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DONS DU SAINT-ESPRIT


t. ii, col. 7-27 ; édit. Funk, Tubingue, 1881, p. 2. Le contexte qui suit montre qu’il s’agit de la foi, de l’espérance et de la charité. Peut être faut-il adjoindre la sagesse et l’intelligence mentionnées, c. ii, col. 729.

Il faut venir à saint Justin (f vers 135) pour assister au désenveloppemrnt de ce don spirituel. Dans le Dialogue avec Tryphon, 39, P. G., t. VI, col. 560, il décrit en ces termes l’initiation des chrétiens : Ils reçoivent les dons, ôôuaïa, selon qu’ils en sont dignes. Celui-ci reçoit l’esprit de sagesse, celui-là du conseil, cet autre de force, un autre de guérison, un autre de connaissance du futur, un autre de doctrine, un autre de crainte de Dieu. A noter que les sept termes de cette énuinération ne coïncident pas tous avec les titres traditionnels. A cette réplique de Tryphon : « Savez-vous que vous dites des insanités ? » Non, répond Justin, je ne suis pas fou. Mais il est prédit que le Christ, après être monté au ciel, doit nous envoyer ses dons : Ascenditinaltum. .. dédit dona hominibus.Vs. lxvii, "19. Nous donc, ayant reçu ces dons du Christ monté au ciel, nous vous démontrons par les prophéties que c’est vous qui êtes insensés. Notons un passage ultérieur, 82, col. 669, où sont mentionnés, comme distincts des précédents à ce qu’il semhle, les dons prophétiques, yaotapaTa, qui ont été, dit Justin, transférés des Juifs aux chrétiens. Mais le texte le plus remarquable, déjà signalé par Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, 3e édit., t. I, p. 183 (161-163), se trouve un peu plus loin, 87, col. 681 sq. Tryphon vient d’objecter contre la préexistence divine du Christ le texte d’Isaïe, xi, 2-3, K gredietur virga de radiée Jcsse, etc. ; Justin s’en empare et l’interprète ainsi : Ces vertus de l’Esprit, Uveûij.aTo ; 6-jvausi ; , l’Écriture ne dit pas que le Christ en avait besoin, mais qu’elles devaient se reposer en lui, c’est-à-dire trouver en lui leur terme final, de telle sorte que dans votre race il n’y eût plus de prophètes comme par le passé. Ouvrez les yeux. Depuis qu’il est là, il n’y a plus chez vous de prophètes… Salomon avait l’esprit de sagesse, Daniel l’esprit d’intelligence et de conseil, Moïse, de force et de piété, Élie, de crainte, Isaïe, de science, et ainsi de suite… C’est donc qu’il s’est reposé, c’est-à-dire qu’il a cessé (d’agir sur les Juifs), depuis que Celui-là a paru… qui a répandu les dons, qui se sont reposés sur lui par la grâce de son esprit, SôaaTa, à ànb rrjî jfâpiToç r/jç 8uvâu, eajç toO tïvï-Jiiato ; éLec’vo’j ; cf. Epis t. Barnab., citée plus haut, sur tous ceux qui croient en lui, selon qu’il les juge dignes. Cela avait été prédit, poursuit saintJustin, et il le prouve par les textes : Dédit donahominibus, Ps. LXVII, 1 ! ), etc. ; Effunilam spiritum meum, Joël, il, 28. Et, de fait, ajoute-t-il, on peut voir parmi nous des femmes et des hommes qui ont les dons du Saint-Esprit, /ap ! ?|j.aTa àreb toQ 71v£Û|j.aTo ; xoO WeoC Ainsi est-il démontré que ce n’est pas à cause de son indigence, mais pour trouver leur terme final, que sont venus se reposer sur le Christ les dons, 8-jvti|j.eit ; , prédits par Isaïe. lbid., 88, col. 685.

Ce passage, on le voit, est capital. D’abord, parce que c’est lui et non pas le texte cité’à ce propos par M. Touzard, Revue biblique, 1899, p. 252, qui marque historiquement la toute première incorporation du fameux texte d’Isaïe, xi, 1-3, à la théologie patristique des dons. La spontanéité de la réponse de Justin est d’ailleurs remarquable. Il semble que l’on ait affaire à une doctrine déjà élaborée et formée. Ensuite, malgré une intervention du mot ya.çl(jxaxa., 88, qui s’entend ordinairement des grâces gratis datæ, il semble que les mots 6jv vu si ; , Sou.ata, y désignent bien un groupe spécifique, distinct du groupe des charismes. Enfin, c’est sur le Christ que ces dons se reposent, dans un sens que l’hilon croyait impossible, et qu’il faut retenir, car Origène lui donnera un relief définitif, mais de telle favon cependant qu’ils se déversent ensuite par la grâce de l’Esprit sur les fidèles.

Les ouvrages dont les noms suivent, jusqu’à saint Irénée, n’ont pas en vue explicitement les sept dons, mais les influences ou dons du Saint-Esprit, de l’Esprit de Dieu en général.

Le Pasteur d’Hermas (vers 150) ne nous apporte aucune notion précise nouvelle. Mais il a de bonnes indications sur la lutte du don du Saint-Esprit et de l’esprit mauvais. L’homme est comme un vase. Si l’Esprit-Saint y habite, il a les vertus ; s’il se vide de l’Esprit-Saint, il se remplit de l’esprit malin. Mand., y, P. G., t. ii, col. 922, 926 ; cf. Neutestamentliche Apocryplii’n, édit. Hennecke, p. 247. Même thème, Mand., x, col. 910 sq., etsurtout Mand., xi, col.941sq., toutentier consacré à opposer la 6uvau.iv 7r/e-Ju.a-ro< ; ôsio’j à l’esprit terrestre. Il semble bien qu’à l’Esprit de Dieu sont rapportés non seulement des cliarismata ou grâces gratis datæ, Mand., XI, 9, mais aussi des dons moraux personnels : celui qui a l’esprit divin est doux, tranquille, humble, exempt de malice et de la corruption du siècle. Ibid., 9, I’. G., t. ii, col. 913 ; édit. Funk, 1881, t. i, p. 121. Citons, au même titre d’indications, dans Tatien (y vers 167), Oralio adversus græcos, n. 13, 15, 16, P. G., t. vi, col. 836, 839, 841 ; dans Alhénagore († 177), qui parle surtout de l’inspiration prophétique. Legatio pro cliristianis, n. 7, 9, col. 901, 908. Même observation pour saint Théophile d’Antioche (vers 181). Ad Autol., l. II, n. 9, 10, col. 1061-1065.

Saint Irénée reprend, où l’avait laissée saint Justin, la notion des dons proprement dits, en divers livres du Contra hæreses, composé de 175 à 189. Passage principal, l. III, c. XVII, P. G., t. vii, col. 929 sq. Il s’agit de réfuter, par le témoignage des apôtres, l’opinion qui disait que le Christ est descendu sur Jésus à son baptême. Ce que les apôtres ont dit, déclare saint Irénée, c’est que le Saint-Esprit est descendu sur lui sous forme de colombe, cet Esprit dont Isaïe parle ainsi : El requiescit, etc. Les contextes de ce passage manifestent que, dans la pensée d’Irénée, cet Espritdevait se déverser sur tous les fidèles, n. 1, que le Christ, de fait, nous a promis le Saint-Esprit, pour nous adapter à Dieu, et qu’en l’envoyant il a fait participer toute la terre au don qu’il avait reçu du Père, n. 3, col. 930. Puis le saint docteur reprend l’idée émise par saint Justin, à savoir que le don de l’esprit a été enlevé aux Juifs pour être donné aux chrétiens, en avançant que cette dispensation de la grâce avait été prédite par Gédéon, lorsque celui-ci changea sa prière et, au lieu de demander à Dieu, comme une première fois, que la laine se couvrit de rosée, la terre d’alentour restant sèche, il demanda qu’elle restât sèche et que la terre fût mouillée. Jud., vi, 36-40. « C’était dire que lepeuplede Dieu n’aurait plus l’Esprit-Saint… et que sur la terre descendrait la rosée, à savoir l’Esprit de Dieu qui descendit sur le Seigneur, esprit de sagesse et d’intelligence, de conseil et de force, de science et de piété, de crainte de Dieu, que le Seigneur a donné à l’Eglise, etc. », n. 3, col. 930. La même doctrine se trouvait déjà, l. III, c. ix, n. 3, col. 871, mêlée à cette idée particulière, renouvelée de Justin. que le Verbe incarné et oint par le Père, est devenu Jésus-Christ, c’est-à-dîre l’Oint, lors de son baptême. A l’appui les textes d’Isaïe, XI, 2 sq. ; i.xi, 1 sq. D’ailleurs Irénée connaît aussi le don de l’Esprit qui nous rend semblables à Dieu (la grâce sanctifiante), Contra hxr., l. V, c. viii, n. 1, P. G., I. vii, col. 1112, et les charismata (grâces gratis daltr), l. III, c. XXIV, n. 1, col. 966 ; I. IV, c. xx, n. 6, col. 103$1-$2037, etc. Il semble bien que, pour lui, les sept dons d’Isaïe forment un groupe spécial.

Notons en passant cette idée du Pseudo-Justin (f vers 20 »), que Platon, dans le Ménon, aurait emprunté aux prophètes, en la démarquant, l’idée d’un don donné d’en haut par Dieu aux saints, l’Esprit-Saint. A l’en-