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BASILIDE


monde divin, aux 365 cieux, à l’exception de Dieu et des deux 'jîott, ; qui habitent avec lui.

Avant la manifestation des enfants de Dieu, un nouvel éon vient jouer un rôle prépondérant dans l'œuvre rédemptrice ; cet éon se nomme Évangile. Le salut s’opérant par la science ou la gnose, Évangile doit posséder la gnose pour la révéler à chaque ciel. Il la possède, en effet ; car il est la connaissance de tout ce qu’ignoraient l’Archon-Abrasax et tous les Ardions jusqu'à l’Archon-.Téhovah, c’est-à-dire de Dieu, des trois vtri et de l’Esprit-limite. Philos., VII, i, 27, p. 365. Etant cette connaissance par nature, c’est donc qu’il appartient au monde supérieur ; il n’est autre, en effet, que la première ulifar) ;, 1'w ! ôtv]ç ténue. Évangilevïôtt)ç sort donc du monde supérieur ; ses pensées volent au-dessus de l’Esprit-limite ; celui-ci s’en saisit, les transmet au fils du grand Archon, et ce fils s'élève alors jusqu'à Évangile. Évangile projette ses rayons de lumière sur lui, et, par lui, sur le grand Archon ; et c’est alors que le chef de l’Ogdoade aperçoit clairement la vérité, à la lueur de cette révélation ; il apprend de son fils, le Christ, assis à côté de lui, tout ce qu’il ignorait ; il constate que, au lieu d'être le Dieu unique, comme il avait eu le tort de le croire, il n’est qu’une émanation, Philos., VII, i, 26, p. 359-360 ; Clément d’Alexandrie, Stroni., ii, 8, P. G., t. viii, col. 972 ; il reconnaît et confesse son erreur, Philos., ibid., p. 360, et c’est ainsi que la gnose et par suite le salut s'étend à tous les habitants de l’Ogdoade. Une semblable révélation produit les mêmes effets dans chacun des 365 cieux. On voit du moins que cela se passe dans l’IIebdomade exactement de la même manière que dans l’Ogdoade. Philos., VII, i, 26, p. 360.

Après cette illumination des 365 cieux, grâce au rôle d'Évangile, la rédemption serait complète s’il ne restait à délivrer la troisième uidrrjc, condamnée on ne sait pourquoi à demeurer dans la panspermie. Mais celle-ci doit à son tour prendre place à côté du Dieu-néant, près de ses deux sœurs ; ce n’est qu’alors que s’achèvera la rédemption.

Ici intervient un nouvel éon, nommé Jésus. Jésus appartient au monde intermédiaire ; il ne descend ni de l’Ogdoade, ni de l’IIebdomade, mais du ciel Caulacau, Irénée, Cont. hier., I, xxiv, 5, P. G., t. vii, col. 678, dont il porte le nom. Théodoret, Hær. fab., i, 4, P. G., t. lxxxiii, col. 349. Son type préexistait dans le trésor des germes, mais il semble avoir emprunté quelque chose à l’Esprit-limite et aux divers cieux du monde intermédiaire. Il s’incarne en Marie, dont il est le fils, et procède à l’achèvement de la rédemption. Voici comment la lumière qui avait illuminé le fils du grand Archon et des autres Archons jusqu'à celui de l’IIebdomade, descend en Jésus, l’illumine et l’embrase, après être descendue en Marie et sans doute au jour du baptême. Philos., VII, i, 26, p. 362. C’est alors que la troisième uiÔTY)ç, transformée, purifiée, aussi ténue que sa sœur ainée, s’attache à Jésus, s'élève vers le monde supérieur au delà de l’Esprit-limite jusqu’au sein de son Père. Philos., VII, i, 26, p. 362. Jésus, en délivrant uôvr ;, met fin à la confusion désordonnée des germes, et, à mesure qu’il remonte, restitue chaque élément à son centre respectif, laissant à la terre ce qui est à la terre, à chacun des cieux, à l’Hebdomade, à l’Ogdoade et à l’Esprit-limite, ce qu’il en avait reçu, Philos., VII, i, 27, p. 366 ; après quoi il doit rentrer dans son ciel Caulacau ; mais ceci n’est pas signalé par les Philosophumena.

Reste l’homme : que devient-il ? D’après les Philosophumena, lorsque la troisième uïôrr, < ; aura fait retour auprès de Dieu, grâce à Jésus, la créature qui pleure et souffre, en attendant la révélation des fils de Dieu, obtiendra miséricorde. Tous les hommes de l’u ! <5rrçç quitteront la terre. Philos., VII, i, 27, p. 363. Il y a là une

restriction caractéristique qui laisse entendre que le reste des hommes, qui n’appartient pas à l’ut&Tijc, sera perdu. Les hommes de l’utér/jç ne représentent donc que les seuls pneumatiques, c’est-à-dire ceux dont l'âme est élue dès avant son incorporation ; tous les autres seront damnés. C’est donc, pour l’humanité, dans le système de Basilide comme dans tous les autres systèmes gnostiques, une rédemption partielle.

De plus cette rédemption partielle est due, non à l’expiation et à la souffrance du rédempteur en faveur des rachetés, mais vraisemblablement à une illumination ou à une révélation de Jésus, c’est-à-dire à une communication de la gnose. Car le fond de tous les systèmes gnostiques. c’est le docétisme. Et, en effet, d’après Irénée, Cont. hær., I, xxiv, 4, P. G., t. vii, col. 677, et Épiphane, Hær., xxiv, 3, P. G., t. xli, col. 312, Jésus n’a pas souffert, c’est Simon de Cyrène qui a été crucifié à sa place. C’est pourquoi les basilidiens devaient se garder de reconnaître le crucifié, sous peine de rester soumis à la puissance tyrannique des anges ; ils avaient au contraire tout intérêt à le renier ; car c'était le moyen de profiter de l’intervention de Jésus, venu pour les soustraire à l’oppression des anges ; c'était faire preuve surtout qu’ils connaissaient l'économie providentielle, c’est-à-dire qu’ils possédaient la gnose, source de salut. Irénée, Cont. hær., I, xxiv, 4, P. G., t. vii, col. 676-678. Ces renseignements, nous devons le constater, se trouvent en opposition complète avec ceux des Philosojihumena, VII, i, 27, p. 365-366, d’après lesquels ce qui regarde le Sauveur s’est passé, après son baptême, comme le raconte l'Écriture, c’est-à-dire que Jésus, pour accomplir son œuvre, a réellement souffert. Il y a là une contradiction, la seule à relever dans les sources, et dont la solution nous échappe.

Eschatologie.

La rédemption, au sens basilidien, c’est donc la restauration de l’ordre primitif, la remise de chaque élément à sa place, une àTtoxarâaTaat ;. Philos., VII, I, 27, p. 364. Alors Dieu plongera le monde entier dans l’ignorance pour que tout reste en accord parfait avec sa nature et son milieu et ne désire rien autre chose. En conséquence tous les êtres immortels par leur nature ne sauront plus rien de ce qui leur es supérieur et seront ainsi soustraits à tout désir irréalisable ou source de tourments. Le bonheur consistera dans cette ignoti nulla cupido ; il sera purement négatif. Par suite, la connaissance des mondes supérieurs, des trois u’tÔTr) ; et du Dieu-néant, entrevue à la lumière d’une révélation passagère, au moment de la rédemption, disparaîtra totalement et définitivement ; de telle sorte que l’unique avantage de cette singulière rédemption sera de soustraire désormais les éons, placés en dehors du monde supérieur, à tout sentiment de curiosité intempestive et à tout acte de témérité orgueilleuse. Nous sommes loin de la vision intuitive et du bonheur réservé aux élus dans la possession immédiate de Dieu, d’après l’enseignement de l'Église.

Morale.

Les Pères reprochent à Basilide

l’immoralité de son système. Irénée, Cont. hær., I, xxiv, 5, P. G., t. vii, col. 678. Saint Épiphane a honte d’en parler, Hær., xxiv, 3, P. G., t. xli, col. 312-313 ; saint Jérôme appelle Basilide un maître et un docteur en débauches. Adv. Jovin., ii, 37, P. L., t. xxiii, col. 335, et traite ses maximes de incredibilia porlenta. Cont. Vigil, 6, P. L., t. XXIII, col. 345. Cf. Epist., lxxv, 3 ; cxxxiii, 3, P. L., t. xxii, col. 687, 1150. Il est possible que le gnostique égyptien n’ait pas mérité personnellement ces reproches, mais à coup sûr son système a posé les principes d’où doivent découler nécessairement les pires pratiques. Son fils Isidore a été le premier à en déduire les conséquences les plus monstrueuses. Du moment que l'âme est élue par sa nature, antérieurement à son introduction dans le corps et abstraction faite de l’usage de sa liberté, elle possède naturellement et