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BASILIDE


irrémissiblement tout ce qui doit assurer son salut, la connaissance de Dieu, la lui, la gnose. Assurée de son salut, qui est une conséquence de sa nature, de son élection, elle n’a pas à s’inquiéter de son sort, elle peut pécher impunément. Clément d’Alexandrie, Strom., iii,

I, P. G., t. viii, col. 1 10t. La manducation des idolothytes, la satisfaction des appétits sexuels, la recherche des jouissances charnelles. Irénée, Cont. hser., I, xxiv, 5, P. G., t. vii, col. 678, ne tirent pas plus à conséquence que l’apostasie en temps de persécution ; Agrippa Castor, dans Eusèbe, II. E., iv, 7, P. G., t. xx, col. '.'Al ; tout cela est indifférent. Elle peut s’ahstenir de même des bonnes œuvres, en particulier des œuvres satisfactoires et du martyre. Clément d’Alexandrie, Strom., v, 1, P. G., t. ix, col. 13 ; Épiphane, Hser., xxiv, 4, P. G., t. xli, col. 313. Le mariage n’est pas considéré comme une œuvre de Satan ; c’est un simple remède à la concupiscence, dont on peut user ou s’abstenir sans inconvénient. Strom., ni, 1, P. G., t. viii, col. 1100. Du reste pour obtenir le bien, comme dit Isidore, il suffit de vouloir le faire. Strom., iii, 1, ibid., col. 1101.

Une morale aussi relâchée ne pouvait que recruter de nombreux adhérents dans les bas-fonds de la société. Présentée sous un appareil scientifique extraordinaire, elle était faite pour séduire les esprits enivrés d’euxmêmes qui aiment à se distinguer de la foule et à se regarder comme des êtres supérieurs, d’ordre à pari. Basilide traitait ceux qui ne partageaient pas sa doctrine de ûeç et de xûve ;. Épiphane, Hser., xxiv, 5, P. G., t. xii, col. 313. Connaissant bien son époque et tout ce qui intéressait et captivait les esprits de son temps, il sut pratiquer la magie, les incantations et les invocations ; Irénée, Cont. hær., I, xxiv, 5, P. G., t. vii, col. 678 ; Épiphane, Hser., xxiv, 2, P. G., t. xli, col. 309 ; il se servait d’amulettes ; voir AliRAXAS, t. I, col. 121-124 ; tout cela pour séduire les simples et à titre d’appât. Il cherchait surtout à piquer la curiosité, en s’entourant de mystère, en pratiquant l'ésotérisme, en ne communiquant sa doctrine que dans le plus profond secret. Il imposait à ses disciples un silence de cinq ans, comme dans l'école pythagoricienne, ne les amenant que peu à peu et, sans doute, à travers plusieurs degrés d’initiation, à la révélation finale de la gnose. « Connaissez tout le monde et ne vous laissez connaître par personne. » « Ne révélez le secret qu'à un ou à deux sur dix mille. » Irénée, Cont. hær., I, xxiv, 6, P. G., t. vil, col. 679 ; Épiphane, //* ;., xxiv, 5, P. G., t. xli, col. 313 ; Eusèbe.

II. E., iv, 7, P. < :., t. xx, col. 317. Clément d’Alexandrie nous signale une de leurs fêtes, l’anniversaire du baptême de Jésus, qu’ils célébraient par une veille prépatoire, passée dans la lecture. Strom., i, 21, P. G., t. vin, col. 888. C'était sans doute en souvenir du jour de l’illumination de Jésus.

IV. Critique du système.

Le système de Basilide peut passer à juste titre pour un délire d’imagination. Il pèche par beaucoup d’endroits et abonde, comme on a pu le voir, en erreurs et en contradictions. Les Pères en ont signalé quelques-unes. C’est ainsi, par exemple. que saint Irénée en a fait ressortir la folie et la faillisse, selon la remarque de saint Épiphane, Hær., xxiv, 8, /'. < ;., t. XLI, col. 316 ; il en a ('gaiement condamné l’immoralité. Au point de vue spécial de l'œuvre rédemptrice, il acculait le novateur égyptien à ce dilemme : ou c’est Simon de Cyrène qui a été crucifié' et

des lors ne prétendez pas que c’est le Christ qui a sauvé'

l’homme ; un c’est le Christ qui a sauvé l’homme et dès lors c’est lui qui a réellement souffert. Ibid., col. ol7. I.e docétisme supprime la rédemption et la rédemption condamne le docétisme. Clément d’Alexandrie a réfuté en particulier l’enseignement de Basilide sur la préexistence, la prédestination et la nature de l'âme, ou plulùl de certaines âmes ; il a montré, d’une part, qu’en

accordant à l'âme, en vertu de sa propre nature, l'élection, la connaissance de Dieu, la foi et la gnose, le rôle du Sauveur devient inutile, et d’autre part, qu’en déclarant nécessaire l’avènement du Sauveur, la prérogative d’une élection antérieure à l’introduction de l'âme dans le corps et indépendante de l’usage du libre arbitre n’a plus sa raison d'être. Strom., v, 1, P. G., t. ix, col. 1315. Il a combattu aussi la théorie sur le martvre. Strom., iv, 12, P. G., t. viii, col. 1293-1295. L’auteur des Philosophumena, se plaçant au point de vue philosophique, a surtout insisté sur la parenté du système avec l’enseignement aristotélicien, en montrant que les sophisme* de Basilide ne sont que des emprunts faits à Aristote, Philos., VII, I, 14, p. 336, et quant au sens et quant aux termes. Philos., VII, i, 20, p. 313. Enfin, saint Epiphane a remarqué la dépendance du système de Basilide avec celui de ses prédécesseurs, Simon, Ménandre et Satornilus, qui sont très amplifiés, il est vrai, et comme noyés sous des images fantastiques et dans des songes fabuleux. Hær., xxiv, 1, P. G., t. xl i r col. 309.

Au fond, malgré son apparence d’originalité et tout ce qui le distingue des autres gnostiques, Basilide a subi la mode de son temps qui était au syncrétisme. Son système n’est qu’un mélange de données chrétiennes et philosophiques, où se reconnaissent beaucoup plus les dogmes d’Aristote que ceux du Christ, comme disent les Philosophumena, VII, i, 14, p. 336, 'Apinzo-ilo-j ; Sô-fixa-ra o’j Xp : <jTo0, et où se retrouvent des inlluences indéniables soit de l'école pythagoricienne, Irénée, Cont. hær., I, xxiv, 7, P. G., t. vii, col. 679 ; Épiphane, Hær., xxiv, 7, P. G., t. xli, col. 316, soit la philosophie orientale. Quelques idées, telles que l’idée du Dieu-néant, du fils des Archons plus grands que leurs pères, de l’ignorance finale, plus particulières à Basilide, semblent lui appartenir en propre ; il n’en est rien. Elles lui viennent de l’antique Egypte, surtout du mythe d’Osiris et d’IIorus, tel qu’il est décrit par Plutarque, De Isideet Osiride, xii-xix, édit. Dubner, Paris, 1841 ; c’est ce qu’a démontré M. Amélineau dans son Essai sur le gnosticisme égyptien, Paris, 1887. Le système de Basilide se réduit donc de la sorte à un vaste syncrétisme, où l’innovation a peu de part, mais où, en revanche, l’imagination, une imagination puissante, est presque tout.

V. Les basilidiens.

Etant donne ; que chaque disciple, par un excès d'émulation, cherchait à taire œuvre nouvelle et à dépasser son maître, il est difficile de faire la part exacte de ce qui appartient en propre à Basilide et de ce que ses disciples y ont ajouté. A n’accepter, comme l’a fait Hort, dans le Diclionarij of Christian biography, que la donnée des Philosophumena, pour y voir la pensée exclusive du chef, il ne faudrait retenir que l’Ogdoade et l’Hebdomade, et mettre sur le compte des disciples les 365 cieux avec Abrasax, ainsi que le rôle spécial attribué au dieu des juifs, et les conséquences immorales. Mais c’est négliger les renseignements desaint Irénée et prèteraux Philosophumena, une distinction entre le maître et les disciples, qui n’est pas nettement caractérisée. Les Philosophumena rapportant, en effet, le système de Basilide et de ses disciples, parlent de l’Ogdoade et de l’Hebdomade et aussi des 365 cieux et d’Abrasax, sans spécifier si ces der niers sont une addition au système primitif, due exclusivement aux basilidiens.

Basilide n’eut pas la vogue de Valentin ; il compta moins de disciples célèbres, devenus à leur tour chefs de sectes. Son fils Isidore est le seul qui nous soit connu au Ile siècle. Toutefois son influence se lit longtemps sentir. Quoique confinée à l’Egypte, sa secte survécut. Saint Épiphane la trouva encore vivante au IVe siècle dans le Delta du Nil. Saint Jérôme signale son infiltration chez les priscillianistes d’Espagne. Et Sulpico

Sévère attribue l’importation de la gnose basilidienns