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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/90

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TERTULLIEN. DOCTRINE


saint Jean, Apoc, xxi, cette cité est proche, aux dires des nouveaux prophètes du montanisme. Elle est si proche qu’on l’a vue, des païens même l’attestent, au cours d’une récente expédition d’Orient (sans doute, pense-t-on aujourd’hui, la campagne de Septime Sévère contre les Parthes en 197-198). Pendant quarante jours, en effet, on put apercevoir le matin une cité merveilleuse, suspendue entre le ciel et la terre, qui s’évanouissait au lever du jour. Comment ne pas reconnaître là cette Jérusalem céleste où, durant mille ans, les justes jouiront de l’abondance des biens temporels, comme compensation des sacrifices accomplis et des peines endurées pour Dieu ?

Quoi qu’il en soit du règne des mille ans, la doctrine des fins dernières est claire. Les corps des hommes ressusciteront. Les païens et les gnostiques s’acharnent particulièrement contre cette croyance. Tertullien n’hésite pas à consacrer deux traités, le De carne Christi et le De resurrectione carnis à l’exposer et à le démontrer de son mieux. Il réfute les objections vulgaires ; il cite et commente avec abondance les textes scripturaires qui établissent la réalité de la résurrection ; il prouve que la résurrection est nécessaire, si l’on veut que l’homme soit récompensé ou puni, non pas seulement de ses intentions et dispositions intérieures, mais aussi de ses actes extérieurs. De resur., xvii. Il est juste que le corps qui a soufïcrt ou péché avec l’âme soit récompensé ou puni en même temps qu’elle.

Comment les corps ressusciteront-ils et quelle en sera la condition ? Tertullien s’appuie pour répondre à ces questions sur les indications fournies par saint Paul dans la première Épître aux Corinthiens. Il estime que Dieu rendra au corps l’intégrité de ses membres, que les corps glorieux jouiront de l’impassibilité et qu’ils n’auront plus à exercer les fonctions exigées seulement ici-bas par leur condition mortelle. Il affirme surtout que c’est bien notre corps qui ressuscitera et non pas un autre. Seuls, les justes posséderont des corps sans défaut, impassibles, immortels, glorieux. Les réprouvés, au contraire, seront laids et misérables.

Après le jugement dernier, les réprouvés seront précipités dans l’enfer : là, ils seront livrés au feu vengeur de la justice divine, feu plus inextinguible que celui des volcans. Quant aux justes, ils seront enlevés dans le ciel, où ils jouiront de spect acles merveilleux, auprès desquels lis pauvres spectacles de la terre ne seront que vanité et néant : ils contempleront le triomphe de la majesté du Christ ; ils verront les abîmes de feu dévorant les impies ; ils goûteront enfin les joies cpie l’œil n’a pas vues, que l’oreille n’a pas entendues, que le cœur n’a pas senties, mais qu’on atteint par la loi et que promet l’espérance. De spect., xxix-xxx.

9° (’.(inclusion. Il est difficile d’exagérer l’import ance de Tei i ullien dans l’hisl oire de la l héologie chrétienne. OÙ il lient une place de premier plan.

Il est huit d’abord le plus ancien théologien de langue latine. Même s’il fallait admettre l’antériorité de VŒtavim par rapport à {’Apologétique, cel aimable dialogue n’apparaîtrait jamais que comme un chef d’oeuvre littéraire et un beau témoignage de la foi chrétienne chez un homme cultivé. Avec Tertullien, toute la doctrine chrétienne, le dogme aussi bien que la moi île, qui obllent droit de cité dans le monde latin.

Nous n’osons pas dire que Tel I ullien est le Créateur 1 « - loul le vocabulaire qu’il emploie. Avant lui, il y avait eu bien des « lue liens a parler latin ci les pre mlères traductions de la Bible ont sans doute large ment contribut à donner au christianisme les exprès I les formules dont Il avall besoin. Mail T. iiul lien n’étail pas homme à reculer devant les néologisludacieux et, d’autre part, l’ampleur de sa for

mation classique, la rigueur de son éducation juridique le rendaient mieux préparé que quiconque à introduire dans la langue de l’Église toutes sortes de mots jusqu’alors réservés à l’usage profane. Nous avons souligné surtout l’importance de la contribution qu’il a apportée au vocabulaire des dogmes de la Trinité et de l’incarnation. Lorsqu’il s’agit du péché, de la pénitence, de la grâce, son rôle est à peine moins considérable.

A son sujet, bien plus qu’à celui de tout autre, il est permis de poser le problème du latin chrétien ou de la langue latine des chrétiens, c’est-à-dire de se demander si les chrétiens d’Occident ont employé la langue commune de leurs contemporains, en y introduisant les seuls mots dont ils pouvaient avoir besoin pour exprimer les réalités nouvelles, ou s’ils ont eu une langue à part, dont ils ont été les seuls usagers et qui leur a permis de constituer un groupe reconnaissable parmi tous les autres. La première hypothèse reste la plus probable, en dépit du talent avec lequel les philologues de l’École de Nimègue ont vivement défendu la seconde. Le rôle de Tertullien n’en est, semble-t-il, que plus important.

Il faut ajouter que ce rôle est loin d’être exclusivement linguistique. Les mots sont les véhicules des idées qu’ils expriment et qu’ils incarnent. Pas plus que les autres sciences, la théologie n’est exclusivement une langue bien faite. Mais elle est aussi cela. On n’a pas expliqué le mystère de la Sainte Trinité lorsqu’on a parlé des trois personnes et de l’unique substance divine ; mais on a montré où réside le mystère et que son énoncé n’a rien de contradictoire. Obligé de lutter à la fois contre les patripassiens, qui confondaient la personne du Père et celle du Fils, et contre les adoptianistes, qui faisaient du Sauveur un homme comme les autres, bien que rempli de grâces spéciales, Tertullien a réussi à donner de la foi traditionnelle un énoncé plus exact et plus précis que ses prédécesseurs : c’est toute la pensée théologique qui s’est trouvée éclairée de la sorte.

Comme moraliste, Tertullien n’a pas moins d’importance. On peut même dire que les problèmes moraux l’intéressaient davantage que les problèmes strictement théologiques. S’il s’est occupé de l’unité de Dieu, île la Trinité, de l’incarnai ion et de la rédemption, c’est parce qu’il a dû lutter contre des hérétiques qui mettaient en péril la doctrine de l’Église. Il n’aurait pas songé, semble t-il, à écrire de lui-même un grand traité pour exposer soil aux païens, soit même aux chrétiens, l’ensemble de la théologie : il faut aller à Alexandrie pour trouver celle idée conçue et réalisée vers la même époque, par Origène. Lui-même se contente d’écrire contre les valentinlens, contre Hermogène, contre Apellc, contre Marcion, contre Praxéas ; et l’on saii de reste que ce n’est pas en écrivant contre quelqu’un ou conl re quelque chose que l’on est à même d’exposer uwr do< i rine dans sa totalité.

u contraire, il traite des questions morales pour

elles-mêmes et il est amené à loucher la plupart des problèmes que soulève, au début du m’siècle, la vie quotidienne des chrétiens dans le monde païen. Il ne itente pas de recommander la patience, la pénitence, la prière. Il parle du voile des vierges, des spectacles, de la fuite en temps de persécution, du jeûne,

des secondes noces, de l’idnlàl rie. Certaines mali’Ms

l’intéressent liés particulièrement : c’est ainsi qu’il re

vient à plusieurs reprises sur le mariage et les devoirs des femmes et sur les secondes noces.

i.e pin louvent, même durant la période catholique

île sa h. il se llltin 1 1’partisan des sohilions seeres.

Pouj lui, il n’y a guère île milieu entre le christianisme ci l’idolâtrie, si l’on est chrétien, il faut l’être a fond.

s’engager de toute son aine et renoncer pour toujours