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SYMÉON LE NOUVEAU THÉOLOGIEN


grâce, col. 380 A, la sensation (entendez : l’aperception) de la vertu théurgique du sacrement, col. 300 (', , la connaissance du salut. Col. 329 D. Or, gratia nulli ignorantium illam naturam luibet remanendi. Ibid., col, 380 A. A peine conscient, le baptisé pèche sans répugnance, c’est le meilleur signe que le baptême lui a été administré comme à un cadavre. Syméon n’a jamais battu en brèche le baptême des enfants..Mais celui-ci n’intéresse point le déroulement de son système, sinon comme l’image et le modèle d’une chose à refaire parce qu’elle n’a pas obtenu son effet.

2. La conversion.

L'âme, en dépit de son baptême, s’est abandonnée aux liassions, c’est-à-dire au péché, elle ne possède pas cette distinction pratique du bien et du mal produite par la grâce, col. 306 ; il faut une régénération. Col. 341 C-342 A. Celle-ci comprend deux temps : une rééducation morale, un réconfort sacramentel. La première consiste dans la correction des habitus naturales par l’entraînement à la componction (gémissements, larmes, jeûne), col. 306 BC, dans la prière d’humilité, préface nécessaire de la guérison, col. 342, mais aussi, pour tous ceux à qui a manqué la formation chrétienne, dans une initiation aux vérités fondamentales. Dans la pensée de Syméon, il s’agit bien moins ici d’une catéchèse dogmatique, dont les éléments sont supposés connus du sujet, que d’une éducation pratique sur la « foi au Christ », c’est-à-dire à ses commandements et ses promesses, aux leçons de sa passion. Col. 339 A, 333 B, 419 B ; Allatius, n. 8 = K. Holl, op. cit., p. 63. Bref on prépare l'âme à sentir la grâce et à vivre chrétiennement. Ainsi guérie de l'àTtia-'ux, le sujet se fera imposer les mains par un « illuminé », c’est-à-dire par quelqu’un qui a senti la grâce, comme il est d’ailleurs aussi exigé du rééducateur. En outre, il recourra à des moyens qui paraissent bien avoir, sous la plume de Syméon, une portée sacramentelle, bien qu’ils ne rentrent pas dans nos sept sacrements et seraient considérés par nous comme des sacramentaux : In animas porro post sanction baptisma his tribus (scilicet concupiscentiis) edomitas, alla ratione talis gratia influere non potest quam per inslaurantia bona per quæ solum confertur salus : ut per hauslum sanctificatorum, per unctionem benediclarum olivarum et unguenta sanctorum eorumque suaveolentiæ perceptionem : quoniam his Christus vim sanctificandi largitur et his anima purgatur… et spiritus nequam… per hœc quæ sensus langunt et oculis usurpantur, Spiritus sancti adventum quem percipit non ferentes, aufugiunt. Col. 348 A ; cf. texte grec dans K. Holl, p. 58. Ces sacramentaux pourraient être l’eau bénite (àv'.aojiiTwv), l’huile des lampes allumées devant les icônes ou bien directement bénie à l’ellet d’onction (^Ytao|iév<ûv êLaltov), les sucs des saints myroblites (u.ûp<oi -oyj àyîtov ?).

D’autres moyens produisent les mêmes effets quasi sacramentels : la vèture monastique, qui est « le second baptême, col. 329 C, 658 A ; les larmes assimilées parfois au baptême en vérité. Col. 014 D, 638 B. On verra plus loin le rôle éminent que jouent les larmes dans la synthèse syméonienne. Ce ne sera guère qu’après cette préparation que le Nouveau théologien introduira, semble-t-il, l'âme à la fréquentation des vrais sacrements de pénitence et d’eucharistie. Au terme de cette conversion, l'âme est régénérée et illuminée, à même de distinguer le bien du mal. Col. 372 B.

3. Le progrès spirituel ; ses aspects et ses facteurs. — Les Capitula practica de Syméon en donnent une idée suffisante bien que peut-être parfois un peu schématisée.

a) Syméon ne s’attarde pas beaucoup aux étapes ou degrés de la vie spirituelle pour eux-mêmes. Relevons quelques notations erratiques. Il distingue par fois la -pâ^iç, layvcûoiç, laBeopla, col. 631 B, c’est-àdire pratiquement la période active d’acquisition des vertus, celle de la contemplation de Dieu à travers les créatures, celle enfin de la contemplation directe de Dieu. Ailleurs il nomme seulement la ^sTavoia et la GsoXoyîa, les deux extrêmes du chemin à parcourir, col. 631 D, le stade du combat et celui de l’apathie intégrale : l’un consistant dans la crainte et la fuite du péché ; l’autre, dans l’amour et la pratique des commandements. Col. 630 BC. D’autres fois, ce sont les étapes successives de la régénération, de l’illumination, du don apostolique. Allatius, n. 74 = K. Holl, p. 104.

b) Toute la préparation morale exigée pour parvenir au terme de la vie spirituelle est renfermée dans le mot d’apathie. C’est la purification de l'œil prérequise à la vision de la lumière intellectuelle, col. 613 A, 628 C sq., la pureté du cœur, col. 643 CD, une sorte d’impeccabilité (sûrement relative, le contexte général de l'œuvre le prouve). Col. 630 C. Elle est chose si extraordinaire qu’on ne peut l’admettre chez les autres qu’après en avoir fait l’expérience soi-même. Col. 628 C. Syméon la définit : Non modo abhorrere a factis ad quæ affectibus impellimur, sed etiam ab eorum concupiscentia alienari et insuper ab eorum cogilatione quoque nudari animum : ut, cum volumus, supra cœlos simus extra omnia quæ aspiciuntur senliunlurque, veluti clausis nostris sensibus et anima ad ea quæ sensum superant ingrediente. Col. 643 C. On peut voir dans l’hymne xv jusqu'à quel point Syméon pousse l’effet d’insensibilité qui résulte de l’apathie consommée : suppression des réactions même de la pudeur instinctive ; cf. P. Maas, op. cit., p. 336 sq. Elle trouve pour lui cependant son plus noble effet dans l’amour et la prière pour les ennemis. Col. 631 BC.

On rencontre dans l'œuvre du Nouveau théologien des passages qui concourent heureusement à équilibrer sa notion de l’apathie. Il sait qu’elle n’est pas un état immuable, puisqu’il admet les chutes fréquentes du parfait lui-même. Elle est un produit surnaturel : seul le Christ a reçu pouvoir de délivrer de l’emprise des passions. Col. 393 A. Elle n’est pas, comme pure forme, l’essence de toute perfection : Nulla ei eveniel utilitas ex sola alienatione a passionibus : non ille laudatur qui non avarus est, sed qui miseretur. Allatius, n. 53 = K.Holl, p. 75. Enfin le mouvement passionnel comme tel n’est pas mauvais, tout dépend de sa direction. Col. 363 D.

c) Les moyens à employer, c’est l’acquisition des vertus et la pratique des commandements en même temps que la grâce, notamment la grâce sacramentelle. Syméon insiste extraordinairement sur les deux premiers points : Nullus est apostolorum et deiferorum patrum qui unquam hesychiam pluris habuerit ac justitia ex operibus orta sed, adimpletione præceptorum /idem demonstrantes, amoris divini in gnosi digni habiti sunt, Allatius, n. 61 = K. Holl, p. 04. Les commandements sont comparés à des outils aux mains de la foi, l’artisan prochain, et du Verbe, l’artisan éloigné, et qui servent à nous repêtrir (comme des vases) et à nous renouveler. Allatius, n. 36 = K. Holl, p. 75. Les vertus sont, elles aussi, des instruments c’est-à-dire des moyens qui n’atteignent vraiment leur efficacité que par l’action de l’Esprit-Saint. Col. 644 A.

La pureté du cœur n’est réalisée que par l’acquisition de toutes les vertus, ibid. ; elles sont d’ailleurs toutes connues, si bien qu’il est impossible d’en sauter une dans la montée spirituelle ; voir un passage très imagé du n. 50 d’AllaLius = K. Holl, p. 50. Quant à la pratique des commandements, c’est presque une formule banale dans les écrits de Syméon, tant elle revient souvent. Il ne dit pas exactement ce qu’il entend par là, mais relève de touches variées son importance. Négliger les commandements, c’est renier le Christ