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BONAVENTURE (SAINT)


et qui le poussa à embrasser la vie des frères mineurs. Cf. Epist. de tribus qusest., n. 13, S. Bonaventurse Opéra omnia, Quaracchi, t. viii, p. 336. Quant à la date de son entrée dans l’ordre, les historiens ne sont pas d’accord. Les uns pensent qu’il a pris l’habit en 1243-1244. Cf. Acta sanctorum, Yita S. Bonaventurse, % 3, il. 26, julii t. iii, p. 816 ; Analecta bollandiana, t. xxii, p. 361. Les autres estiment que cette opinion est inadmissible et le font entrer au noviciat en 1238. Cf. Prosper de Martigné, La scolastique et les traditions franciscaines, Paris, 1888, p. 79 sq. ; S. Bonaventurse Opéra omnia, Quaracchi, t. x, p. 40 sq. Le couvent où il a fait son noviciat est inconnu. Ce qui est certain, c’est que Bonaventure vint bientôt à Paris où il a eu l’avantage d'être assez longtemps lediscipled’Alexandrede Halès, qu’il appelait plustard son pèreet son maître, pater et magister noster. In 1 VSent., 1. II, dist. XXIII, q. ni. Use distingua parmi les nombreux disciples d’Alexandre, qui reconnut en lui un saintet une lumièrefuturedeson ordre, et qui dit un jour de lui : « Il semble qu’Adam n’a pas péché en lui. » Chronicon XV ministrorum generalium, dans les Analecta franciscana, Quaracchi, 1897, t. iii, p. 699. C’est encore le docteur irréfragable, mort en août 1245, qui le fit admettre à la licence, selon le témoignage du bienheureux François de Fabriano. Cf. Prodromus ad Opéra omnia S. Bonaventurse in typ. Bassanensi, 1767, p. 64. Cependant, au dire de Salimbene, Chronica, Parme, 1857, p. 129, il était bachelier en 1248, lorsque le bienheureux Jean de Parme, élu ministre général en août 1247, lui concéda la faculté d’enseigner à Paris. Dès lors Bonaventure expliqua le livre des Sentences de Pierre Lombard et l'Écriture sainte, et c’est à peu près à cette époque qu’on doit placer l’origine de la plupart de ses ouvrages théologiques et de son commentaire sur l'Évangile de saint Luc. A l’université de Paris, Bonaventure acquit bien vite les suffrages de tous les auditeurs, qu’il attirait autour de sa chaire par ses talents extraordinaires unis aux vertus les plus élevées.

A l’enseignement de la théologie et des saintes Écritures il joignait l’exercice du ministère apostolique. Durant toute sa vie il ne négligea aucune occasion d’annoncer la divine parole. Il prêchait fréquemment, tantôt au peuple, tantôt au clergé ou à ses confrères. Il prêcha aussi en présence des souverains pontifes, Clément IV, Urbain IV, Grégoire X, des cardinaux, des rois de France et des plus illustres docteurs de l’université. Nous savons par les titres de ses sermons qu’il a parlé dans plusieurs églises d’Allemagne, d’Espagne, d’Italie et de France, mais c’est à Paris, la ville qui fut sa résidence ordinaire même après son élection à la charge de ministre général, que ses prédications furent les plus fréquentes. Quand il annonçait la parole divine, il parlait avec simplicité, clarté et onction, et l’admiration de ses contemporains le proclamait le premier prédicateur de son siècle.

Pendant que Bonaventure enseignait à Paris, l’ordre de saint Dominique était représenté à l’université par un docteur non moins illustre, par saint Thomas d’Aquin. Ces deux grands docteurs, nonobstant la diversité de leurs idées, contractèrent une amitié étroite. Ces deux lumières de l'Église n’eurent pas seulement l’honnetir d’exposer la doctrine théologique, ils durent encore l’un et l’autre défendre vaillamment les ordres religieux. Au moment même où les maîtres des deux familles de saint Dominique et de saint François illustraient l’université, plusieurs professeurs séculiers voulaient les exclure de l’enseignement. L’opposition qui éclata en 1252 fut d’abord dirigée directement contre les prêcheurs. En 1254, VEvangelium selernum de Gérard de Burgo San-Donnino des frères mineurs provoqua la lutte contre les franciscains et donna occasion à Guillaume de Saintvmour d’attaquer avec violence les ordres mendiants dans son pamphlet De periculis novissinwrum temporum.

C’est alors que Bonaventure écrivit son excellent traité apologétique De paupertate Christi, conservé dans ses Qusestiones disputatæ. Bonaventure et Thomas triomphèrent dans cette lutte, et Alexandre IV condamna le libelle de Guillaume de Saint-Amour et le fit brûler le 5 octobre 1256. Cependant, ni la réfutation des docteurs les plus illustres, ni la condamnation du souverain pontife n’aboutirent à mettre un terme à ces controverses, qui donnèrent encore occasion à saint Bonaventure d'écrire d’autres ouvrages apologétiques, par exemple son Apologia pauperum, et empêchèrent quelque temps encore saint Thomas et saint Bonaventure de conquérir le titre de maître en théologie. L’université finalement dut acquiescer aux injonctions réitérées du pape et procéda à l’installation de Thomas et de Bonaventure comme docteurs le 23 octobre 1257. Cf. S. Bonaventurse Opéra omnia, t. x, p. 45 sq.

Ces luttes funestes avaient amené l’interruption des cours de l’université en 1255. Nous n’avons pas de renseignements sur la vie de saint Bonaventure à cette époque. Nous pouvons toutefois conjecturer qu’il poursuivit son enseignement dans le couvent de l’ordre à Paris. Mais bientôt les grandes qualités dont il était orné l’enlevèrent à l’enseignement. Le '2 février 1257, le bienheureux Jean de Parme, ministre général de l’ordre, se démit de sa charge dans un chapitre convoqué à Borne, et Bonaventure, n’ayant pas encore 36 ans, fut élu pour lui succéder. Il se trouvait alors à Paris, d’où il écrivit sa première lettre pastorale, le 23 avril de la même année. Des affaires graves l’appelèrent en Italie, où il arriva probablement dans l'été suivant. Il s’agissait de la cause de son prédécesseur qu’on accusait de s'être laissé séduire par les doctrines de l’abbé Joachim. Les historiens ne nous renseignent pas sur les détails du procès ; nous savons cependant que le bienheureux Jean de Parme fut reconnu innocent. Wadding, Annales minorum, ad an. 1256, n. 17.

Dans ses fonctions de ministre général d’un ordre nombreux, Bonaventure déploya une telle activité qu’il a pu être considéré à bon droit comme le second fondateur de l’ordre. Il fit divers voyages, visitant lui-même les provinces de l’Italie, de la France et de quelques parties de l’Allemagne ; il réunit six chapitres généraux dans lesquels il réforma les abus contraires à la règle et surtout à la pauvreté, il régla quelques questions de liturgie, et perfectionna le gouvernement et l’organisation de l’ordre par la revision des constitutions générales et la délimitation des provinces. Il se concilia l’amour et l’admiration par sa prudence, sa bonté et sa sainteté.

Après avoir obtenu à Paris le titre de maître en theogie le 23 octobre 1257, il assista en 1258 à la fondation de l’hospice de Pise. Il retourna à Paris et se dirigea en 1259 vers le mont Alverne où il écrivit son Itinerarhtm mentis in Deum. L’année suivante il réunit le chapitre général de Narbonnc, dans lequel il rédigea les nouvelles constitutions de l’ordre. Les Pères de ce chapitre, pour pacifier les frères et édifier le peuple, supplièrent Bonaventure d'écrire l’admirable vie de saint François. Sur leurs instances il se rendit en Italie, et afin de se procurer des renseignements plus certains, il parcourut en 1260 les lieux illustrés par la présence du saint, et interrogea les disciples qui lui avaient survécu. Cf. Legenda S. Francisci, prol., S. Bonaventurse Opéra omnia, Quaracchi, t. viii, p. 555, note 4. A cette occasion il assista, au mois d’août, à la consécration de l'église Notre-Dame des Anges sur le mont Alverne et, en octobre, à la translation de sainte Claire à Assise. Betourné à Paris, il écrivit la Légende de saint François, père et modèle des frères mineurs. En 1263, Bonaventure alla à Borne, assista en avril à la translation de saint Antoine de Padoue et présida, le 20 mai, le chapitre général de Pise. Dans ce chapitre il s’occupa de la division des provinces, des