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BULGARIS


lettres et la philosophie, et ses cours attirèrent bientôt jusqu’à 200 élèves. Mais un revirement soudain se produisit à son égard dans l’âme de Cyrille V, qui, déchu de son siège patriarcal et relégué au mont Athos (1757), sema la discorde parmi les élèves du docte professeur, et força celui-ci à quitter son enseignement. Ce fut en cette occasion que Bulgaris adressa à son persécuteur une longue lettre apologétique, où, après avoir énuméré les vexations qu’on lui avait infligées, il s’écrie : « Pour l’académie de l’Athos, j’ai dépensé ma vie, j’ai sacrifié ma santé, j’ai dissipé ma fortune. Que fallait-il faire pour ma vigne que je n’aie pas fait ? J’ai assez patienté pour la voir donner le raisin de la reconnaissance : mais par malheur, je n’y ai récolté que les épines de l’ingratitude. Que le Seigneur juge entre moi et cette vigne et que Votre Toute Sainteté à ^’avenir soit plus bienveillante à mon égard. » jEnian, 2u).).oyr, àvexSÔTwv <rjyypa|j.[j.âTajv Eùyevt’ou to-j BovXyàpso) ;, Athènes, 1838, t. I, p. 64. Chassé de la Sainte-Montagne, Eugène émigra à Salonique, et en 1761 à Constantinople, où le patriarche Samuel et le saint-synode lui confièrent la chaire de philosophie et de mathématiques à l’académie ou école patriarcale. En butte à de nouvelles calomnies, et de plus suspect au patriarche Samuel à cause de ses innovations en fait de méthodes d’enseignement, il renonça à sa chaire et partit pour Leipzig (176Ô). Il y édita (1766-1767) en grec ancien un traité de logique et ses éléments de mathématiques, et traduisit un gros moderne YEssai historique et critique sur les dissensions des Églises de Pologne, par Voltaire. En 1769, nous le trouvons à Berlin à la cour de Frédéric II, qui le prit sous sa protection et le recommanda à Catherine II de Russie. Celle-ci le chargea de traduire en grec moderne son Instruction pour la Commission appelée à dresser le projet d’un nouveau code de lois. Bulgaris s’en acquitta avec honneur. Catherine II l’appela alors à Saint-Pétersbourg et le nomma bibliothécaire impérial (1771). Par ses adroites flatteries, il entra tellement dans les bonnes grâces de l’impératrice, que celle-ci résolut de l’élever aux plus hautes dignités de la hiérarchie. En 1775, étant encore diacre, il fut appelé à gouverner la nouvelle éparchie de Slavinie-et-Cherson que Potemkine, favori de Catherine II, venait de fonder en Crimée. Il reçut la consécration sacerdotale (30 août 1775) et épiscopale (1 er octobre 1775) des main. ? du métropolite Platon.’E/.-/.).ïiTia’7Tixï)’AXr^g’.a, t. iv, p. 387-388.

En même temps, l’Académie impériale de Saint-Pétersbourg l’inscrivait au nombre de ses membres ordinaires, et Catherine II lui conférait la croix de l’ordre de Saint-André.

Au faite des honneurs, Eugène Bulgaris, qui ne se sentait pas de taille à exercer le ministère épiscopal, pria l’impératrice de confier son éparchie à son ami Nicéphore Théotokis (1736-1800), qui possédait à fond le russe. Rendu à la liberté, il demeura longtemps à Cherson et y traduisit en vers grecs les Géorgiques et Y Enéide de Virgile. Rentré à Saint-Pétersbourg, il s’adonna de préférence à l’étude de la théologie, et publia en grec des œuvres de controverse et d’exégèse. Dans son extrême vieillesse, il s’était retiré au couvent d’Alexandre Newski, où la mort vint le surprendre le 1-2 juin 1806, à l’âge de 89 ans.

Eugène Bulgaris, dit un de ses biographes, avait un esprit universel : on le considère à bon droit comme l’homme le plus savant de la Urèce moderne. Les historiens de la littérature néohellénique ne tarissent pas d’éloges sur son compte. Au dire de Chassiotis, c’est Bulgaris « qui a donné, par l’étendue de sou génie, une impulsion réelle aux sciences, et qui a introduit les nouveaux systèmes de philosophie ainsi que les méthodes d’enseignement les meilleures et les plus complètes, qui a créé chez nous, pour ainsi dire, l’enseignement raisonné » . Selon Coray, « il a été un de ceux qui oui

contribué le plus efficacement à la révolution morale de l’hellénisme. » Koumas l’appelle un nouveau Platon ; Rizos Neroulos, un génie d’une souplesse merveilleuse ; Élie Tantalidès, un écrivain admirable, un professeur éminent, un évêque glorieux : « Quand il parlait, s’écrie /Enian, on croyait entendre Aristpte développant les principes de Newton, ou Descartes exposant les théories de Platon. Lorsqu’il montait en chaire, on pouvait le comparer à Démosthène expliquant l’éthique surnaturelle et divine du saint Kvangile. Ses nombreux et très érudits commentaires prouvent bien qu’il a été sans contredit le Plutarque de nos jours. »

Ce sont là, on le voit bien, des éloges pompeux de rhéteurs. A notre humble avis, l’œuvre d’Eugène Bulgaris ne passera pas à la postérité. Elle est déjà en grande partie presque oubliée. Bulgaris était réellement un esprit très souple : à la connaissance des langues étrangères, il associait une étonnante facilité de travail, et une grande érudition, mais touffue et dépourvue de critique. Son rôle littéraire a été bienfaisant pour l’hellénisme. Ses cours très fréquentés ont été comme le prélude des guerres de l’indépendance. Mais cela dit, il faut bien reconnaître que Bulgaris n’a pas été un de ces écrivains originaux qui marquent dans l’histoire d’une littérature.

Le plus clair de son œuvre consiste en traductions très laborieuses. Il a vulgarisé dans les milieux hellènes les systèmes philosophiques de l’Occident, et, disons-le, pas les meilleurs. La scolastique, il l’a toujours abhorrée, comme cela est de bon ton chez les Grecs lettrés. La théologie de l’Occident, il l’a toujours détestée, et à différentes reprises, il s’est efforcé d’acérer contre elle ses dards inolfensifs. Les Grecs de la Grande Église le considèrent comme le meilleur théologien de son temps, et cependant ses épais volumes sont vides d’idées neuves et originales. Sa polémique n’est pas savante. Dans un style terne, aux fausses allures classiques, il réédite ce qu’on trouve dans les in-folios de Nectaire (1605-1680) et de Dosithée de Jérusalem (1641-1707). Il a la prétention de combattre l’Église latine, et il y dépense en pure perte une vaste érudition délayée en diatribes violentes. Le catholicisme aurait fait de lui un défenseur intrépide du dogme chrétien, car il était de taille à se mesurer avec l’impiété. Le rigorisme outré et sans conclusion de la théologie orthodoxe a vite épuisé ses talents, et rétréci son esprit. Il en fut réduit à reprendre le galimatias de ses devanciers, et à montrer une fois de plus que « la littérature théologique, par un défaut inhérent à l’esprit même de l’Église grecque, ne peut être aussi féconde en (ïrèce que dans d’autres pays chrétiens » . Rangabé, Histoire littéraire de la Grèce moderne, Paris, 1877, t. i, p. 217-218.

II. Œuvres tiiéologiques. — Nous n’avons pas une liste complète des œuvres imprimées et inédites d’Eugène Bulgaris. De ces dernières, on en trouve un peu partout, aux bibliothèques de l’école théologique de Ilalki ; du metochion du Saint-Sépulcre à Constantinople, des lauresde Patmos et du mont Athos, Lambros, Catalogue of the greek manuscripls on mount Athos, Cambridge, 1895, t. i ; 1901, t. n ; des académies théologiques de Saint-Pétersbourg et de Kiev. Jkonnikov, Essai de bibliographie russe, Kiev, 1891, p. 731, 752. Nous nous bornons à citer tout ce qui a paru jusqu’ici et qui rentre dans le cadre de notre programme. C’est à dessein que nous écartons les ouvrages profanes, qui d’ailleurs se réduisent à des manuels d’enseignement, ou à des amusements d’humaniste.

1° BtëXlàpiov -xarà AaTi’vwv r <rrï)XiTe<j-iy.Y| c.tkjtoXyi cr’JYYpaçeïtra Tra^à-oO àxoiStp.ou. Kuyevcou to0 BouXyatpeioç y.ai auvT<5[j.wv à7TapiÛp.<rj<Ta Ta ; Aan’vwv (xt’av Trpb ; p.iav y.aivoT0(/.c’x ;. — C’est un des pamphlets les plus acerbes contre L’Église catholique. Bulgaris se moque de la science du clergé occidental, 8 Si les prêtres latins