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DONS DU SAINT-ESPRIT

rien à soi-même,
c) Enfin, la chose donnée doit être la propriété du donateur et devenir par l’effet du don la propriété du bénéficiaire.

2. Le don est essentiellement gratuit. C’est son caractère propre. Donum est datio irreddibilis, dit saint Thomas, Sum. theol., Ia IIæ, q. lxviii, a. 1, obj. 3a traduisant ainsi ce passage des Topiques d’Aristote : ἐστι δὲ ἡ δόσις γένος τῆς δωρεᾶς· ἡ γὰρ δωρεὰ δόσις ἐστὶν ἀναπόδοτος, datio non restituenda. Topic, 1. IV, c. iv, n. 12. Ce n’est pas qu’un don ne puisse être la matière ou l’occasion d’une compensation. Il est seulement dit qu’il est dans sa nature de n’en pas viser. Par ce caractère désintéressé le don diffère des concessions de propriété à titre onéreux comme la vente, le salaire, la rançon, etc.

3. Le don doit être absolument bénévole. Sa gratuité ne s’explique que par un amour de bienveillance. D’où la raison de premier don convient à l’amour. Cette priorité est la priorité qui convient à la cause proprement explicative de tout un ordre de choses. On veut dire que tout don, vraiment digne de ce nom, suppose que l’on a auparavant donné de « son cœur » , comme l’on dit, c’est-à-dire sa bienveillance. Amor habet rationem primi dotii, per quod omnia dona gratuita donantur. S. Thomas, Sum. theol., Ia, q. xxxviii, a. 2. La relation à un amour donateur est un élément essentiel et constitutif du don. C’est pourquoi les faveurs, les grâces, et tout ce que rend le mot latin munus, bien qu’impliquant, comme le don, la concession gratuite d’une propriété, diffèrent du don en ce qu’ils peuvent procéder d’autres motifs qu’une libéralité absolument spontanée, par exemple, d’une loi, de la volonté d’autrui, de la coutume. Le don est purement et simplement constitué comme don par un rapport aux initiatives, aux préférences de l’amour.

Corollaire : La réalisation effective de la donation n’est pas nécessaire au don. Donum n’est pas datum. Le don peut être dit don avant d’être donné. Ce qui le constitue, c’est l’aptitude à être donné qui lui convient en vertu de la destination que lui confère une volonté déterminée, bénévole et toute libérale. Pierre Lombard, Sent., l. I, dist. XVIII ; cf. S. Thomas, ibid., a. 2 ; Sum. theol., Ia, q. xxxviii, a. 1, ad 4um ; Pierre de Tarentaise, In IV Sent., ibid., a. 3 ; Alain de Lille, Distinctiones dictionum theol., § Donum, P.L., t. ccx, col. 774. Ces notions conduisent immédiatement à l’intelligence des dons divins.

Les dons de Dieu.

Toutes les perfections des créatures peuvent être considérées comme des dons de Dieu, car Dieu a sur elles un souverain domaine et une pleine autorité ; il peut les donner quand il veut et à qui il veut. Et comme ce n’est pas par intérêt, mais par un pur effet de sa bonté, que le créateur distribue aux créatures leurs perfections, celles-ci doivent être considérées comme des libéralités gratuites : toutes les choses créées sont des dons de Dieu. Cf. S. Thomas, Sum. theol., Ia, q. xxi, a. 4.

L’essence divine, à l’extrême opposé, ne saurait être matière à don. Elle ne peut être distinguée du Dieu donateur, ni se séparer de lui. Si elle est dite donnée au Fils par le Père, c’est là un don naturel et non volontaire. S. Thomas, In IV Sent., l. I, dist. XVIII, a. 2. Il en est de même de la personne du Père. Elle est pur principe et ne saurait être conçue comme se détachant d’elle-même. Le Fils procède du Père, non par mode volontaire, mais naturellement et par génération intellectuelle. Il n’a donc pas personnellement la relation indispensable qui relie le don à un principe volontaire. Sans doute, il a été envoyé, missus, et l’on a pu dire qu’il nous a été donné, datunt. Mais datum n’est pas l’équivalent de donum. Il signifie la concession effective, non l’essence du don. Et, de fait, si le Fils nous est donné par amour, car sic Deus dilexit mundum ut Filium suum unigenitum daret, Joa. iii, 16, l’amour n’est pas le motif unique de sa mission. Il est image, il est rédempteur, et, en cette double qualité, nous est envoyé pour manifester son Père et pour nous racheter, idées qui n’appellent pas celle de don. La relation d’origine volontaire est caractéristique du seul Saint-Esprit. Antérieurement à toute donation effective, ab æterno, il est comme destiné, par la nature de son origination, à être donné, il est Don. Ce nom partage avec le nom d’Amour la prérogative d’être son nom propre, personnel. S. Augustin, De Trinit., l. IV, c. xx, P. L., t. xlii, col. 900 ; l. V, c. xv, col. 921 ; Pierre Lombard, Sent., l. I, dist. XVIII ; S. Thomas, 'In IV Sent., ibid., q. i, a. 2, In corp., ad 1um, 2um. Voir Esprit-Saint.

Les dons du Saint-Esprit.

L’amour, avons-nous dit, est le premier don. Le Saint-Esprit, procédant par mode d’amour, a donc tout ce qui est requis pour être le premier don divin. C’est pour cela que saint Augustin dit, De Trinitate, l. XV, c. xix, P. L., t. xlii, col. 1084, que par le Don qu’est le Saint-Esprit, de nombreux dons particuliers sont partagés entre les membres du Christ. Cf. S. Thomas, loc. cit., a. 3. Quels sont ces dons particuliers ?

Ils sont de deux sortes, correspondantes aux deux acceptions dont sont susceptibles les mots : par le Don dans le texte de saint Augustin qui vient d’être cité. Le premier Don, que la préposition par désigne comme la cause des autres dons divins, peut être considéré ou bien comme étant encore en Dieu ou bien comme étant déjà dans les bénéficiaires, ut notat causant ex parte dantis, rel ex parte recipientis. Dans le premier cas, le sens est celui-ci : c’est parce que Dieu aime sa créature qu’il lui donne ses dons. Cf. Sum. theol., Ia, q. xxxvii, a. 2.

Dans le second cas, le sens est : c’est grâce à la réception en nous du don de l’Esprit-Saint, amour substantiel de Dieu, que nous recevons les autres dons. Selon le premier sens, tous les dons de Dieu sont dits dons du Saint-Esprit, car tous sont donnés par une gratuite libéralité. Ratio autem liberalis donationit est amor, qui secundum Dionysium, movet superiora ad provisionem minus habentium. Et quia Spiritus Sanctus est amor, ideo ipse est ratio omnium eorum datorum quorum principium est divina voluntas. S. Thomas In IV Sent., l. I. dist. XVIII, a. 3. A cette donation qui ne comporte pas la donation de l’amour même de Dieu, c’est-à-dire du Saint-Esprit, se rapportent tous les dons naturels faits par Dieu aux créatures, ibid. ; le don du Fils de Dieu fait à l’humanité, ibid., ad 3um ; enfin, tous les dons surnaturels, avec cette différence que ceux d’entre eux qui ne produisent pas l’état de grâce et d’amour de charité dans ceux qui les reçoivent, tels les charismes ou grâces gratis datæ, les grâces actuelles prévenantes, crainte servile de Dieu, attrition, foi et espérance informes, etc., méritent plutôt le nom de choses que donne le Saint-Esprit, donabilia a Spiritu Sancto, que le nom propre de dons du Saint-Esprit, tandis que les dons surnaturels, qui unissent efficacement et parfaitement les âmes à Dieu, sont, à un titre particulier, absolu, des dons du Saint-Esprit.

Dans ce second sens, sont dits dons du Saint-Esprit les dons surnaturels, qui préparent efficacement, suivent ou constituent le don qui nous est fait de l’amour surnaturel de Dieu par-dessus toutes choses ou charité. La raison en est dans la similitude de la charité avec l’amour même de Dieu qui est le Saint-Esprit, S. Thomas, ibid., ad 4um ; Sum. theol., IIa IIæ, q. xxiii, a. 2, ad 1um, similitude qui témoigne qu’avec la charité cet amour de Dieu nous a été intrinsèquement donné, autant qu’il peut l’être : Charitas Dei diffusa est in cordibus nostris per Spiritum Sanctum qui datus est nobis. Le premier Don étant donné, les autres suivent de sourceIV. — 55