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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/1071

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3671 ZACHARIE (PAPE) 3672


ZACHARIE, pape du 3(10) décembre 741 au 15 (22) mars 752. — Nous n’avons aucun renseignement sur le curriculum vitæ de Zacharic antérieurement à son élection. Le Liber pontificalis sait seulement qu’il était Grec d’origine et que son père s’appelait Polychronius ; après l'éloge de rigueur sur les vertus de ce pape, le biographe nous introduit immédiatement dans la description des troubles où se trouvaient au moment de son élection Rome et l’Italie. Ces troubles étaient la conséquence de la politique quelque peu tortueuse suivie par le prédécesseur de Zacharie, Grégoire III. Devenu presque indépendant de Constantinople, le duché byzantin de Rome était l’objet des convoitises de la monarchie lombarde, depuis surtout que le roi Liutprand en était devenu le souverain (712). Le pape Grégoire III, que l’iconoclasme agressif de Léon l’Isaurien avait d’ailleurs brouillé avec Constantinople, avait cru habile de profiter des rivalités existant entre la cour de Pavie et les ducs lombards de Spolète et de Bénévent. Mauvais calcul, car ayant mis à la raison les ducs révoltés, Liutprand menaça plus directement Rome. Dans cette conjoncture critique, le pape Grégoire III avait fait une démarche grosse de conséquences. En août 739, il demandait l’intervention du « duc des Francs », Charles Martel. Ce dernier, qui venait de resserrer son alliance avec Liutprand, se souciait peu d’intervenir dans une lutte où tous les torts n'étaient pas du côté des Lombards. Il se contenta d’agir discrètement sur le roi Liutprand, obtint de lui qu’il laissât en paix le duché de Rome, mais ne put l’amener à restituer les places qu’il avait annexées. C’est devant cette situation que se trouve Zacharie au moment de son avènement : tension avec Constantinople, hostilité du côté lombard, défiance du côté de la Francie. Or le nouveau pape se montrera assez habile pour aplanir toutes ces difficultés.

En Italie, il rompt définitivement avec la politique de Grégoire III. Au lieu de s’appuyer sur les ducs révoltés, il prend fait et cause pour le roi de Pavie, faisant appel à ses bons sentiments, qui d’ailleurs étaient réels, l’aidant à faire rentrer dans le devoir, par persuasion ou par force, les vassaux récalcitrants. A plusieurs reprises, au printemps de 742, à l'été de 743 on le vit ainsi au camp de Liutprand, ou même au palais de Pavie. Il obtint de la sorte, outre la restitution des places enlevées sous Grégoire III au duché de Rome, le retour de patrimoines de l'Église romaine, sis en diverses parties du territoire lombard et qui avaient été confisqués depuis plus ou moins longtemps. À sa seconde démarche auprès de Liutprand, c’est pour l’exarchat de Ravenne, plus menacé encore que le duché de Rome, qu’il intervient. Il obtient que cesse la pression continue que le Lombard exerce sur l’exarchat et même quelques légères restitutions territoriales. Après la mort de Liutprand (janvier 744), et la déposition de son neveu Hildebrand (août 744), qui lui avait succédé, ce fut le duc de Frioul, Ratchis, qui devint maître du royaume. Prince très pieux — il devait se retirer au Mont-Cassin en 749 — Ratchis fut plus sensible encore aux démarches de Zacharie. Celui-ci vint trouver le roi à son camp devant Pérouse (749), et fit cesser l’entreprise du Lombard contre l’exarchat. II est vrai que la retraite de Ratchis au couvent amena l’avènement d’Astolphe, son frère, lequel reprit avec une nouvelle énergie la conquête des restes de l’Italie byzantine. Mais son action se porta d’abord sur l’exarchat — Ravenne fut prise en 751 — et le duché de Rome fut relativement à l’abri jusqu'à la mort de Zacharie. Ce serait au successeur Etienne II que reviendrait l’initiative de la nouvelle politique, qui aboutirait à la création de l'État pontifical.

Avec Constantinople aussi, les relations fort tendues sous Grégoire II et Grégoire III s'étaient améliorées. Léon l’Isaurien, le promoteur du premier iconoclasme, était mort le 18 juin 741 ; son fils, Constantin V, qui lui était associé depuis 720, aurait dû être reconnu sans difficulté. En fait, son beau-frère, Artavasde, profita de l’absence du basileus pour lors en Asie, pour se faire proclamer empereur à Constantinople. L’usurpateur se présentait, d’ailleurs, comme le restaurateur de l’orthodoxie et le défenseur des saintes images. Le patriarche Anastase, qui avait donné des gages à la politique iconoclaste, eut tôt fait de chanter la palinodie. Quelle serait, à l’endroit de ce restaurateur des saintes images, l’attitude de Rome ?

Zacharie, sans être au courant de cette résolution, avait envoyé dans la capitale sa synodique de prise de possession, Jaffé, n. 2260, « tout à fait orthodoxe », dit le Liber pontificalis. Entendons que, sur la question des saintes images, elle ne sacrifiait rien des précisions doctrinales formulées par Grégoire II et Grégoire III. Mais le fait même de l’envoi montrait que l’on ne rompait pas avec l'Église impériale, qui s'était inclinée devant les décrets de l’Isaurien. Les apocrisiaires porteurs de la synodique pontificale, arrivés à Constantinople à l'été de 742, trouvèrent Artavasde en place ; ils pouvaient difficilement éviter de le reconnaître et, de fait, pendant quelque temps, les actes officiels à Rome, comme dans toute l’Italie byzantine, furent datés d’après les années de l’usurpateur. Mais, comparée à l’empressement qu’avait mis dans son loyalisme de fraîche date le patriarche œcuménique, leur réserve était de bonne politique. Au fait, quand Constantin V eut triomphé de la rébellion, tandis qu’il se vengeait de la trahison du patriarche Anastase, les apocrisiaires romains jouirent d’un traitement de faveur. Ils purent obtenir du basileus une importante donation en Italie, qui compensait, jusqu'à un certain point, les confiscations prononcées par Léon l’Isaurien. Aussi bien une trêve se marquait à Constantinople dans la lutte contre les saintes images. Soucieux avant tout de la sécurité de l’empire, Constantin se préoccupa davantage de lutter contre les Arabes, les Bulgares, les Slaves que contre les défenseurs des icônes. C’est seulement vers 752, quand il fut débarrassé de ses plus graves soucis politiques, qu’il se laissa reprendre comme son père par le démon de la théologie. Le pape Zacharie ne connaîtrait pas cette époque troublée.

La tranquillité relative dont il jouit permit au pape de s’intéresser à une question qui fut de capitale importance dans l’histoire de l'Église : la première réforme de l'Église franque, point de départ de la grande restauration carolingienne. Charles Martel était mort en octobre 741 ayant partagé ses pouvoirs de maire du palais entre ses deux fils, Carloman (pour l’Austrasie, l’Alémanie et la Thuringe) et Pépin le Bref (pour la Neustrie, la Bourgogne et la Provence). Bien qu’il n’y eût plus de roi des Francs depuis la mort de Thierry IV de Chelles (737), les deux frères portaient simplement le titre de duc ou de majordome (maire du palais). À la différence de leur père, rude soldat mais piètre chrétien, c'étaient tous deux des princes cultivés, pieux, préoccupés de leur devoir. Après avoir assuré la tranquillité de l'État franc, ils entendaient se mettre à la réforme de l'Église. Cette réforme était indispensable. Les guerres civiles du vu 8 siècle, les troubles extérieurs et intérieurs du temps de Charles Martel avaient complètement bouleversé l'Église franque. L’abus le plus grave — mais il y en avait tant d’autres — était l’envahissement de l'Église par les laïques nommés directement par le souverain aux évêchés et aux abbayes et qui ne prenaient même plus la peine de se faire ordonner, se