A la liturgie se rapporte un autre écrit de Syrigos qui se présente comme un document officiel du patriarcat œcuménique adressé à l’Église russe. Au printemps de 1654, un synode de Moscou, présidé par le patriarche Nicon, envoya au patriarcat œcuménique une série de questions relatives à la célébration de la messe en vue de réformer les livres et les rites liturgiques de l’Église russe. Le patriarche de Constantinople, Païsios I er, répondit officiellement à ces questions, au nombre de vingt-sept, par un document signé de vingt-cinq métropolites, de trois évêques et de onze dignitaires ecclésiastiques. Or, ce document officiel fut rédigé en grec vulgaire par Syrigos en personne, à la demande du patriarche. Nous le savons par les mss, qui donnent cette lettre synodale sous forme de traité intitulé : Explication de la liturgie (c’est-à-dire de la messe) : ’E^yr^aiç auvoTC-rix ?) t7)ç Œîocç xai. àyîaç XEiToupyiaç, et l’attribuent expressément à notre auteur. Nous le savons surtout par l’original de la Lettre synodale envoyée à Nicon, qu’a publié le Russe Troïtskii, en 1881, dans la Lecture chrétienne, t. i. Parmi les signataires, aussitôt après les évêques, figure Mélèce Syrigos, « qui a composé cet opuscule sur l’ordre du patriarche Païsios et de son synode ». Rédigé en décembre 1654, l’opuscule ne parvint à Nicon qu’au début de 1655. Le patriarche le fit approuver par le synode de Moscou qui se tint la dernière semaine de mars. Ce document eut dans l’Église russe d’imprévisibles répercussions, car il détermina pour une bonne part la révolte d’une partie de l’Église russe contre les réformes liturgiques de Nicon, révolte connue sous le nom de raskol. Cf. l’article Russie, t. xiv, col. 292 sq. L’édition de Troïtskii avait été précédée par celle de l’archimandrite Germain Aphtonidès, dans son ouvrage intitulé : £ûvtou.oç 7rpay[xaTEÎa rcepï toù v/j-GfAOCTOç tcôv’PacrxoXvixôiv xal 7tepî tovcov aîpéaswv èv’Pcoaatq :, Constantinople, 1876, p. 139 sq., et par celle de Papadopoulos-Kérameus, ’AvexSôxov… teôjpç Tupôi-rov, Smyrne, 1880, p. 1-15. Ces deux dernières éditions ne concordent ni entre elles ni avec l’original publié par Troïtskii.
4° Traductions.
En dehors de la traduction en grec vulgaire de la Confession orthodoxe de Pierre Moghila et de son propre ouvrage contre la confession de Cyrille Lucaris, notre auteur en a exécuté plusieurs autres. En voici la liste :
1. Traduction du latin en grec ancien des dix livres du commentaire d’Origène sur l’Épître aux Romains. On sait que ce commentaire ne nous est parvenu qu’en traduction latine. La traduction de Syrigos est inédite et se trouve dans le ms. 755 du Métokhion du Saint-Sépulcre. — 2. Traduction en grec vulgaire des écrits de Jean Cantacuzène contre l’Islam (quatre apologies et quatre discours contre Mahomet : cf. P. G., t. cuv, col. 371-692). C’est à l’invitation du hospodar Basile le Loup que Syrigos exécuta ce travail. Il fut commencé (ou terminé) le 1er décembre 1635 en Moldavie, suivant l’indication du ms. 196 du Métokhion, un des nombreux mss qui renferment cette traduction, restée inédite. — 3. C’est encore à la demande de Basile le Loup que notre auteur traduisit en grec vulgaire les Instilutes de Justinien. Il contribua ainsi à la collection de lois traduites du grec en roumain que publia à Iassy, en 1646, le logothète Eustratios sur l’ordre du hospodar. Mais la traduction de Syrigos ne paraît pas avoir vu le jour, malgré l’affirmation contraire de Nicolas Comnène. Papadopouli, Hisloria gymnasii Patavini, t. ii, p. 309. — 4. Traduction en grec vulgaire du Résumé des lois (vou.ix)} èmzoy.rj) des empereurs Léon et Constantin, demandée également par Basile le Loup. Elle est aussi restée inédite, Dosithée est le seul à en parler.
Comme théologien, Mélèce Syrigos appartient à la
vieille école byzantine. A la différence de plusieurs théologiens grecs de son temps, il a été très peu influencé par la scolastique occidentale. Dans sa réfutation des erreurs calvinistes de Cyrille Lucar, il s’en tient aux arguments positifs tirés de l’Écriture sainte et de la tradition. Même lorsqu’il emploie certains termes scolastiques, il les vide de tout contenu proprement philosophique et ne s’attache qu’à l’idée dogmatique proprement dite. Le mot transsubstantiation, (i.ETO’joîcooLç, par exemple, n’éveille nullement chez lui l’idée d’accidents eucharistiques au sens philosophique du mot accident, mais simplement l’idée du changement des oblats au corps et au sang de Jésus-Christ et de la présence réelle qui en résulte. Il ne voit pas dans l’eucharistie deux choses : un contenant et un contenu, un voile et une réalité cachée sous ce voile : il n’aperçoit que Jésus-Christ présent. Cf.’Avnpp^ciç, édit. Dosithée, fol. 123’, 138°.
Les corrections qu’il a introduites dans le catéchisme de Pierre Moghila ne se sont pas bornées à la question de la forme de l’eucharistie et à celle du purgatoire. Elles ont dû porter aussi sur d’autres points moins importants. C’est ainsi qu’à la question cv de la première partie, la reconfirmation des apostats est admise, alors que Pierre Moghila a supprimé dans son Trebnik ou Rituel l’office de la réconciliation des apostats attribué au patriarche saint Méthode, qui a été interprété par les théologiens byzantins dans le sens d’une véritable réitération du sacrement de confirmation. On peut soupçonner aussi notre théologien d’avoir introduit des formules palamites pour exprimer la nature de la béatitude des élus (p. I, q. 126).
Plus clairement encore que dans la Confession orthodoxe, Syrigos nie la doctrine du purgatoire dans l"AvTLpp7)31 ; : aucun état intermédiaire après la mort. A l’exception du péché contre le Saint-Esprit, tout autre péché peut être remis aux défunts dans l’autre monde avant le jugement dernier par les suffrages des vivants et les prières de l’Église. Notre théologien va jusqu’à affirmer que, si le pauvre Lazare avait intercédé pour le mauvais riche, celui-ci eût été retiré des flammes. La porte de l’enfer ne sera définitivement closs qu’après la résurrection générale. C’est à ce moment-là seulement qu’aura lieu la rétribution et que le sort de chacun sera définitivement fixé.’AvTtppvjatç, p. 138-144.
En parlant du sacrement de mariage, il paraît bien faire du prêtre le ministre de ce sacrement. Par contre il enseigne très nettement l’indissolubilité du lien matrimonial : Le mariage légitime, dit-il, ne peut être rompu pour aucune raison : 6 toioùtoç ydcu.oç s^ttoS !. Ç£T(Xt va X M P lCy ^J * a tà TOXGOCV aÏTtOCV.’AvTÎppYjCTIÇ,
p. 88-89. Malheureusement la pratique constante de l’Église byzantine et gréco-russe donne un démenti formel à cette très orthodoxe affirmation.
Signalons enfin que Mélèce Syrigos se range parmi les théologiens grecs de la période moderne qui ont nié l’immaculée conception de la sainte Vierge. Aussi bien dans VAntirrhesis, p. 31-32, que dans un sermon sur l’Annonciation prononcé dans sa ville natale, au début de sa carrière de prédicateur, il soumet Marie au péché d’origine et déclare qu’elle n’en fut purifiée qu’au jour de l’Annonciation. La raison qu’il en donne, c’est que Marie a été soumise à la mort, fruit du péché originel. Au demeurant, il sait que la question est discutée même parmi les siens et se garde de présenter son opinion comme l’expiession officielle de l’orthodoxie. Cf. ms. 254 du Métokhion du Saint-Sépulcre, fol. 1018-1019, homélie non signalée par le P. Pargoire.
Le P. Pargoire a consacré à Mélèce Syrigos, sa vie et ses écrits, une étude qu’on peut qualifier d’exhaustive et qui a paru après sa mort dans los Échos d’Orient, t. xi, p. 264-280, 331-310 ; t. xii, p. 17-27, 167-175, 281-286, 336-342. La