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CRÉATION

El. Farabi iy 950) avail ramené la philosophie arabe vers la théorie de l’émanation ; Avicenne (fl036) admit avec une procession analogue des êtres la coexistence éternelle de la matière. Le Premier produit lepremier causé ; la connaissance qu’il en a produit une intellioouvelle, etc. De l’intellect agent, la dernière engendrée des intelligences pures, découlent toutes les formes substantielles qui vont informer la matière. Cf. Carra de Vaux, Avicenne, Paris, 1900, p. 247 sq. La création semblait à Averroès († 1198) une conception bonne tout au plus pour le vulgaire : omnia isla suni existimationes vulgares value sufficientes secundum cursum secundum quem nutriuntur homines ineis, non secundum sevmonem sufficienles. Cité par Mandonnet, op. cit., Introd., p. clviii. Il énumère six étages de causes : a) Dieu, b) les intelligences premières, c) l’intellect agent, d) l’âme, e) la forme, f) la matière : Quod est in primo gradu liai ! potest esse plura… ; quse autem sunt inaliis sunt plura. Cf. Averrois Cordub. Opéra, in-fol., Venise, 1550, t. îx, fol. 66.

Contre le dualisme arabe prennent position deux docteurs juifs. Avicebron (vers 1050) dans son Funs vitse professe le panthéisme émanatif : à l’origine procèdent de Dieu une matière et une forme, principes universels d’où s’engendrent par de multiples degrés et par combinaison de formes et de matières secondaires tous les êtres. Maimonide († 1204) admet aussi une hiérarchie des sphères. Très proche d’Averroès en plus d’un point, il se sépare de lui en niant l’éternité du monde. Ses principes sur l’accord de la science et de la foi le rapprocheront des docteurs scolastiques qui tantôt le combattent et tantôt lui font des emprunts. A l’opposé de cette tendance concordiste, Siger de Brabant propose la doctrine des deux vérités : on peut tenir une proposition comme vraie suivant Aristote et la science, et comme fausse suivant la foi. Il est avec Boèce le Dace et Bernier de Nivelles le principal champion des doctrines averroïstes au xiiie siècle. Cf. Mandonnet, op. cit.

L’histoire de ces luttes a déjà été signalée ici. Voir Aristotélismk, t. ii, col. 1882 sq. ; Augustinisme, col. 2506 sq. En 1210, décret de Pierre de Corbeil, cf. Denille, Chai tidarium, t. i, p. 70 ; en 1215, celui de Robert de Courçon, ibid., p. 79 ; en 1241, condamnation de 10 articles par Guillaume de Paris, ibid., p. 170 sq., n. 128, cf. n. 130 ; articles transcrits par saint Bonaventure, In IV Sent., 1. II, dist. XXIII, a. 2, Quaracchi, t. ii, p. 547. En 1270, treize articles averroïstes sont censurés par Etienne Tempier. Denille, op. cit., n. 432, p. 486, et note, p. 487. Le 5e affirmait l’éternité du monde, le 6e l’éternité des générations humaines, nunquam fuit primus homo. Probablement un peu avant celle condamnation, Cilles de Rome, cf. Mandonnet, 033. cit., p. cxxi, cxxiv, les avait signalés à Albert le Grand en indiquant les principes erronés qui les inspiraient : rien ne devient que par une mutatio proprie dicta ; or tout changement proprement dit exigeant pour cause un mouvement proprement dit, le monde et le mouvement lui-même ne pouvaient être qu’éternels. Op. cit., appendice, p. 5 sq. Le 7 mars P277, proscription de 219 propositions classées dans le plus grand désordre, dont un bon nombre concernent le problème cosmologique : a) éternité du monde, b) création des êtres inférieurs par l’intermédiaire dis supérieurs, c) restriction de la liberté divine aux seules choses qui de fait se produisent, ih émanation nécessaire de l’intelligence première, e) négation de la création proprement dite ex nihilo. Denille, « /> cit., p. 543 sq. La censure portée à Oxford quelques jours plus tard, 18 mars, ne contient rien sur l’éternité du monde, mais elle vise comme la précédente plusieurs thèses de l’école albertino-thomiste.

C’est une victoire de I’augustinisme, ibid., p. sis partisans avaient été moins heureux, ce semble, in 1270. Mandonnet, <</’cit., p. cxxiv. Il est important de le noter : ce n’est donc pas sande vives contradictions que l’aristotélisme prit une telle impoii dans la scolastique.

2. La synthèse scolastique.

Il ne semble pas que l’explication rationnelle des dogmes ait perdu au rude choc de l’averroîsme. Comparer, même à titre provisoire, l’épaisseur matérielle des volumes, est un critère trop insuffisant. Picavet, op. cit., p. 211. Il y a lieu de rechercher surtout si le progrès formel il’la méthode et des doctrines est en proportion. Nous le tenterons pour le dogme présent.

La réponse ne semble guère douteuse : 1. Tout d’abord, la difticulté de la question des origines aux yeux de la raison naturelle est sentie comme elle le mérite. Que l’on compare, par exemple, Pierre Lombard, Sent., 1. II, dist. I, c. 1, P. L., t. CXCII, col. 651 ; cf. sur l’origine du texte, S. Bonaventure. Opéra, Quaracchi, t. n b, note 5, avec Albert le Grand. In IV Sent., 1. II, dist. I, a. 1, Opéra, in-fol.. Lyon, 1651, p. 3 sq. Il s’agit de savoir si le principe des choses est un ou multiple. Moïse, répond Pierre Lombard, « écrase l’erreur » avec Gen., 1, 2. elid errorem quorumdam, et la question est expédiée en quelques mots. A voir Albert discuter toutes les opinions des philosophes sur le sujet, il est permis de lui prêter une pointe de critique, quand il écrit, reprenant l’expression : utrum error manichseorum… bene elidatur a Magistro. Même remarque pour Alexandre de Ilalès. Les philosophes pouvaient-ils par la raison naturelle connaître la création ? Poliiissent, dit-il, si idtra materise considerationem progressi essent. Summa, part. II. q. VI, m. 11, a. 6, in-fol., Cologne. 162 - J. p. 18. Saint Bonaventure, le Bienheureux Albert, saint Thomas seront moins tranchants. La constatation est peut-être plus frappante si l’on considère le problème de la limite. Cette difficulté, l’une des plus graves qu’on puisse élever, n’est pas touchée par Pierre Lombard, Sent-, 1. I, dist. VIII, n. i sq., P. L.. t. cxcii, col. 544 sq. ; Alexandre de Halès la sent à peine, op. cit., part. IL q. xii. m. ii, a. 1, p. 35. Saint Bonaventure commence à l’apprécier à sa valeur : difficile est intelligere. In IV Sent., 1. II. dist. 1, p. ii, a. l, q. 1, t. ii, p. 40. — 2. Les problèmes étant mieux compris, les discussions sont plus sérieuses : ainsi cette question de la limite est-elle envisagée sous toutes ses faces par Albert le Grand, saint Bonaventure. saint Thomas : cause exemplaire de la multiplicité, de la composition, de la matière prime, du mal lui-même, et les solutions vont se perfectionnant. Les nécessités de la controverse et l’usage méthodique de Vaporie aristotélicienne, du videtur quod non, cf. de Wulf, Introduction « la philosophie néo-scolastique, ïji-8°, Louvain, 1904. p. 40, notes 1 et 2, devaient ainsi ménager un progrès dont une revue rapide permettra de juger. Nous signalerons avec quelques détails dans l’exposé dogmatique qui suit les arguments principaux de l’Ecole.

a) Cause efficiente. — Au sommet des choses Dieu. « l’Être qui est » de l’Exode, celui que les Pères ont u dans le Timée, le Bien de Plotin et du pseudo-Denys, le moteur immobile et l’acte pur d’Aristote, au-dessus de toute espèce et de tout genre, rigoureusement innommable d’un nom propre et inconnaissable d’une connaissance adéquate. Cf. S. Thomas, Comment, in Dionys., prolog.. Paris, t. xxix, p. 374. Aucun terme créé ne peut s’appliquer à lui que par analogie. Cf. Lessius. De perfect. moribusque divinis, 1. I. c. 111. n. 16 sq., in-fol.. Lyon, p.."> sq. ; de San, De Deo uno, i Il S. Louvain, 1894, t. 1, p. 231-262, note ; Sertillanges, dans la Renie du cle » -gé français, 1905, p. 317. 318.