé et éclairé par l’Esprit-Saint », P. G., t. cxx, col. 660 CD ; il trouve désormais en lui-même l’équivalent de la révélation scripturaire et de la tradition, col. 667 A, puisqu’il a commerce direct avec l’Inspirateur. Bien plus il est seul habilité à conduire les autres. Et c’est à ce plan qu’éclate le conflit entre le « spirituel » et la hiérarchie.

L’exercice des fonctions ecclésiastiques essentielles, bien plus, la simple acquisition du droit de les exercer ne sont légitimés que si l’on est parvenu à l’état indiqué. Nous citerons quelques textes et passerons aux applications à la rémission des péchés. Illorum (les saints) est ligare et solvere, litare et docere, non autem illorum qui ex hominibus tantum votum ordinemque acceperunl. Allatius, n. 28 ; I. Hausherr, Vie…, p. lxxvi. Syméon insiste sur la distinction de ceux qui ont été « ordonnés par Dieu » et de ceux qui l’ont été par les hommes ou par eux-mêmes. Allatius, n. 66, P. G., t. cxx, col. 298 B ; lettre sur la confession, K. Holl, p. 127, 1. 6-7. Hanc cuiquam fas nisi prius naturæ divinse consorti, Spiritus sancti cathedram, ut ita dicam, magistralem conscendere. P. G., col. 330 A. Sans cette consécration mystique, il est téméraire d’enseigner la doctrine, car on l’ignore, n’étant pas « initié ». P. G., col. 326 D-327 A. On n’est qu’un « profane », ibid., 660 D ; il est impossible ne connaître Dieu autrement que par la vision de la lumière qu’il émet. Allatius, n. 74 = K. Holl, p. 104. Celui, au contraire, qui a vu cette dernière n’a plus besoin d’aucun enseignement. Inutil’de dire que le « profane » est inapte à la direction spirituelle : il est aveugle. P. G., col. 617 BD, etc. Aussi Syméon s’en est-il toujours remis à un moine qui n’était pas prêtre, mais était initié, son homonyme le Studite. K. Holl, op. cit., p. 127. Mêmes exigences pour la célébration de la liturgie. Et Stéthatos n’a pas manqué de nous dire que Syméon a reçu, chaque fois qu’il célébra, durant les quarante-huit ans de son sacerdoce, la visite du Saint-Esprit. Vie…, n. 30, p. 43 ; cf. P. G., ibid., col. 688 A.

Mais c’est au sujet de la confession que le Nouveau théologien s’est montré le plus explicite. Il est bien probable qu’on trouverait longtemps avant lui dans certains milieux monastiques l’usage d’absoudre sans avoir reçu le sacerdoce ; cf. S. Vailhé, Saint Barsanuphe, dans Échos d’Orient, t. viii, 1905, p. 20. Mais il en a été le théoricien obstiné, dans sa lettre « sur ceux qui ont reçu le pouvoir de lier et de délier les péchés ». K. Holl, op. cit., p. 110 sq. La confession met en jeu une médiation assumée entre Dieu et le pécheur et supposant l’amitié avec Dieu. Les évoques furent les premiers détenteurs du pouvoir d’absoudre. Ils l’ont perdu par leur indignité. Il est passé aux prêtres chez qui il a eu le même sort, pour la même raison. Les moines ont recueilli l’héritage. Leur droit est prouvé par la sainteté de leur conduite et les merveilles que le Saint-Esprit opère par eux. En dégageant la pensée de Syméon des outrances de ses formules, il semble qu’on pourrait la ramener à ceci : le pouvoir d’absoudre les péchés n’est pas la prérogative d’un état ; il requiert avant tout la sainteté personnelle ; or, il se trouve que celle-ci se vérifie présentement et concrète ment dans l’état monastique, comme le démontrent les charismes qui illustrent ses membres.

En résumé, on peut dire que Syméon identifie le but de la vie spirituelle, dès cette vie, avec les grâces mystiques extraordinaires ; celles-ci sont à la fois, pour lui, la seule réalisation possible et normale de la vie chrétienne et la condition indispensable du ministère apostolique.

L’itinéraire spirituel.

Ces grâces sont l’aboutissant

d’un long travail de sanctification auquel concourt très efficacement la grâce. Pour le Nouveau théologien, les fondements de la perfection sont donnés avec le baptême. Celui-ci n’occupe néanmoins dans sa synthèse spirituelle qu’une place accessoire, car, si, de droit, il inaugure la sanctification, historiquement et pratiquement son efficacité est précaire. Tout est à reprendre sur nouveaux frais et le baptême institué pour constituer substantiellement la vie chrétienne, n’est plus que l’image du vrai baptême, celui de l’Esprit. P. G., t. cxx, col. 614 D. C’est sur ce dernier plan que se déploie la pensée de notre mystique.

1. L’initiation chrétienne.

Le baptême est une restauration dans l’état d’incorruption et d’immortalité d’Adam, du « paradis spirituel », fondée sur la rédemption elle-même. Ibid., col. 325 AB. Il comporte avec la rémission des péchés une déification, Qzoyzveaiy., ibid., col. 366 A (J. Pontanus a lu Œoyvcooîa, cf. K. Holl, op. cit., p. 52), une sorte de mixtion avec la nature divine : Iterumque cum divina natura, sicut erat, modo quodam miscetur. Ibid., col. 323 BC. Cette déification est exprimée de diverses manières : par une « descente du Saint-Esprit », col. 645 A, par une information de l’âme par lui, col. 324 B, par l’action de revêtir le Christ, col. 380 D, c’est-à-dire la grâce spirituelle d’Adam. Col. 329 B. L’efficacité du baptême se traduit concrètement par la purification et le renforcement des trois facultés de l’âme, l’esprit, l’irascible et le concupiscible, qui sont d’ailleurs foncièrement bonnes. Col. 304 CD. Alors seulement devient possible et profitable au salut l’observation des préceptes. Col. 324 B, 327 D, 381 B. Bien mieux, il en résulte une disposition de facilité à faire le bien et à résister au mal. Col. 328 A, 329 D, 341 C. Le libre arbitre n’est certes pas lésé et le péché reste possible, il est seulement garanti contre la tyrannie de Satan. Col. 661 D-664 A.

Bref l’âme est désormais adaptée à l’accès au royaume de Dieu (conception complexe comprenant aussi et surtout ici la grâce sentie) et à sa vision. Col. 323 BC. Le principe de la perfection est donné qui doit mener tout droit, avec la contemplation et l’observation des commandements, à l’habitation de la Trinité dans l’âme, sous la forme parfaite de la charité active : Hosce habilus (les trois facultés) corrigit, confirmât et corroborât et, ob hanc causam, lex et regulie divinitus data ? sunt… quo in iis jugiter ambulans, cernât quæ recta sunt… et in hac contemplatione exercitata, vexatorem fugere compellat et cum in omnis ver Hat is comprehensione perfectior evaserit in veris tantum modo collocet quo legislalorem ad requiescendum altrahat implealurque in ipsa. Col. 304 CD. Tout se ramène à conserver la grâce et à observer les commandements.

La communion a pour fin de confirmer et rendre plus étroite la déification baptismale (pour ses effets, voir plus bas).

En fait, dans la plupart des cas et même dans tous, le bénéfice du sacrement est caduc. Non seulement Syméon distingue 1’àyf.y.Gixôç, alors produit dans l’âme, de la grâce parfaite de l’habitation divine qui est le privilège de la foi forte et agissante, col. 645 A, il affirme même parfois, comme on l’a vii, que tous les baptisés ne reçoivent pas le Christ. I. Hausherr, Vie…, p. lxxiv. Le baptême des enfants est à l’origine de cette caducité. Il y manque la connaissance de la