Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

193

BAPTÊME D’APRÈS LES PÈRES GRECS ET LATINS

194

baptême n’était pas conféré aux enfants, reconnaît que c’était une pratique répandue au temps de Tertullien. Lehrbuch der Dogmengeschichte, 2e édit., 1888, t. i, p. 395 ; E. Choisy, Précis de l’histoire des dogmes, Paris, 1893, p. 15, 67. Tertullien, témoin de l’usage de l’Église, aurait préféré voir retarder le baptême des enfants, soit à cause des obligations qu’impose ce sacrement et dont l’enfant est incapable de comprendre l’importance et la gravité, soit parce que, en fait, les enfants baptisés devenus adultes rendaient souvent illusoires les promesses faites en leur nom par ceux qui les avaient présentés au baptême. De bapt., 18, P. L., t. i, col. 1221. L’Église d’Afrique n’en continua pas moins à rester fidèle à la pratique générale. En 253, Fidus demande à saint Cyprien, non pas s’il faut baptiser les enfants, mais s’il faut attendre le huitième jour pour leur conférer le baptême. L’évêque de Carthage lui répond que l’enfant, étant l’égal de l’adulte devant la grâce du baptême, il convient de n’écarter personne de ce sacrement ; il fait décider par le IIIe concile de Carthage, tenu sous sa présidence, que le baptême doit être conféré aux enfants, même avant le huitième jour, en cas de nécessité. Epist., lix, 3-5, P. L., t. iii, col. 1015-1018. Il dit : « On n’écarte pas du baptême les adultes, quelque péché qu’ils aient commis ; à plus forte raison n’en doit-on pas écarter l’entant nouveau-né. » Et en voici la raison : Infans, recens natus, nihil peccavit nisi quod, secundum Adam carnaliter natus, contagium mortis antiques prima nalivilate conlraxit, qui ad remissionem peccatorum accipiendam hoc ipso facilius accedit, quod illi remiltuntur, non propria, sed aliéna peccata. Epist., lix, 5, P. L., t. iii, col. 1019. Voilà donc motivée la collation du baptême aux enfants par cette contagion de la mort antique, qui passe, par la génération charnelle, d’Adam à tous ceux qui naissent de lui. Dans la première moitié du iiie siècle, Origène n’était pas moins formel. Quæcumque anima in carne nascitur, dit-il, iniquitatis et peccati sorde polluitur. .. Quid causse sil, cum baptisma Ecclesise pro remissione peccatorum detur, secundum Ecclesise observantiam etiam parvulis baptismum dari ; cum utique si nihil esset in parvulis quod ad remissionem deberet et indulgentiam pertinere, gratia baptismi superflua videretur. In Levil., hornil. viii, 3, P. G., t. xii, col. 496. Origène montre donc la nécessite du baptême pour les enfants par la présence en eux d’une faute et il légitime la pratique traditionnelle de l’Église. Il écrit ailleurs : « D’après la Loi, il faut offrir une victime pour tout enfant qui vient au monde. » Pro quo peccato, demande-t-il, offertur hic pullus unusf Numquid nuper editus parvulus peccare jam potuit ? Et tamen liabet peccatum pro quo hoslia jubetur offerri, a quo mundus negatur quis esse nec si unius diei fuerit vita ejus… Pro hoc et Ecclesia ab apostolis traditionem suscepil etiam parvulis baptismum dare. In Rom., 1. V, 9, P. G., t. xiv, col. 1047 ; cf. ibid., 1. V, 1, col. 1010.

Saint Ambroise, De Abrah., II, xi, 81, P. L., t. xiv, col. 495 ; saint Jérôme, Dial. adv. Pelag., ii, 18, P. L., t. xxiii, col. 616, sont deux autres témoins de l’usage de baptiser les enfants. Parmi les Pères grecs, saint Grégoire de Nazianze ratifie le baptême des enfants, mais demande qu’on ne le leur accorde qu’en cas de nécessité. Mieux vaut, dit-il, être sanctifié sans le savoir que de mourir sans le sceau de l’initiation chrétienne. Orat., XL, 17, 28, P. G., t. xxxvi, col. 380, 400. Il préférait qu’on ne -les baptisât que vers l’âge de trois ans, car alors ils peuvent déjà comprendre quelque chose du mystère, sans en avoir toutefois une pleine et entière intelligence ; ils peuvent aussi répondre aux interrogations. Ibid., 28. col. 400. Le Testament de Notre-Seigneur, édit. Rahmani, Mayence, 1899, p. 126, indique les enfants comme sujets du baptême et leur donne une place spéciale dans l’administration solennelle du sacrement à Pâques. Saint Augustin remarque que l’usage de baptiser les enfants n’est pas une innovation récente, mais le fidèle écho de la tradition apostolique. Epist., clxvi, 8, 23, P. L., t. xxxiii, col. 730 ; De Gènes, ad litt., x, 23, 39, P. L., t. xxxiv, col. 426 ; De peccat. ment., i, 26, 39 ; iii, 5, 10, 11, P. L., t. xliv, col. 131, 191. Il conclut que cette coutume, à elle seule et en dehors de tout document écrit, constitue la règle certaine de la vérité. Serm., ccxciv, 17, 18, P. L., t. xxxviii, col. 1346. Le pape Sirice veut qu’on baptise les enfants de suite après leur naissance. Epist. ad Ilimer., 2, Jaffé, Regest., t. i, p. 40 P. L., t. xiii, col. 1134. Et le concile de Milève, de 416, dit anathème à quiconque prétend qu’il ne faut pas baptiser les enfants nouveaunés. Can. 2, dans Hardouin, Act. concil., t. i, col. 1217. Cf. Bingham, Origines seu antiquilates eccles., Halle, 1727-1738, t. iv, p. 192-214.

Quand, au commencement du Ve siècle, éclata la controverse pélagienne, saint Jérôme eut à réfuter l’objection suivante : Quid infantuli peccaverefNec conscienlia delicti eis impulari potest nec ignorantia… Peccare non possunt… Ergo sine peccato. Oui, répond-il, ils sont sans péchés, s’ils ont reçu le baptême ; mais s’ils ne l’ont pas reçu, ils ont en eux le péché d’Adam. Et il cite la lettre de saint Cyprien à Fidus ; il signale les trois livres de saint Augustin à MarceUmusdein/antibusbaptizandis et un à Ililarius ; puis il conclut : Etiam infantes in remissionem peccatorum baplizandos, in similitudinem prœvaricationis Adam. Dial. adv. Pelag., 17, 18, P. L., t. xxiii, col. 615-618. Saint Jérôme aurait pu invoquer le témoignage de l’Ambrosiaster : Adam peccavit in omnibus… Manifestum ut in Adam omnes peccasse quasi in massa… Omnes nati sunt sub peccato. In Rom., v, 12, P. L., t. xvii, col. 92. Il aurait également pu faire appel à celui de saint Pacien qui, dans son De baptismo, P. L., t. xiii, col. 1089, tire la nécessité de la régénération baptismale de la participation de l’homme à la faute d’Adam. Il a raison, en tout cas, de citer saint Augustin ; car nul mieux que l’évêque d’Hippone n’a proclamé la nécessité de baptiser les enfants, en en donnant les raisons dogmatiques. La tâche n’était pourtant pas aisée ; saint Augustin s’en acquitta néanmoins et sa doctrine, dans son ensemble, est devenue celle des théologiens catholiques.

Il fallait d’abord bien caractériser la faute originelle, le mot est de lui, en indiquant ce qui la fait ressembler au péché actuel et ce qui l’en différencie. Car les pélagiens acceptaient bien, selon les règles de l’Église et la sentence de l’Évangile, le baptême in remissionem peccatorum ; mais ils n’admettaient pas le péché originel, la faute héréditaire, parce que le péché, œuvre personnelle de l’homme, ne peut naître avec lui, qu’il n’y a pas de péché de nature et que tout péché est produit par un acte libre de la volonté. De pecc. orig., vi, P. L., t. xliv, col. 388. Saint Augustin lui-même avait tenu jusque-là un langage qui semblait favoriser le pélagianisme, quand il avait écrit que la nature n’est pas atteinte par des fautes étrangères, qu’il n’y a pas de mal naturel, De Gènes, cont. manich., il, 29, 43, P. L., t. xxxiv, col. 220 ; que le péché est un mal qui dépend essentiellement de la volonté, qu’il n’y a pas de péché là où il n’y a pas usage du libre arbitre, De vera relig., 14, 27, ibid., col. 133 ; Cont. Fortun., ii, 21, P. L., t. xlii, col. 121 ; De duab. anim., 9, 12, ibid., col. 103 ; et que le péché ne peut être imputé qu’à celui qui l’a voulu et commis, De lib. arbit., iii, 17, 49, P. L., t. xxxii, col. 1295 ; autant de propositions qu’on exploitait et dont il dut préciser le sens, pour en bien défendre l’orthodoxie, ce qu’il fit en particulier dans ses Rétractations. Il n’y a pas de mal naturel : cela doit s’entendre de la nature avant la chute et telle que Dieu l’a créée. Retr., i, 10, n. 3, P. L., t. xxxii, col. 600. Sans doute le péché est un acte de la volonté libre ; mais l’élément volontaire su trouve aussi dans le péché origi-