Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
469
470
BASILIDE


soit peuplé le premier ciel ou l’Ogrloade. Quels sont ces éons ? Les Philottophumena n’en nomment aucun. Clément d’Alexandrie en signale deux : la Justice et la Paix. Strom., iv, 25, P. G., t. viii, col. 1372. Irénée, Cont. hær., I, xxiv, 3, P. G., t. vii, col. G76, et Épiphane, Hxr., xxiv, 1, P. G., t. xli, col. 309, citent l’Esprit, le Verbe, la Raison, la Force et la Sagesse, et spécifient que de la Force et de la Sagesse dérivent les éons du second ciel. Ce mouvement d’émanation successive et descendante se renouvelle dans chaque ciel pour ne s’arrêter qu’au dernier, à l’Hebdomade, qui clôt la série des cieux supralunaires. Le chef de l’Hebdomade est un Archon, et cet Archon est plus grand que tout ce qui est au-dessous de lui, mais il n’est plus ineffable comme l’Archon-Abrasax, il peut être nommé. Lui aussi se donne un fils plus prudent et plus sage que lui ; et d’eux procèdent les éons de l’Hebdomade. Cette similitude de formation du premier et du trois cent soixantecinquième ciel, nettement signalée par les Philosophumena, permet de conclure que chaque ciel avait son Archon, inférieur à tout ce qui le précède et supérieur à tout ce qui le suit.

Le monde inférieur.

Le troisième monde, le

monde sublunaire, le nôtre, a eu pour démiurge, au dire des Philosophumena, l’Archon de l’Hebdomade. Irénée, Cont. hxr., I, xxiv, 4, P. G., t. vii, col. 676, et Épiphane, Hier., xxiv, 2, P. G., t. xli, col. 309, mettent la formation de notre monde sur le compte du dieu des Juifs ; ce n’est là qu’une contradiction plHS apparente que réelle, l’Archon des Philosophumena et le dieu des Juifs ne formant qu’un seul et même personnage, l’Archon empruntant le langage du Dieu de la Bible ; c’est l’Archon-Jéhovah. Il n’est pas à croire que cet Archon-Jéhovah ait été personnellement le démiurge immédiat de notre monde et de l’homme ; ce sont plutôt les anges ou éons placés au dernier rang de l’Hebdomade, à l’extrême limite du monde intermédiaire, de la même manière que les éons du second ciel procèdent, non de l’Archon-Abrasax, mais de ses subordonnés, la Force et la Sagesse. Ces anges, dominés par l’Archon-Jéhovah arrogant et belliqueux, sont souvent en lutte avec lui et exercent, à leur tour, sur l’homme un pouvoir tyrannique. Épiphane, Hxr., xxiv, 2, P. G., t. xli, col. 3Ï2.

Anthropologie.

L’homme est composé d’une

âme et d’un corps ; le corps, pris à la matière, est destiné à y faire retour. Mais l’âme, si le système de Basilide est conséquent avec lui-même, ne peut procéder du démiurge que d’une manière semblable à celle qui fait sortir les éons les uns des autres, c’est-à-dire par voie d’émanation. File est, en effet, représentée comme quelque chose de divin, d’étranger à ce monde, d’antérieur à son union avec le corps. Son origine céleste ne l’a pas mise à l’abri du péché ; car elle apporte avec elle une faute, sur la nature de laquelle il n’est rien dit, mais que l’on peut dire héritée du démiurge. C’est pourquoi le martyre, par exemple, a pour but de punir ce péché, mais avec cette différence que, pour l’âme élue, c’est une punition honorable tandis que, pour l’âme non élue, c’est un châtiment juste. Exeget., xxiii, dans Clément d’Alexandrie, Strom., iv, 12, P. G., t. VIII, col. 1292. De plus elle est faillible sur terre, à cause du trouble et de la confusion primitive. Elle possède des affections, des passions, des appétits, qui lui font éprouver des désirs semblables à ceux que l’on remarque dans les animaux. Ce sont des appendices ou excroissances, 7Tf, oa3cf, TT l |j.aTa, Clément d’Alexandrie, Strom., ii, 20, P. G., t. viii, col. 1056, qui n’appartiennent pas à son essence. Elle peut donc pécher, et elle pèche chaque fois que l’occasion se présente ; si, en fait, elle ne pèche pas, elle n’a aucun droit de s’en glorifier. Clément d’Alexandrie, Strom., iv, 12, /’. G., t. viii, col. 1289-1291.

L’âme n’est pas la même chez tous les hommes ; il y a âme et âme. Isidore signale lame logique et I âme psychique, dans Clément d’Alexandrie, Strom., Il, 20, P. G., t. viii, col. 1057. Les Philosophumena parlent d’une âme pneumatique. VII, I, 27, p. 364. C’est là, selon toute apparence, une division correspondant à celle des autres gnostiques, qui distinguent l’âme pneumatique, psychique et hylique, selon qu’elle appartient aux partisans de la gnose, aux chrétiens ou aux païens. Dans ce cas, l’âme pneumatique serait celle des disciples de Basilide, absolument prédestinée au salut ; l’âme logique, celle des chrétiens placés dans l’alternative d’être sauvés ou damnés selon l’usage qu’ils auront fait de la gnose ; l’âme psychique, celle des païens, à prédominance matérielle, incapable d’entrer dans la gnose et d’être sauvée. Le silence des documents sur cette division, aussi nettement arrêtée, n’autorise à voir là qu’une conjecture, que la ressemblance de tous les systèmes gnostiques rend aussi vraisemblable que possible.

Quoi qu’il en soit, Basilide s’occupe surtout de l’âme pneumatique. Il dit qu’elle a la connaissance naturelle de Dieu ; il l’appelle fidèle ; il la proclame élue par sa propre nature. Clément d’Alexandrie, Strom., v, 1, P. G., t. ix, col. 12-13. Or cette élection de l’âme s’est faite en dehors de ce monde. Strom., iv, 26, P. G., t. viii, col. 1376. Du fait de cette élection elle possède naturellement la foi, qui n’est ni un acte libre, ni une puissance, mais une substance, une essence, un être inhérent à l’âme élue, moyennant quoi elle n’a pas besoin de démonstration pour connaître la vérité ; une simple intuition lui suffit pour posséder toute la doctrine, toute la gnose. Strom., il, 3, A G., t. viii, col. 911.

On voit que c’est la prédestination absolue de quelques hommes ; que le libre arbitre n’a pas de rôle à jouer pour le salut ; que le fatalisme est au fond du système. Et l’on se demande comment Basilide a pu conserver l’idée de la rédemption pour l’humanité. Il est vrai que ce dogme est singulièrement réalisé dans son système, ainsi que nous allons le dire.

Chute et rédemption.

Basilide admet la chute,

mais ce n’est pas celle qui est inscrite à la première page de la Bible. La chute, en effet, n’est pas le fait exclusif de l’homme ; elle remonte beaucoup plus haut, à travers les 365 cieux, jusqu’au ciel de l’Ogdoade. Le premier coupable n’est autre que le grand Archon, malgré sa participation à la nature du Dieu non né, non engendré, non existant, et malgré son voisinage avec le monde supérieur. Il a eu le tort, en effet, de s’élever vers les hauteurs sublimes jusqu’au firmament, jusqu’à la limite du monde supérieur. Ne pouvant monter plus haut, il a cru de bonne foi qu’il n’y avait rien au-dessus ; car il ignorait l’existence de PEsprit-limite, des trois j’iôtï) ; et de Dieu, tout cela étant enseveli pour lui dans un mystère profond. Philos., VII, i, 26, p. 359. Il s’est donc cru le seul maître : ignorance et orgueil qui constituent une faute, une déchéance, et qui nécessitent sa propre rédemption. Même aventure dans chacun des 365 cieux. Au fur et à mesure qu’on descend, l’ignorance et l’orgueil de chacun des Ardions constituent une chute semblable. C’est ce que l’on constate pour l’Hebdomade. Ici, en effet, l’Archon, dieu des Juifs, commet la même imprudence que le grand Archon-Abrasax, celle d’abord de se croire le seul Dieu parce qu’il ignore l’existence, non seulement de l’Esprit-limite, des trois -j’iott, ; et de Dieu, mais encore de tous les cieux qui sont au-dessus de lui, el celle ensuite de vouloir faire peser sa domination sur les autres cieux de l’Hebdomade, en particulier sur les anges, avec lesquels il entre en lutte. Ainsi donc, en descendant L’échelle du inonde intermédiaire, on voit comment s’explique la chute et comment la rédemption est nécessaire ; mais alors la faute originelle est imputable aux elles du