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TRADITION. LES THÉOLOGIENS (XIX* S.


c’est « la tradition ». On conçoit que la tradition soit un mot vide de sens si l’on n’y adjoint les traditions qui en sont la matière ou l’objet. C’est la raison pour laquelle, dans toute l’histoire du dogme, les deux aspects ont été constamment unis. Mais il importait de les distinguer. Dans les traditions, les distinctions antérieurement acquises sont à retenir : traditions divines (ou divino-apostoliques), simplement apostoliques et ecclésiastiques. Thèse i.

En un certain sens, la tradition englobe l’enseignement de l’Écriture ; mais, dans l’enseignement théologique actuel, tradition indique un mode de transmission des vérités, différent du mode des Écritures. Th. ii. En conséquence, quand l’on traite de l’autorité de la tradition, il doit être question beaucoup moins des vérités transmises que du mode et de l’organe de transmission. L’autorité de ceux-ci une fois établie, les vérités transmises deviennent incontestables. Th. m. Or, l’histoire des origines chrétiennes montre que, en vue de propager et de conserver la doctrine et la discipline, le Christ a institué un magistère authentique dans l’Église, auquel les Écritures fournissent simplement un instrument doctrinal. Les Écritures ne sauraient donc être considérées comme l’unique moyen de conserver l’enseignement chrétien et moins encore comme l’unique source à laquelle chacun irait puiser pour son compte indépendamment de l’authentique magistère visible. Th. iv. Reste à démontrer par les textes scripturaires que le Christ a vraiment institué dans l’Église « un magistère vivant, organe perpétuel de la tradition chrétienne ». C’est l’objet de la thèse v ; on s’appuie sur les paroles du Christ aux apôtres, Joa., xiv, 16-18, 26 ; xvi, 13 ; Matth., xxviii, 20 ; Marc, xvi, 15, 16 ; Luc, xxiv, 47-49 ; Act., i, 8, et sur les explications données par les apôtres eux-mêmes, II Tim., i, 13, 14 ; cf. I Tim., iv, 13, 14, 16 ; vi, 13, 14, 20 ; II Tim., i, 6, 8 ; Act., xx, 28-32, en marquant toutefois que ce pouvoir doctrinal est transmissible aux successeurs des apôtres et ne rentre pas dans le charisme personnel de l’apostolat.

Que le pouvoir doctrinal du magistère vivant ait été transmis de fait aux successeurs des apôtres et doive subsister sans interruption dans l’Église, c’est là une conclusion de ce qui précède et un postulat nécessaire à la connaissance et à l’interprétation des Livres saints eux-mêmes. Th. vu. L’histoire de l’Église est là pour montrer que, conformément aux principes posés par le Christ et par les apôtres eux-mêmes, on a toujours cherché la vérité dans la prédication des successeurs des apôtres, unis entre eux par une communion à la même foi et possédant, pour garder intact le dépôt à eux commis, le charisme de la vérité. Th. vin. C’est l’Esprit-Saint lui-même qui assiste (non qui inspire) les successeurs des apôtres dans ce magistère de la vérité.

Deux thèses d’une importance capitale terminent cette première section. L’une, th. x, établit une distinction nécessaire entre l’autorité simplement historique (que les protestants voudraient attribuer à la tradition, tout au moins à la tradition des quatre premiers siècles) et l’autorité dogmatique, la seule qui convienne formellement à l’enseignement du magistère. De tout ce qui précède, la thèse xi dégage le concept propre de la tradition, concept confirmé d’ailleurs par le témoignage unanime fies l’ères. La doctrine de la foi, conservée sous l’assit taure du Saint-Esprit dans le consentement des gardiens du dépôt révélé et dans la succession ininterrompue des docteurs divinement institué., et se manifestant dans l’enseignement et la vie de l’Église entière, doit être appelée, au sens très propre, la Tradition. Les Pères le nomment « prédication apostolique, « règle de l’intelligence « les rhoew divines », règle apostolique <le la vérité », etc., si l’on en considère la doctrine conservée et proposée ; elle est

dite « conscience de la foi », « intelligence catholique », « sens ecclésiastique », « foi écrite dans les cœurs », « sagesse non écrite », si l’on considère le sujet chargé de garder, de propager, d’expliquer les vérités sous l’assistance du Saint-Esprit. D’où, infaillibilité de l’Église enseignante in docendo et de l’Église enseignée in credendo (scholion i). Cf. thèse xii. On rapprochera cette thèse des affirmations de Moehler, avec lesquelles elle présente, sous une terminologie différente, de véritables affinités. Voir col. 1332 sq.

2. Deuxième section. Les monuments de la tradition en général. — L’auteur appelle « monuments » toutes les œuvres de l’antiquité qui nous permettent de connaître les idées, les doctrines, les mœurs, les conditions de vie, en un mot, de pénétrer dans l’histoire des temps anciens, en ce qui concerne soit les particuliers, soit la société tout entière. Ces monuments nous manifestent le consentement des gardiens de la tradition relativement aux doctrines appartenant au dépôt de la révélation ; de plus, rapprochés de l’organe vivant de la tradition, c’est-à-dire du magistère même de l’Église, ils constituent un argument naturel non négligeable de la continuité de la prédication apostolique. Th. xin. On peut se demander toutefois si ces documents sont capables de nous mener à une certitude touchant le consentement unanime des gardiens de la tradition sur un point de doctrine. La réponse affirmative ne saurait faire de doute, soit que les documents témoignent de manière expresse de ce consentement unanime, soit qu’en raison de l’importance des témoins, de la doctrine en cause et des circonstances, le témoignage de quelques-uns seulement puisse nous fournir cette assurance. Th. xiv.

En appliquant ce principe au témoignage des Pères, et même des théologiens, on se convaincra que, si le témoignage de chacun d’eux pris individuellement n’apporte pas une preuve infaillible et péremptoire concernant le caractère dogmatique d’une vérité, cependant l’ensemble des témoignages est une garantie suffisante pour écarter la crainte d’un dissentiment en matière doctrinale par rapport à l’enseignement commun. Th. xv. À pari, il faut en dire autant des doctrines professées par l’unanimité des écoles théologiques : elles sont l’écho de la tradition authentique et ce principe ne saurait être infirmé par telles ou telles affirmations jadis assez généralisées chez les scolastiques et aujourd’hui, sinon condamnées, du moins totalement abandonnées. Tb. xvii.

3. Troisième section : Les rapports de la Tradition et de l’Écriture. — Il faut poser en principe que la prédication de l’Église est la norme suprême de l’interprétation des Écritures : cet enseignement de l’Église nous conduit à l’intelligence du texte sacré et nous détourne des fausses interprétations. Th. xviii. Si parfois les Pères parlent de la « suffisance des Écritures », ils n’entendent pas pour autant éliminer le dogme de la tradition. Th. xix. Voir ci-dessus, col. 1276 sq. Les deux dernières thèses xx, et xxi, montrent : l’existence de traditions divines non contenues dans l’Écriture et l’antériorité de la tradition sur l’Ecriture dans l’ordre chronologique, dans l’ordre logique de le connaissance et de la compréhension.

4. Quatrième section : L’explication (le progrès) <lc la doctrine. — Le principe à poser en la matière, c’est que la révélation catholique fut complète avec le dernier des ; ipôtrcs, soit qu’elle ail été faite par J( Christ lui-même, soit que ic Saint iv prit l’ait communiquée ensuite. Donc, on ne saurait admettre à partir de l’époque subapostoliquo ni une nouvelle économie d’un ordre plus parfait, ni même, dans l’économie pn ente, un accroissement objectif du dépôt de la foi catholique contenue dans les Écritures <i la tradition. Th. xxii.