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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/253

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DONS DU SAINT-ESPRIT


justification, per propria, et priora, mais qui n’a sa raison d’être que dans l’état de la vie présente, recte assignatur sccundum stalum in quo nunc sumus. — 4° Aux actes propres des habitus surnaturels se rattache l’opinion d’Alexandre, qui divise ces actes en primi, medii, ultimi, à savoir : credere, intelligere, videre, les premiers correspondant aux vertus, les seconds aux dons, les troisièmes aux béatitudes. Les vertus donnent d’agir recte, dans l’ordre surnaturel s’entend, les dons, d’agir cxpedite, les béatitudes, d’agir perfecte. C’est ici la vérité, déclare saint Donaventure. La division est per propria, per priora, secundum oninem slatum.In IV Sent., 1. III, dist. XXXIV, a. 1, Opéra, Quaracchi, t. iii, p. 739. Cf. Breviloquium, part. V, c.v, t. v, p. 257 ; Collationes, ix, De donis, c. i, n. 17, t. v, p. 461 ; enfin, l’opuscule De donis Spiritus Sancti, attribué à saint Donaventure par l° édition Valicane de ses œuvres, mais en réalité du mineur Rodolphe de fiibraco, cf. Disserl. I in scripta S. Bonaventuræ, n. 29, édit. Quaracchi, t. x, p. 23. Remarquons la portée de cette opinion. Elle fait des dons des habitus qui perfectionnent les habitus des vertus, regardés comme des sortes de puissances surnaturelles, puisqu’elles constituent une source fondamentale d’activité dans cet ordre, comme les vertus naturelles dans le leur. Sa i ut Thomas dira équivalem ment des vertus théologales : habent vim potentise. C’est donc à saint Bonaventure que pourrait se rattacher l’opinion, aujourd’hui encore défendue, cf. Dubois, Revue du clerg/’français, 15 août 1907, p. 381, en note, qui assimile la grâce sanctifiante à la nature, les vertus aux facultés naturelles, les dons aux habitudes qui perfectionnent ces facultés. Cette opinion diffère du tout au tout de celle de saint Thomas d’Aquin, comme on le verra dans la suite.

Albert le Grand († 1280) recense cinq opinions, qu’il critique sans trop de ménagement, y compris celle d’Alexandre qu’il finit par adopter en l’expliquant. 1° La première opinion tient que les dons ne diffèrent des vertus qu’accidentellement, et nonnisi secundum ralionem : virtutes ad agendum, dona ad resistendu ))> lenialionibus. C’est faux, dit Albert, car la force elle aussi est agissante et la charité sait résister à ses contraires, 2° La seconde, emendalio subtilior prioris, prend la distinction du côté des sujets d’inhérence. < l’est ridicule, dit Albert, ce qui veut dire qu’elle heurle les faits. 3° La troisième, que nous n’avons pas encore rencontrée, prétend que les dons correspondent à l’action divine sur la partie supérieure de l’âme, la raison, tandis que les vertus concernent des œuvres spéciales, in inferiori parte. Critique : Kiliil est qund dicunt. i" La quatrième, magnum partem multitudinis habel sequentem, valde celebris fuit et est. Les vertus y sont destinées à nous faire agir droitement et supporter les soullrances, passioncs, secundum vitam quse unicuique sufficit. Les dons ont pour office, ut patiamur conformiler Christo. Pour cela, trois choses sont principalement requises : révérer Dieu, aimer les hommes, agir intrépidement ; trois dons correspondants, crainte, piété, force. D’autres choses sont requises concomitant er : c’est la science qui dirige la piété ; le conseil qui dirige la force ; l’intelligence et la sagesse qui éclairent notre mouvement vers Dieu. Albert n’a qu’une objection : Si l’homme n’avait pas péché, le Christ ne se serait pas incarné, et cependant dona data fuissent. C’est donc ici une différenciation accidentelle, qui regarde l’état du péché. 5° La cinquième opinion habuit mullos defensores. D’un mot Albert la résume ainsi : dona sunt expeditiones virtutum. C’est celle d’Alexandre de Halès. Il lui objecte que la délectation, caractéristique des béatitudes selon Alexandre, accompagne déjà l’exercice des vertus ; et de plus, qu’il fait perfectionner une vertu par une vertu, virtutis eril virlus, reproche grave, entre scolastiques, puisqu’une vertu est la perfec tion propre et ultime d’une puissance. Mais il résout lui-même l’objection en déclarant que l’imperfection de la vertu qu’il s’agit de faire disparaître par le don, ne vient pas d’une imperfection de la faculté qui persisterait sous la vertu, mais d’une imperfection intrinsèque à Yhabilus même de la vertu. C’est, d’avance, l’esquisse de la solution de saint Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. lxviii, a. 2. Albert adopte cette dernière opinion ainsi rectifiée, sine præjudicio, dit-il, et cela à cause de l’autorité de saint Grégoire. Et ideo quidam doclor tenet eam. C’est sans doute encore Alexandre : ce ne peut guère être saint Bonaventure, qui débutait, et le commentaire de saint Thomas In Sententias est postérieur.

Saint Thomas d’Aquin (-[- 1274). Nous examinerons : I" les opinions qu’il recense et critique, en essayant d’indiquer quelques-unes de leurs sources ; 2° à quels antécédents se rattache sa doctrine propre et de quels éléments originaux elle est constituée.

1° Les recensions d’opinions sont au nombre de deux. Dans la première, In IV Sent., 1. III, dist. XXX1Y, q. i, a. 1, saint Thomas mentionne deux opinions qu’il omettra plus tard, celle citée en troisième lieu par Albert le Grand, qui mettait les dons dans la partie supérieure de l’àme et celle citée en second lieu par saint Bonaventure (la première dans la liste d’Alexandre de Halès, dona surit contra sequelas peccali). Dans la Somme, I" II", q. LXVIII, a. 1, il suit cette gradation : 1. pas de distinction réelle : c’est l’opinion de Guillaume d’Auxerre et de Guillaume de Paris, fondée chez ce dernier, sur ce que les raisons de vertu et de don ne sont pas opposées, l’une disant l’ordre à l’opération, l’autre l’ordre à une cause, ce qui peut convenir à un seul et même principe d’activité. Sed eis non remanet minor difficultas ut scilicet rationem assignent, quare quædam virtutes dicantur dona et non omne*, et quare quædam computentur inter dona quse non computantur inter virtutes, ut palet de timoré, i. Distinction prise du côté des sujets d’inhérence, t’ne source de cette opinion est dans Hugues de Saint-Cher († 1263), In ps. XXVIII, Opéra omnia, Lyon, 1669, t. ii, p. 67, recto, col. 1, mais il a dû l’emprunter ailleurs. Oporlerel autem si hœc distinctio essel convenions, dit saint Thomas, quod omnes virtutes essent in parte a[lectiva, et omnia dona pi ratione. 3. La troisième opinion est celle qui ordonne les vertus ad beue agendum, les dons ad resistendum tentationibus. Saint Thomas marque lui-même l’origine de cette opinion : c’est saint Grégoire, qui à son tour a pu s’appuver sur le texte de saint Augustin, De qusestionibus Evangelii, 1. I, c. viii, P. L., t. xxxiv, col. 1325, rappelé dans la seconde objection du présent article. Nous l’avons rencontrée chez saint Bruno d’Asti, Hugues de Saint-Victor, Abélard, saint Bernard, Guillaume d’Auxerre. Voir plus haut. Saint Thomas trouve insuffisant le principe de cette distinction, quia ctiam virtutes resistunt inducentibus ad peccata. 4. La quatrième opinion, prenant acte de l’exemplarité des dons du Christ vis-à-vis des nôtres, met le formel des dons dans la ressemblance au Christ, præcipue quantum ad ea quse passus est. Nous avons vu la toute première insinuation de cette idée dans saint Victorin, nous avons estimé la retrouver chez Rupert ; peut-être y trouve-t-on une allusion dans Pierre Lombard, lu ps. XXVIII, V. L., t. CXCI, col. 286 ; elle était et demeure célèbre, dit Albert le Grand. Un texte de saint Martin de Léon, P. L., t. cevm, col. 1216, semble nous mettre sur la voie de quelque commentaire sur Job qui développerait en ce sens celui de saint Grégoire. Voici ce texte : Isli (les dons) sunt seplem filii qui bealo Job, id est, Jesu Christo nati sunt, cujus ille vulneratus ac /lagellatus Job typum tenuit. Job namque dulens inlerpretalur… In septenario enim numéro, ut ait Gregorius ; suit le texte de