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SYMÉON LE NOUVEAU THÉOLOGIEN


(cf. ce que nous avons dit plus haut de la « foi au Christ » ). Col. 335 B. Dans le contrat de fiançailles de l'âme avec le Christ, l’obéissance aux commandements est comme le texte, tandis que la pratique des vertus est la signature. Col. 045 B-647. Tous les commandements sont observables, puisqu’ils sont obligatoires et que les saints, comme Syméon le Studite et Syméon le Nouveau théologien lui-même (car il ne s’est jamais permis de cacher les merveilles opérées en lui par le Saint-Esprit) les ont tous pratiqués. L’infidélité n’accuse que la seule faute des sujets. Allatius, n. 56 = K. Holl, p. 49.

C’est à la place que tient l’observation des commandements chez le chrétien qu’on mesurera la valeur réelle de ses œuvres ascétiques : Quare ne quibusdam aliis actionibus et solis con/isi jejuniis, dico, vigiliis et aliis corporis affJictationibus, hanc mandalorum Dei obedientiasn vilipendamus, quasi per illas sine hac salvari queamus. Col. 428 D. Les exercices de l’ascèse n’intéressent Dieu qu’indirectement, c’est avant tout, l’homme qu’ils concernent : ils ont pour but de prouver à Dieu que nous sommes animés du réel désir d'être délivrés des péchés. Col. 370 A, 393 AB. On ne les estimera pas à la quantité, mais à leur acceptation par Dieu, conditionnée par l’humilité. Col. 370 D-371. Ils ne sont pas strictement indispensables : Syméon encore dans le monde avait atteint un haut degré de perfection sans avoir pratiqué d’austérités extraordinaires. Col. 698D. Ce qui compte, c’est l’evSoGev spyacna : la pénitence, la componction, l’humilité. Col. 4Il B, 371 B.

Nous ne détaillerons pas les actes ou les vertus qui intègrent l’ensemble du travail de sanctification. L’essentiel est de marquer la pensée fondamentale de Syméon dans sa conception de l’activité morale : la primauté de l’intention et de la disposition intérieure sur l’acte extérieur de mortification ou de piété, l’inutilité, sinon la nocivité, de celui-ci sans l’autre élément. Belevons seulement quelques vertus auxquelles Syméon accorde une place particulière : humilité, pénitence, obéissance.

L’humilité est destinée à éliminer la passion fondamentale l’onrjtnç, orgueil et confiance en soi. Elle est le degré sans lequel on ne peut gravir les autres, Allatius, n. 56 = K. Holl, p. 50, le pied des vertus par rapport à l’amour qui en est la tête, col. 383 B, la seule justice, en face de l’oÏYjaiç qui est le seul péché. Col. 322 D. La perfection intérieure se mesure au progrès dans l’humilité. Allatius, n. 55 = K. Holl, p. 67. Elle perdure dans les états mystiques les plus élevés : à preuve les Hymnes de Syméon qui débordent de confessions de son indignité..Mais à ce point c’est plutôt un charisme. Col. 629 D.

La pénitence est un état habituel de componction, fondé sur une juste connaissance de soi. Elle s’exprime avant tout dans les larmes. Elle est la condition essentielle de la rémission des péchés : Quibusdam operibus illi (David, Pierre, etc.) remissionem acceperunt peccatorum ? ex sola ptenitentia et lacrimis ex animo profusis nccnon conscientiæ confessione. Allatius, n. 29 = K. Holl, p. 61. Les larmes jouent un très grand rôle dans la mise en œuvre de la pénitence. Elles sont sans doute l’expression de la douleur intérieure et une certaine garantie de sa sincérité et, à ce titre, on comprend qu’elles soient supérieures à toute autre mortification corporelle. Col. 4Il B. Mais elles ont, en outre, une valeur purificatrice comme d’un second baptême, col. 614 D, elles sont un signe de la présence du Saint-Esprit. Loi. 638 B. Sous cette forme, elles sont un des éléments obligés de toutes les visions de Syméon. Il n’en a aucune sans transports de larmes. Sur la place du don des larmes dans la spiritualité orientale et chez Syméon, cf. M. Lot-Borodine, Le mystère du « don des larmes », dans Vie spirituelle, t. xlviii, 1936, p. 65 sq.

Elles sont aussi la disposition la plus requise pour la communion (voir plus bas).

L’obéissance se concrétise pratiquement pour Syméon dans la soumission totale et exclusive au père spirituel. Nous avons vu sur quelles prérogatives se fonde le rôle de ce dernier. Le dirigé doit le considérer comme le Christ lui-même, s’en remettre à lui de tout, même des besoins les plus urgents, comme le boire et le manger, ne pas le critiquer ni le contredire ni même colporter indiscrètement ses avis. Les passages sont nombreux qui, dans l'œuvre de Syméon, attestent sa position centrale, voir par exemple, col. 608 D, 609 C sq. Il faut veiller à le bien choisir, col. 618, et le meilleur moyen… est d'être soi-même un spirituel, Allatius, n. 65=1. Hausherr, Vie…, p. 77. Syméon, malgré sa dévotion au maître, envisage cependant un certain contrôle de celui-ci par le dirigé à l’aide de l'Écriture et des auteurs spirituels. Col. 617 A. Il sait sans doute que tout le monde n’a pas sous la main un Syméon Studite.

Si personne n’est plus convaincu que le Nouveau théologien que notre sort est entre nos mains, qu’il ne tient qu'à nous de parvenir à l’apathie, de recevoir l’Esprit et de voir Dieu, bref de faire un mystique accompli, personne non plus n’est davantage persuadé de la nécessité pour cela de la grâce. Le salut est essentiellement gratuit : Omnes consummati in sanctitate et virtute, graluito et non ex operibus justiliæ, salvi jacti sunt. Allatius, n. 54 = K. Holl, p. 76. Nostrum est nullam actionem subterfugere, et cum ardore et sudore virtutum sementem facere… Dei solius donum et misericordia ut imber gratiæ terrant cordium nostrorum… ex sterili frugijeram efficict. Col. 436 D-437 A. Seul le Christ a le pouvoir de nous délivrer des trois concupiscences. Col. 393 A. Notre contribution se réduit à un acte d’humilité et de pénitence. Dans la lutte contre les tentations, Dieu est toujours présent et c’est lui qui remporte proprement la victoire. Allatius, n. 48 = K. Holl, p. 91. Syméon prévoit l’objection : le salut n’est donc plus œuvre de volonté. Il écrit : Hoc est quod solum ei rclinquitur ut audiat de salule, ejus desiderio flagret, et norit eum qui salvare possit, cœtera ut sibi donentur ab eo qui salvare possit roget… Et pourtant il se reprend : « ces actes sont encore des dons de Dieu », de sorte qu’il doit conclure : Ferme enirn salus omnis in Christo… posila est… ipse per eos (credenles) quod placitum coram se est operatur. Col. 376 D-377 A, 377 C ; cf. K. Holl, p. 89 sq. Sans prétendre à édifier une synthèse spéculative des problèmes des rapports de la grâce avec l’activité humaine, Syméon donne à chacune de celles-ci la juste valeur qui leur revient de par la tradition chrétienne et l’expérience des saints.

L’action de la grâce est notamment très sensible dans certains sacrements tels que la pénitence et la communion. Nous savons que Syméon fréquenta assidûment le premier, du moins dans le temps de ses rapports avec le Studite. Quant au second, il nous en parle très fréquemment en termes particulièrement remarquables. Elle produit une déification profonde : Per sumptionem se cum sumente cummisect et… de integro eum format… ad semetipsum adducit ut secum germane coalescat…, col. 326 C ; une participation à la nature divine et une sorte d’intégration physique, col. 348 B, 557 A ; une participation à l’humilité du Christ souffrant. Col. 360 C. Ailleurs Syméon lui reconnaît trois effets : vie, incorruption et humilité. Ibid. La communion réclame une intime préparation dont l’essentiel est une très vive humilité et componction. A la suite de son maître Syméon ne permet pas que l’on communie sans larmes et c’est tout juste s’il pardonne de n’arriver pas au delà du désir des larmes. Col. 491. Dans ces dispositions, il est permis à n’importe qui, même à celui qui inaugure sa conversion, de communier cha-