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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/233

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DONS DU SAINT-ESPRIT

theol, IIa IIæ, q. xxiii, a. 2 ; cf. In IV Sent., l. I, dist. XVII, q. i, a. 1. La vertu de charité est donc remplacée, dans la conception de Pierre Lombard, par le Saint-Esprit lui-même, résidant en nous comme premier don ; pour ce théologien, il n’y a pas en nous, à proprement parler, répondant aux habitus vertueux de foi et d’espérance, d’habitus vertueux de charité. La charité n’est pas une vertu au sens de perfection permanente de la volonté nous donnant d’exécuter comme absolument nôtres nos actes d’amour de Dieu. Il n’y a en présence que la faculté naturelle et le Saint-Esprit, le Dieu intime, qui l’actionne. A la lettre, Deus est charitas, Dieu est notre charité, et qui adhæret Deo unus Spiritus est. I Cor., vi, 17.

Cette doctrine a été encore accentuée et exagérée par des disciples de Pierre Lombard, dont saint Thomas et saint Bonaventure nous ont conservé l’opinion ; la voici : Sicut lux dupliciter potest considerari, vel prout est in se, et sic dicitur lux ; vel prout est in extremitate diaphani terminati, et sic lux dicitur color (quia hypostasis coloris est lux et color nihil aliud est quant lux incorporata), ila dicunt quod Spiritus Sanctus, prout in se consideratur, Spiritus Sanctus et Deus dicitur, sed prout consideratur ut existens in anima, quani movet ad action charitatis, dicitur charitas. Ils concluaient à une union hypostatique du Saint-Esprit avec la volonté, analogue à celle de l’incarnation. S. Thomas, In IV Sent., 1. I, dist. XVIII, q. I, a. 1, Opéra, Parme, 1856, t. vi, p. 137. Cf. S. Bonaventure, ibid., a. 1, q. I, Opera, Quaracchi, t. i, p. 294.

Ces conceptions vraiment exagérées, et dont la seconde est hérétique, s’inspirent de l’exemplarisme platonicien, qui enseigne la continuité des Idées avec leurs émanations, celles-ci constitutives par leurs raisons terminales des perfections des êtres multiples. Saint Thomas n’a pas ignoré, Sum. theol., IIa IIæ, q. xxiii, a. 2, ad 1um, cette affinité des théories platoniciennes et de la théorie de Pierre Lombard. Il y avait là pour lui un problème, posé par l’Évangile de saint Jean lui-même, qui se sert librement et largement des données platoniciennes : les interprétations de saint Augustin et de Pierre Lombard avaient accentué encore le lien entre la perfection surnaturelle de la charité et les personnes divines, dans le sens platonicien de l’immanence divine. Saint Thomas abordera à son tour la question et la débrouillera définitivement, autant qu’elle peut l’être, en scindant la solution, en s’efforçant de conserver la transcendance divine sans diminuer l’intimité de la demeure du Saint-Esprit. Dans son système, la charité et les perfections surnaturelles seront définies nettement comme des perfections créées, et seulement par analogie, comme des imitations formelles de la perfection divine.

2. La doctrine de saint Thomas, devenue commune en théologie, s’est proposé avant tout de concilier la donnée de la mission invisible et du don intérieur du Saint-Esprit dans la charité avec les exigences morales de l’acte humain vital qui est l’acte de charité. Cet acte est, en effet, volontaire, les partisans de la première opinion l’admettent et sont obligés de l’admettre si tant est que rien ne soit plus libre et plus personnel que l’acte d’aimer. C’est dire que la racine propre et immédiate de l’acte de charité doit être un principe immanent à l’homme : car une inclination totalement imposée du dehors nous ferait violence et la violence est le contraire du volontaire. En fait, dans l’ordre naturel, toutes nos volontés dérivent d’une volonté primitive, de l’amour fondé en nature de la fin ultime, du bien universel, et rien de plus intérieur à un être que sa nature. Il est vrai qu’en regard de la fin surnaturelle, le principe volontaire naturel est impuissant, mais ce ne saurait être un motif pour renoncer à la loi d’origination intérieure, indispensable pour des actes volontaires. Si, comme le professe la foi catholique, un acte d’amour doit être émis en regard de la fin surnaturelle, à défaut de principes naturels, il requiert dans l’immanence du sujet un principe interne duquel il puisse découler sans violence. Il faut donc que Dieu nous confère un principe surnaturel d’ordre volontaire, perfectionnant notre volonté, de telle sorte que l’acte qui en découle vitalement soit intrinsèquement proportionné à la fin qu’il s’agit de poursuivre. S. Thomas, Quæestio unic. de caritate, a. 1. Opera, Parme, t. viii, p. 582.

On arrive à la même conclusion en considérant le caractère méritoire de l’acte de charité, source de tout le mérite surnaturel. Pour mériter surnaturellement, il faut posséder ce même principe, mais surnaturalisé. D’ailleurs, la spontanéité qui est la caractéristique de l’amour de Dieu, la facilité, la satisfaction qu’éprouve le juste en exerçant l’acte de charité, prouvent bien que celui-ci coule de source et procède d’une vertu intérieure analogue à celles qui rendent faciles et délectables les actes vertueux naturels. Ibid. Cf. Sum. theol., IIa IIæ, q. xxiii, a. 2.

La vertu créée de charité est donc un intermédiaire obligé entre l’action du Saint-Esprit et l’acte de charité. Et elle intervient à deux titres, d’abord comme cause formelle, pour surnaturaliser intérieurement notre volonté, puis comme cause efficiente produisant concurremment avec la volonté l’acte de charité. S. Thomas, In IV Sent., l. I, dist. XVII, q. 1, a. 1, ad 1um.

Qu’on le remarque bien, toutes ces exigences de l’acte humain ne diminuent aucunement la valeur de don qui nous est fait du Saint-Esprit : oportet incidere medium, non propter indigentiam vel defectum ipsius Spiritus operantis, sed propter necessitatem animæ recipientis. Ibid. Cf. Alexandre de Haies, Sum.theol., IIIa, q. lxi, a. 2, resol. ; S. Bonaventure, In IV Sent., l. i, dist. XVII, p. i, a. 1, q. i, ad 3um. A parler selon les lois de l’appropriation qui règlent toute cette matière, puisque, effectivement, toute notion ou production créée procède de la Trinité agissant à la manière d’une cause unique. la charité dérive spécialement du Saint-Esprit, exemplariter manet ab amore, qui est Spiritus Sanctus. S. Thomas, ibid., solutio. La médiation d’une forme créée n’empêche pas le Saint-Esprit d’être la cause propre de l’acte de charité : nec per hoc excluditur quin Spiritus Sanctus, qui est caritas increata, sit in homine caritatem creatam habente, movens animant ad action dilectionis. S. Thomas, Quæst. unic. de caritate, a. 1. Bien plus, on peut dire que la présence d’un intermédiaire permanent démontre la vigueur même de l’opération du Saint-Esprit : licet ad efficaciam moventis pertineat ut dispositionem non præexigat in subjecto ; tamen efficaciam ejus demonstrat si dispositionem fortem imprimat in passa vel moto… Unde cum Spiritus Sanctus sit virtuosissimum movens, sic movet ad diligendum, quod etiam caritatis habitum inducit. Ibid., ad 2um ; In IV Sent., l. I, dist. XVII, q. i, a. 1, ad 1um.

Si donc le Saint-Esprit n’est pas notre charité, si celle-ci a son existence distincte et créée, elle n’en est pas moins liée à l’opération du Saint-Esprit comme l’effet à sa cause propre et pour ainsi dire personnelle, comme le rayon au foyer dont il émane immédiatement. Le Saint-Esprit et la charité forment pour ainsi dire un couple indissolublement lié. De même que, là où est l’Être, effectus propriissimus Dei, se rencontre, Dieu lui-même, existant en toutes choses, secundum immediationem sui suppositi, S. Thomas, Sum. theol., Ia, q. VIII, a. 1 ; cf. le commentaire de Cajetan : de même, toutes proportions gardées, là où est la charité, nécessairement se trouve le Saint-Esprit qui la cause et la maintient dans l’être. Et, selon la conception de saint Thomas, il demeure vrai que le juste pour rencontrer son Dieu n’a qu’à rentrer en soi-même et à le considérer dans son intime, à la tête de son acte d’amour. Le don