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TYPE. SYSTÉMATISATION MODERNE

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entre l’interprétation allégorique, qu’il écarte résolument, et l’interprétation typologique, qui est légitime. Si la grande affaire, pour l’exégète, est de saisir au mieux le sens littéral de l’Écriture, l’obligation n’en reste pas moins pour lui de relever dans l’Ancien Testament tout ce qui prépare, annonce, présage l’économie nouvelle de salut. L’existence dans l’histoire sainte de « types » au sens le plus net du mot est pour Théodore une vérité incontestable et un principe essentiel d’herméneutique. Mais, dans la découverte et l’exploitation de ces types, on ne saurait procéder avec trop de prudence. Ce n’est pas à l’imagination qu’il faut s’en remettre, mais à une considération attentive de la réalité signalée par l’Ancien Testament et de la contre-partie qu’on trouve à celle-ci dans le Nouveau. Ce n’est pas sur des rapprochements fortuits ou fugitifs entre des « mots » du texte ancien et des expressions du nouveau qu’il faut tabler, mais sur une étude d’ensemble du personnage, de l’événement, de l’institution signalés par l’Histoire sainte et de ce que l’on croit leur correspondre dans notre narration du salut. Avant tout il faut se laisser guider par les indications des auteurs néotestamentaires. Ce n’est pas sans raison que le Christ se compare à Jonas, que Jean-Baptiste salue dans Notre-Seigneur l’agneau qui porte le péché du monde, que Paul voit dans le Sauveur une réplique du premier Adam. Ces indications fournissent des points de départ à une étude plus poussée. Ajoutons que Théodore ne s’est pas senti fort gêné par ces restrictions. Pour retrouver dans des personnages, dans des situations, des institutions de l’Ancien Testament des types de l’avenir il s’est fondé surtout sur sa connaissance approfondie de l’histoire biblique. Un certain nombre de faits très importants de cette histoire ont spécialement attiré son attention : sortie d’Egypte, captivité de Babylone, restauration en Terre sainte, insurrection machabéenne, qu’il a retenus pour en faire des centres de perspective d’où la lumière se répand sur toute l’économie de salut. Ce n’est pas le lieu d’établir ici le bien fondé de ses dires. Retenons seulement que, loin d’éliminer le sens typologique, il lui a donné dans son exégèse une importance considérable. Le mot de « type » dans le sens restreint et technique où il l’emploie était déjà en usage avant lui. Saint Jérôme l’a rapporté de son séjour en Orient et l’a introduit tel quel en latin. Cf. In Os., ii, 1, 2, P. L., t. xxv, col.916, où il est parlé de ceux qui typi fuerunt Domini Salvatoris. Mais c’est incontestablement Théodore qui a vulgarisé l’emploi du terme, fait la théorie du sens typologique, a bien discerné l’emploi de ce mode d’interprétation de l’allégorisme pur et simple, montré enfin par la pratique l’usage qu’il convenait d’en faire.

Systématisation des données de l’Écriture et de la Tradition.

Nous allons la présenter sous forme de quelques brèves conclusions, qui reprendront partiellement ce qui a été dit plus haut.

1. Allégorisme et typologie.

L’allégorisme a mauvaise presse aujourd’hui, non seulement parmi les exégètes libéraux, mais chez des critiques ecclésiastiques mêmes. Il ne faudrait pas que la typologie ou recherche du sens typique fût entraînée dans la même défaveur. L’essentiel est donc de bien distinguer entre deux. Or, la typologie est une forme de l’allégorisme, mais l’allégorisme est quelque chose de beaucoup plus vaste que la typologie. Il consiste essentiellement à chercher sous la lettre scripturaire autre chose que ce que signifie celle-ci, soit que l’on conserve le sens littéral, soit que, comme il est arrivé parfois, l’on en fasse bon marché. La typologie pose comme premier principe la conservation du sens littéral ; ce sens littéral est la donnée essentielle et son intelligence aussi exacte que possible est la loi suprême de l’exégèse. Ce sens littéral, qu’il s’agisse de la narration d’un fait, de la description d’un rite, du portrait d’un personnage peut, en certains cas, mais non pas toujours indiquer une réalité différente de celle qui ressort du texte même ; une association d’idées se crée entre le sens primitif et un sens dérivé. Le fait, le personnage, l’institution est évocateur d’une autre réalité, dont l’apparition a été plus ou moins postérieure à la réalité première. Mais — et ceci il importe de le remarquer — cette association d’idées est voulue par l’auteur principal de la Bible, c’est-à-dire par Dieu inspirateur de l’hagiographe. On n’admettra comme véritables

« types » que les réalités de l’Ancien Testament, dont il

est clair, par preuves péremptoires, qu’elles sont une préfiguration des réalités du Nouveau. Ces preuves ressortent soit des indications mêmes fournies par l’Écriture elle-même, soit d’une étude attentive des cas particuliers. Même établi ce rapport de préfiguration, il conviendra d’être sobre dans les rapprochements que l’on établit entre « type » et « antitype ». Il ne s’agit pas de s’arrêter à tous les menus détails mais bien plutôt de se laisser guider par la considération de l’ensemble. Que les sacrifices de l’Ancienne Loi, par exemple, aient valeur d’annonce prophétique et de figure par rapport au grand sacrifice de l’économie nouvelle, tout croyant l’acceptera ; ce n’est pas une raison pour éplucher tous les détails du rituel lévitique et pour leur découvrir une contre-partie dans les circonstances les plus diverses de la passion du Sauveur. En définitive, la typologie est un allégorisme très modéré, très prudent, attentif à ne rien avancer qui ne se puisse prouver. Faute de quoi elle tomberait dans les excès de ce que l’on a appelé le figurisme. Voir ce mot, t. v, col. 2999.

2. Réalité du sens typique.

La condamnation sans appel de l’allégorisme a amené, de la part des critiques indépendants, le rejet quasi absolu de la typologie. Il faut en appeler de ce jugement sommaire. L’existence dans l’Ancien Testament de « types » ou « figures anticipées » des réalités de l’économie nouvelle est précisément ce qui fait l’originalité de la sainte Écriture par rapport aux livres ordinaires. Cette originalité tient au fait que la Bible a Dieu pour auteur principal. Maître des événements, d’une part, et les disposant de telle sorte qu’ils réalisent ses desseins, la Providence peut fort bien avoir arrangé les choses pour qu’elles soient à l’avance une première ébauche, une première esquisse de réalités plus hautes, qui ne devaient se produire qu’ultérieurement. Maître, d’autre part, de l’activité littéraire de l’hagiographe, Dieu peut inspirer à celui-ci telle rédaction qui fasse jusqu’à un certain point transparaître dans les récits du passé les grandes choses que Dieu réserve pour plus tard. En bref, l’existence d’un sens typique repose sur l’unité d’auteur de la Bible et sur l’unité de sujet. Admettre la typologie, c’est avoir, comme nous l’avons dit, le sens de la liaison entre les deux Testaments. On comprend dès lors cette phrase d’un théologien-exégète, résumant l’idée traditionnelle : Sine fidei detrimento typos, sensumque typicum non posse negari. R. Cornely, Introductio generalis in libros sacros, Paris, 1894, p. 558.

3. De quelques divisions introduites dans le sens typique.

Les théoriciens du sens typique ont introduit dans celui-ci les divisions que la théologie scolastique avait établies dans ce qu’elle appelait le « sens spirituel », lequel se confond plus ou moins avec le « sens allégorique ». Il y aurait ainsi des « types prophétiques », des « types anagogiques », des « types tropologiques », les premiers préfigurant et annonçant les réalités de l’économie nouvelle : l’acte de Melchisédech annonce le sacerdoce du Christ ; les seconds faisant penser aux réalités célestes : la Jérusalem dont