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DONS DU SAINT-ESPH IT


saint Grégoire sur les sept dons identifiés aux sept fils de.lob. — Critique : Fondement insuffisant, dit saint Thomas, car les vertus, l’humilité, la douceur, cf. Matlh., xi, 29, nous configurent au Christ ; également, la charité, cf..loa., xv, 12. Et lue eliam virtutes prœcipue in passimie Christi resplenduerunt. 5. La cinquième opinion est simplement indiquée par ces mots de la fin de l’art 1 er, par lesquels saint Thomas s’efforce de l’englober dans celle qu’il professe. El hoc est quod quidam dicunt, quod doua per/iciunt hominem adaltiores acliis quant sint aclus viilutum. C’est évidemment celle que saint lionaventure attribuait déjà à un certain docteur, quidam doctor, ailleurs, quidam magnus doctor, et de même Albert le Grand. C’est évidemment l’opinion d’Alexandre de Ilalès : virtutes recli/icant, doua expédiant, bealiludines perficiunt, professée aussi par Pierre de Tarentaise. 6. La sixième et dernière opinion est celle qu’admet saint Thomas ; c’est une reprise originale de l’opinion combattue par Guillaume de Paris et déjà réhabilitée par Alexandre.

La doctrine de saint Thomas sur les dons.


1. Sa première préoccupation est de raffermir ex propriis l’idée du don que Guillaume de Paris avait ébranlée, comme on l’a vii, en s’appuyant sur ce que la dénomination de don, étant accidentelle, n’exigeait pas une réalité distincte de celle des vertus surnaturelles. Pans ce but, saint Thomas abandonne le mot de don, qui n’est pas d’usage dans la langue de l’Ecriture, pour désigner ce dont il s’agit : l’Écriture se sert plutôt, magis, du mot spirilus, TivEJfj.ara ; témoin 1s., xi, 2-3. La répétition du mot spirilus dans ce texte donne à entendre manifestement, quod isla septem enunierantur ibi SECUNDUM QUOD sunt in nobis ah inspiralione divina. On sait la valeur de ce mot secundum quod dans la langue scolastique. C’est l’affirmation de l’essence ou d’une propriété essentielle immédiate et nécessaire, et donc finalement encore de l’essence. Enumerantur lui, quoi qu’il en soit d’autres énumérations faites ailleurs dans l’Ecriture, les Pères, la théologie. Saint Thomas ne s’occupe que des esprits décrits par Isaïe, commentés dès l’origine par les Pères, comme on l’a vii, considérés déplus en plus nettement par la tradition à mesure qu’elle se précise, voir plus haut, comme un groupe spécial. C’est de ces esprits de sagesse, d’intelligence, etc., qu’il prononce que, selon le sens littéral, ils sont présentés par la sainte Ecriture (nous pouvons ajouter parla plus grande partie de la tradition), rednplicativeutab inspiralione divina. Voilà, par cet argument théologique ex propriis, le raisonnement ex communibus de Guillaume à vau-l’eau.

2. Il s’agit maintenant de déterminer le sens de ce mol ab inspiralione divina. Saint Thomas le fait en recourant à sa doctrine universelle des motions divines actuellement opérantes, c’est-à-dire de ces touches premières, instinctus, par lesquels Dieu met en branle l’organisme psychologique humain, soit en regard de la fin de toute la vie humaine, cf. Suni. llieol., I » II’, q. IX, a. 6 et ad’M m ; soit en regard de la fin surnaturelle, ibid., q. cix, a. 6 ; cf. Qusest. de veritate, q. xxiv, a. 15 ; soit en regard d’une œuvre divine spéciale ; Sum. lheol., l< II », q. ix, a. (J, ad II 1 "" ; q. cix, passim ; q. exi, a. 2. Dans l’ordre surnaturel, ces motions sont appelées d’un nom commun grâces actuelles opérantes ; mais il faut remarquer que la grâce actuelle opérante précède quelquefois l’infusion de la grâce, comme ces touches divines qui excitent le pécheur à se convertir, et, danscecas, leursinspirations, données totiet quolies prout Deux vult, n’ont aucune permanence, et ne supposent dans le sujet sur lequel eiles agissent aucune disposition positive préexistante. Cf. ibid., q. cix, a. 6. Il n’y B que la pure puissance ol.rdienlielle, laquelle est

indifférente pour tout ce qui n’implique pas contradic tion. D’autres fois, elles sont conférées au juste possédant déjà la grâce et la charité, et c’est pour ce second cas seulement que le raisonnement de saint Thomas a l’intention de conclure : Mani/estum est quod omne quod movetur necesse est esse proportionalum niotori. Et li sec est PERFECTIO mobilis in quantum est mobile, dispositio qua disponitur ad hoc quod bene moveatuiii SVO niotore. Quanto igitur movens est altior, tanlonecesse est quod mobile perfection dispositione ei proportionetur… Oporlel igitur inesse lion, ini alliores perfeclioncs secundum quassit dis/iositus ad hoc quod divinilus moveatur. El istse perfectiones vocantur dona. Ibid., q. LXVin, a. 1. Seul, en effet, le juste a droit à la perfection que requiert un instrument très spécial de l’action divine surnaturelle ; du juste seul on peut dire que Dieu est son moteur propre. Seul donc, il aura les dons. Les dons ont cela de commun avec les vertus surnaturelles qu’ils sont infus, mais ils en difl’èrent en ce que leur raison d’être formelle est de correspondre aux inspirations divines, de mettre l’homme en disponibilité vis-à-vis d’elles, semblables en cela à 1 1 vertu héroïque dont parle quelque part Aristote, cf. q. t.xvin, a. 1, ad 2° iii, qui procède de ces instincts divins que mentionne l’auteur de la Morale d’Eudeme. Ibid. C’est ramener la théologie des dons à l’une de ses origines premières, au traité De giganlibus de Philon. Saint Thomas ferme le cercle ouvert par le juif alexandrin qu’il ignore pourtant. C’est en harmonie avec ses idées qu’il interprète esaltioresactusd’Alexandre de Ilalès et de saint Bonaventure. Mais il a pris soin, dans son commentaire sur Isaïe, xi, 2, Opéra, Parme, t. xiv, p. 47.j ; é’dit. crit. d’Uccelli, Rome, 1880, p. 79, de dire à quelles conditions les dons peuvent être ainsi considérés comme auxiliaires des vertus, in adjutorium virtutuni. Il ne s’agit pas, dit-il, complétant ce qu’avait dit à ce sujet Albert le Grand, voir col. 1774 r de remédier à l’imperfection de la vertu qui vient des dispositions contraires de son sujet d’inhérence : c’est à l’augmentation connaturelle de la vertu de les faire disparaître ; il s’agit des imperfections inhérentes perse à Vhabitus des vertus, par exemple à l’imperfection de la foi qui fait que son objet est obscur, senigma. Le don les supprime et, par exemple, facit aliquo modo limpide inlueri ea quæ sunt fidei. D’où l’opération qui sort de la vertu ainsi perfectionnée est dite béatitude, étant une opération secundum virtutem perfectam. La délectation conséquente correspond aux fruits, dicitur fruclus. Cf. In Epist. ad Gal., c. v, lect. vi. C’est, on le voit, la synthèse d’Alexandre et de saint Bonaventure déjà approuvée, sous le bénéfice du même éclaircissement, par Albert le Grand.

Ces quatre grands théologiens sont donc bien, in solidum, les fondateurs de la théologie définitive des dons. Réagissant contre Guillaume de Paris, ils ont consacré au fond la doctrine ancienne qui les distinguait des vertus en les considérant comme des primi -motus in corde, voir plus haut les textes de l’auteur de la Summa sententiarum, de Jean de Salisbury, etc. ; mais, au lieu d’identifier dons et grâces actuelles, ils ont vu dans le don, du moins saint Thomas, la disposition subjective à recevoir les plus sublimes parmi cesdernières. Saint Thomas, de plus, avec une magnificence de synthèse incomparable, a rattaché ce coin de doctrine à ce que la philosophie d’Aristote et sa propre théologie ont de plus élevé, de plus profondément vrai, touchant la primauté de l’agir divin. Il l’a ramené ainsi aux tout premiers principes qui tant en philosophie qu’en théologie régissent les questions de l’action divine comme telle, c’est-à-dire se développant conformément a la loi intime de l’Être divin, et lui a assuré, par cette systématisation, la solidité indestructible detoute doctrine rattachée aux principes premiers, évidents par eux-mêmes ou premièrement révélés. A. Gardeil,