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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/288

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THÉRÈSE (SAINTE]


sainte qu’elle péchait gravement fut ici nuisible à sa vie spiriluelle. L’autre raison qu’elle donne de l’abandon de l’oraison est bien secondaire : « À mesure que mes fautes augmentaient, je ne trouvais plus dans les choses de la piété le même goût, la même douceur. » Ibid., p. 97. Elle avait bien souvent déjà triomphé de ce dégoût. Elle en aurait sûrement triomphé encore s’il eût été seul à la détourner de l’oraison.

Sainte Thérèse reprit l’oraison après la mort de son père, grâce à l’exhortation d’un dominicain, le P. Baron. Désormais cet exercice va élever son âme aux sommets de la perfection. Dans la lutte qui se livra alors en elle-même entre Dieu et l’esprit du monde, le rôle de l’oraison fut capital. Toujours la même alternative : ou abandonner l’oraison ou abandonner le monde : « La vie que je menais, dit-elle, était extraordinairement pénible, car l’oraison me faisait comprendre mes fautes. D’un côté, Dieu m’appelait ; de l’autre je suivais le monde. Je trouvais beaucoup de joie dans les choses de Dieu, et celles du monde me tenaient captive. Je voulais, ce semble, allier ces deux contraires, si ennemis l’un de l’autre : d’une part, la vie spirituelle avec ses consolations, de l’autre les divertissements et les plaisirs des sens. Je soufflais beaucoup dans l’oraison, parce que l’esprit, au lieu d’être le maître, se trouvait esclave. Je ne pouvais me renfermer au-dedans de moi-même, ce qui était toute ma méthode d’oraison, sans y renfermer en même temps mille futilités. Bien des années s’écoulèrent ainsi, et je m’étonne maintenant d’avoir pu supporter un pareil combat sans abandonner l’un ou l’autre. Mais, ce que je sais très bien, c’est qu’il n’était plus en mon pouvoir de renoncer à l’oraison, parce que Celui-là me retenait qui me voulait à lui afin de m’accorder de plus grandes faveurs. » Vie. c. vii, p. 111-112.

Noire-Seigneur punissait à sa manière les fautes de Thérèse « par de souveraines délices ». « Avec ma nature, dit-elle, il m’était incomparablement plus pénible, quand j’étais tombée dans des fautes graves, de recevoir des faveurs que des châtiments ; aussi je le dis avec assurance, une seule de ces faveurs m’accablait, me confondait, me désolait plus que bien (tes maladies jointes à toutes sortes d’épreuves. » Ibid., p. 113.

C’est ainsi que Dieu sanctifia Thérèse par l’oraison. Elle a voulu s’étendre sur ce récit « pour montrer quelle grâce Dieu accorde à une âme, lorsqu’il met en elle la résolution bien arrêtée de s’appliquer à l’oraison, n’eût-elle pas encore pour cela toutes les dispositions requises : c’est enfin pour montrer que, si l’âme persévère malgré les péchés, malgré les tentations, malgré les chutes de toutes sortes où le démon l’entraîne, Dieu, j’en suis convaincue, finira par la conduire au port du salut, comme il m’y a, ce semble, conduite moi-même ». Vie, c viii, p. 110.

Aussi, quels éloges elle fait de l’oraison ! Exercice « qui n’est autre chose qu’une amitié intime, un entretien fréquent seul à seul avec Celui dont nous nous savons aimés ». Vie, c. viii, p. 120. Dieu lui « a fait

trouver dan, l’oraison le r tous s^ maux.

P. 125. « La porte par où pénètrent dans l’âme les grâces de choix, comme celles que Dieu m’a failes, c’est l’oraison. P, 121. i L’heureux sort des âmes qui se déterminent à suivie, par le chemin de l’oraison, Celui qui nous a tan ! aimés ». c’est de COmmenci elle les esclaves de l’amour ». Vie, C, xi, p. 1 13. lai fin, dans son grand désir de voir pratiquer ce saint exerix e. xile ! xin de la Vit exhorte fori les commençants à faire les elforts nécessaires

a l’oraison de méditai Ion. Elle donne les conseils pratiques pour y réussir. Voir aussi Le chemin de la perfection, c. xx-xxiii, t. v, p. 158 sq.

II. La im’i-oisma i nu 1 DO CAnMBL. Le 21 août

1562 fut établi a Avlla le mon Saint Joseph)

le premier d’une réforme appelée à un succès si éclatant et si durable. Comment sainte Thérèse fut-elle amenée à entreprendre cette réforme et comment l’opéra-t-elle ?

En 1562, elle avait quarante-sept ans. Depuis plusieurs années elle était habituellement dans les oraisons mystiques. À la fin de 1559 ou au débul de 1560, elle eut la célèbre vision de l’enfer, qui exerça sur son projet de réformer le Carmel une influence décisive, semble-t-il.

Dans la vision, sainte Thérèse ressentit effectivement les souffrances dont le spectacle était devant elle : « Il plut à Dieu, dit-elle, de me faire ressentir en esprit ces tourments et ces peines, aussi véritablement que si je les eusse soufferts en mon corps… Won épouvante fut indicible. Au bout de six ans et à l’heure où je trace ces lignes, ma teneur est encore si vive que mon sang se glace dans mes veines. » Vie, c. xxxii, t. ii, p. 4. Cette réalisation des souffrances des damnés lui a été, dit-elle, « d’une utilité immense ». Tout d’aborci pour l’exciter « à remercier Dieu » de l’avoir « délivrée… de maux si terribles et qui seront sans fin ». Ensuite pour l’aider à supporter les souffrances de celle vie : « Tout ce qu’on peut souffrir ici-bas n’est plus rien à mes yeux, disait-elle, et il me semble en quelque sorte que nous nous plaignons sans sujet. » Enfin pour lui faire déplorer l’inexprimable malheur des âmes qui se damnent. Ibid.

Mais Thérèse ne se contente pas d’éprouver « la mortelle douleur » que lui cause « la perte de cette multitude » qui se jette en enfer. Elle éprouve « d’impétueux désirs d’être utile aux âmes ». Pour « en délivrer une seule de si horribles tourments », volontiers elle endurerait « mille fois la mort ». Ibid. Elle ressentait un désir aident » de faire, pour sauver les âmes, tout ce qui serait en son pouvoir « absolument tout ». Ibid., p. 6. En particulier « faire pénitence ». C’est alors que la pensée d’un ordre plus sévère que le sien se présenta à son esprit. Le monastère de l’Incarnation où était Thérèse « comptait bon nombre de servantes de Dieu, et Noire-Seigneur y était bien servi », niais la vie « y élail trop douce ». Il suivait la règle mitigée en 1431 par le pape Eugène IV. Il n’était pas soumis à la clôture, ce qui était nuisible à la sanctification des religieuses. Vie, c. vii, p. 99 sq. Si un particulier qui « fait de généreux efforts pour atteindre, avec l’aide de Dieu, la cime de la perfection… ne va jamais seul au ciel…, y mène à sa suite une troupe nombreuse », que sera-ce d’un ordre religieux qui, grâce à sa réforme, priera mieux et fera de plus nombreuses et de plus généreuses pénitences ? Cf. Vie, C. XI, p. 146.

C’est donc une pensée de zèle apostolique qui a été l’Inspiratrice de la réforme du Carmel. Thérèse le redit avec précision au débul du Chemin de la perfection. « J’appris, dit-elle, les calamités qui désolaient la I ran’e, les ravages qu’y avaient faits les malheureux luthériens, les accroissements rapides que prenait cette secte désas’lense. J’en éprouvai une douleur profonde. .. J’aurais, me semblait-il, donné mille vies pour sauver une seule des âmes qui se perdaient en si grand nombre dans ce pays : mais, je le voyais, j’étais femme et bien misérable… Je résolus doue de faire le peu qui dépendait de moi, c’est-à-dire, de suivre les conseils évangéliques avec toute la perfection dont Je serais capable, et de porter les quelques âmes qui sont Ici à faire de même. Enfin, il me semblait qu’en nous occupant i outes à prier pour-les défenseurs de l’Église, pour

les prédicat cuis et les théologiens qui soutiennent sa

, nous viendrions selon notre pouvoir, au secours de mon Maître bien-aimé. » Chemin de lu perfection, e. i. t. v. p. 33-34, ’I lu èse < ber< liait à Inspirer à ses

carmélites le zèle de l’avancement des âmes ei rie

l’exaltation de l’Eglise ». Cette intention apostolique,