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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/844

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VŒU. ETUDE THEOLOGIQUE

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tant plus malheureux si tu ne gardes pas ta foi à Dieu, que tu serais si heureux en la gardant 1° Epist., cxxvii, ad Armentarium, P. L., t. xxxiii, col. 487. Et le pieux Docteur avait soin de mettre cette sanction de la fracta voti fides, cette « dette du vœu qui est une oblation », sous le patronage de saint Paul, I Tim., v, 12. De bono viduitatis, n. 12 ; Enarr. in Ps., lxxvi, t. xxxvi, col. 968. Cf. Innocent I er, Décret., III.

Entre ces titres d’obligation divers, les Pères latins avaient fait leur choix, comme on l’a dit, en conformité avec leur théorie du vœu : saint Léon, Epist. ad Rusticum, regarde le côté social du vœu ; pour saint Grégoire, qui envisage le vœu comme un sacrifice en trois actes : le choix de la victime, sa préparation et son immolation, comprendrait-on, dit le bon pape à ses moines, que « la délibération du bon propos ne soit pas payée à Dieu par l’oblation d’une grande dévotion ? Quod ci vovendo exhibet, lotum mactatur Deo per hilaritatem. » Comm. in I Reg., n. 25, P. L., t. lxxix, col. 47, c. i. Voir d’autres textes dans Bellarmin, De monachis, c. xvi. « C’est proférer un serment, dit-il encore, que de se lier par vœu au service divin. Quand nous promettons des bonnes œuvres, nous jurons de bien faire ; et quand nous faisons vœu d’abstinence ou de mortification de la chair, nous jurons de nous faire du mal quant à présent. » Moral, in Job, t. XXXII, P. L., t. lxxvi, col. 635. Les auteurs du Moyen Age ont dit tout ce qu’il fallait sur le malheureux sort de « ces gens chargés du crime de leur vœu violé, voti et culpæ reos, que la vengeance divine poursuit de ses coups redoublés, donnant d’utiles avertissements à tous les siècles de ne pas profaner ainsi le vœu ». Rupert, In Eccl., v, 34, P. L., t. clxviii, col. 1243-1244. C’est que le vœu est prêté à Dieu, tout comme le serment est prêté devant Dieu ; mais « si la promesse simple déjà nous oblige envers un autre homme, il y a dans le vœu quelque chose de plus que dans la promesse, semble-t-il : il y a contestatio promissionis : celui qui ne fait que promettre s’engage à faire, mais celui qui fait vœu assure et affirme sa promesse même. Celui qui promet est tenu, tenetur, celui qui voue est lié, obligatur ». Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, P. L., t. clxxvi, col. 521. Il avait en vue certains docteurs in ulroque jure, qui prétendaient que « le simple vœu n’oblige pas plus que la simple promesse, laquelle n’a point d’effets juridiques sans une certaine solennité ». Pour lui, il ne voit point de place pour les circonstances atténuantes ou la légèreté de matière ; bien plutôt un surcroît de faute quand le vœu est public, c’est-à-dire « manifestum ad Deum coram homine, car le vœu ainsi proclamé, quand on le rompt, c’est un péché et puis un scandale i, l.oc al. Mêmes expressions dans P. Lombard. Sent., IV, dist. XXXVIII.

Dans la théologie.

Saint Thomas a dit tout l’essentiel dans l’art. 3 de la question lxxxviii, à avoir que le vœu crée une obligation sacrée basée sur la fidélité à Dieu, mais que cette obligation BSl fondée sur le droit naturel concernant la promesse ; ipie cette obligation s’étend (l’une part jusqu’aux limites de nos possibilités actuelles, et d’autre part. qu’elle doit s’interpréter d’après la volonté précise qu’on a eue en formant le vœu et donc avec les délais et conditions alors voulues. Les moralistes ont statué sui les vœux douteux, ils ont encore précisé la gravité des obligations qu’ils comportent, suivant cette même volonté et la matière de la violation ; ils ont tenu à marquer, contre certaines tendances des canonisics, le caractère essentiellement personnel du devoir qu’il Impose à son auteur… Quant aux dispositions canoniques concernant l’administration du vœu dans l’Église, et qui prendraient place autour des can. 1307-1310 du Code de droit canon, nous ne pouvons en traiter dans cette étude théologique.

1. Chez saint Thomas.

a) Le motif du vœu.

Le caractère obligatoire du vœu va nous révéler son objet formel. Après avoir pensé dans le Commentaire des Sentences, a. 2, q. i et dans le Quodlibet iii, q. v, a. 2, à des motifs inspirés de la seule valeur de la promesse humaine, qui sentaient encore leur Moyen Age, il s’arrête, dans la Somme, q. lxxxviii, a. 3, à la suite de saint Paul et de saint Augustin, cités plus haut, à la grande loi chrétienne de la fidélité de l’homme à Dieu. Car, si la force de la promesse dépend de notre seule détermination, l’obligation ainsi contractée revêt un caractère objectif qui, désormais, nous dépasse : nous ne sommes plus seuls en cause, nous sommes engagés envers Dieu qui garde notre promesse de toutes ses tergiversations : « Dire que le vœu est ferme par la résolution de l’âme, c’est regarder du côté de celui qui fait le vœu ; mais il a une fermeté plus grande encore si on le considère du côté de Dieu à qui on l’offre », dira saint Thomas, q. lxxxix, a. 8, ad 3um. Ici il déclare : C’est à la fidélité de l’homme que revient de lui faire acquitter ce qu’il a promis : « fidèle, celui qui fait ce qu’il dit », S. Augustin, Epist., lxxxii, c. 2 ; De mendacio, c. xx. Or, c’est surtout à Dieu que l’homme doit fidélité, à raison de son domaine sur toutes choses, « à raison aussi du bienfait reçu de lui » par cet homme. Nous voyons dans les exigences transcendantes du souverain domaine de Dieu la raison de la fidélité suprême qui lui est due pour toutes espèces de promesses à lui faites ; mais, pour les vœux conditionnels, dont l’observation est liée à « un bienfait reçu de lui », s’ajoute l’idée si traditionnelle de la reconnaissance. C’est donc une obligation souveraine que nous avons d’accomplir les vœux faits à Dieu : cela relève de la fidélité que l’homme doit à Dieu, et l’infraction au vœu est une espèce de l’infidélité aux promesses.

Inutile de recourir aux idées de vol, de mensonge, de sacrilège, qui ne sont que des métaphores approchées et qui peuvent conduire à des conclusions exagérées. L’obligation du vœu relève donc de cette justice transcendante qu’est la vertu de religion : c’est elle qui nous fera accomplir les promesses que nous faisons à Dieu et nous en fera sentir l’urgence. A quoi bon distinguer ici, comme le fait Suarez, la fidélité, c’est-à-dire la vérité de la promesse, et le culte de Dieu, puisque les deux ne font qu’un ? et qu’il faut finalement conclure que « la violation de cette révérence pour Dieu secundum quamdam eminentiam revêt la malice du mensonge et du sacrilège ? » De religions, t. IV, c. i, n. 7-9, Opéra, t. xiv. p. 1020. Disons, sans hyperbole inutile, que cette violation va contre la seule vertu de religion, à moins que. l’œuvre vouée soit commandée par ailleurs, comme la chasteté. Mais, dans le cas de celui qui a manqué à un jeûne voué, où est le sacrilège ? « Ce n’est donc pas de soi un sacrilège, parce que le vœu de soi ne consacre ni la personne qui le fait, ni la matière qu’elle voue. » Vermeersch, op. cit., t. ii, p. 168 ; cf. Merckelbach, Theol. moral., p. 730, qui ajoute que, « la matière étant de la même espèce dans la violation de tout vœu, il n’est pas nécessaire (en soi) de décla rer en confession la matière du vœu qu’on a violé ».

b) Eondement naturel.

Secundum honestaiem entendons, non selon une certaine convenance, mais selon la morale naturelle, toute promesse d’homme a homme oblige ; et c’est une obligation de droit naturel. On dira que « l’accomplissement d’une simple promesse faite à un homme n’est pas obligatoire d’après l’institution de la loi humaine, qui semble avoir tenu compte en cela de la mobilité de la volonté