Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.djvu/323

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

G23

DESGABETS — DESIR

624

prieur Saint-Arnotil de Metz et plusieurs autres abbayes, fui visiteur de sa congrégation et enfin sousprieur de Breuil. Comme plusieurs de ses confrères, dom Desgabets avait été attiré par la philosophie de Descartes dont il aurait voulu faire comme le portique de la théologie catholique. Tout en admirant le génie de ce philosophe, il voulut rectifier ou compléter ce qui lui semblait défectueux ou incomplet dans ses doctrines. Il s’efforça d’en tirer toutes les conséquences, mais celles-là seulement qui y sont renfermées légitimement. Il composa donc un Supplément à la philosophie île Descartes. Mais s’il corrige quelquefois celuici, lui-même se laisse entraîner dans d’autres erreurs et on lui a reproché avec raison d’incliner au sensualisme et au panthéisme. Ce fut surtout dans les questions de physique et de mécanique qu’il se montra ardent partisan de Descartes. Les principes énoncés par ce philosophe suffisaient, aflirmait-il.pourexpliquer les miracles et le mystère de l’eucharistie. Dans les discussions à ce sujet, dom Desgahets intervint avec une fougue allant jusqu’au fanatisme et avec un mépris constant de la scolastique. Pour défendre Descartes, pour se justifier, il composa plusieurs traités. Il soumit ses travaux à Bossuet qui les comhattit dans un opuscule qui était demeuré inédit jusqu’à nos jours : Examen d’une nouvelle explication du mystère de l’eucharistie, et que M. Levesque a publié dans la Revue Bossuet, juillet 1900, p. 129. Pascal se déclara également contre la théologie eucharistique de dom Desgabets. L. Couture, Commentaire d’un fragment de Pascal sur l’eucharistie, in-8°, Paris, 1899. Elle ne reçut pas un meilleur accueil de Nicole et des autres théologiens jansénistes. Quelques-uns de ses confrères l’avertissaient des erreurs où il se laissait entraîner, et l’un d’eux, Thomas le Géant, le dénonçait aux supérieurs de la congrégation de Saint-Vanne. L’archevêque de Paris, François de Harlay, intervint à son tour et des explications lurent demandées à dom Desgabets. Pour se justifier il écrivit divers mémoires. Voir col. 557-558.

Après les avoir examinés, ses supérieurs lui ordonnèrent, le 15 décembre 1672, de renoncer à ses sentiments, et lui défendirent d’en écrire à l’avenir et de communiquer ses nouvelles opinions sur l’eucharistie. Dom Desgabets se soumit aussitôt et demanda la permission de se retirer à la Trappe. On le lui accorda ; mais après réflexion il préféra aller en qualité de sousprieur au petit monastère de Breuil. Là, il devait rencontrer le cardinal de Betz, qui, en donnant sa démission d’archevêque de Paris, avait obtenu de pouvoir se retirer dans ses terres de Commercy. Entre eux il y eut de longues conférences philosophiques. Dom Desgabets « distillait Descartes à l’alambic » et le cardinal réfutait les théories du sous-prieur de Breuil. Ces discussions ont été l’origine de quelques-uns des plus curieux ouvrages de dom Desgahets. Celui-ci d’ailleurs ne savait demeurer oisif ; il écrivit sur une foule de sujets ; il composa même contre le chanoine Simon Foucher une défense de Malebranche dont celui-ci parut peu satisfait. Soumis aux ordres de ses supérieurs lui défendant d’exposer ses sentiments sur le mystère de l’eucharistie, dom Desgabets ne montra pas la même docilité en se refusant toujours à signer le formulaire. Dans les jansénistes il voyait surtout les adversaires des ennemis de la philosophie cartésienne. Il traduisit en français un abrégé de l’extrait de YAugustinus, fait par un chanoine régulier de la congrégation du Saint-Sauveur en Lorraine. Les nombreux ouvrages de dom Desgabets sont presque tous demeurés manuscrits. Les Mémoires de Trévoux en septembre 1707 en ont donné le catalogue. Ils avaient été recueillis par dom Catelinot et élaient conservés à l’abbaye de Senones, d’où à la Bévolution ils passèrent à la bibliothèque d’Épinal. On en trouve également à la Bibliothèque nationale,

à celle de l’Arsenal à Paris et à la bibliothèque de la ville de Chartres. Dom Desgabets publia lui-mi Critique de la critique de la recherche de la vérité,

où l’on découvre le chemin qui conduit aux connaissances solides pour servir de réponse à la lettre d’un académicien, in-12, Paris, 1675 ; Considérations sur l’état présent de la controverse louchant le très saintsacrement de l’autel oii il est traité en peu de I de l’opinion qui enseigne que la matière du pain est changée en celle du corps de Jésus-Christ par son u substantielle à son âme et à sa personne divine, in-12, en Hollande, s. d. Après la mort de l’auteur fut publiée : Lettre à dom Jean Mabillon sur la question des azymes, dans le t. i des’Œuvres posthumes de dom Mabillon et de dom Ruinart, in-4°, Paris, 1724 Dans ses Fragments de philosophie carti’sienne, Vars, 1852, Victor Cousin donna quelques extraits des œuvres de dom Desgabets. Dans son ouvrage : Dom Robert Desgabets, M. Paul Lemaire a publié : Descartes « la lambic(sic) distillé par dom Robert, p. 302-325 ; ce titre appartient au cardinal de Betz ; De l’union de l’âme et du corps, p. 326-347 ; Réponse d’un cartésien n la l d’un philosophe de ses amis, p. 347-378 ; Lettre de Desgabets à M. l’évëque de Condom, 5 septembre 1671, p. 378-387.

Dom Calmet, Bibliotliéque lorraine, Nancy, 1751, col. 396403 ; [dora François, ] Bibliotliéque générale des écrivains île l’ordre de Saint-Benoit, in-4°, Bouillon, 1777, t. I, p. ! A. Hennequin, Les œuvres philosophiques du cardinal de Retz, Paris, 1842 ; F. Bouillier, Histoire de la philosophie cartésienne, Paris, 1854, t. i, p. 521-530 ; P.- Lemaire, Dom Robert Desgabets, son système, son influence et son école, in-8°, Paris, 1902 ; C. de Kirwan, Le cartésianisme chez les dictins, dans la Revue thomiste, 1903, t. xi, p. 379 : J.-B. Delpouve, Dom. Robert Desgabets, dans la Revue des sciences ecclésiastiques, novembre 1902 ; Revue bénédictine, 1900, p. 314, 422 ; 1903, p. 267.

B. Heirtebize.

DESGRANGES Michel. Voir Archange de Lon (le P.), t. i, col. 1758-1759.

DÉSIR. — I. Nature. IL Moralité.

I. Nature.

Nous n’avons à considérer ici le désir qu’au point de vue de la morale, et spécialement en tant qu’il est un péché. Or, par péché de désir, ou entend la volonté délibérée de commettre, autant qu’il dépend d’elle, le mal dont la pensée s’est présentée à l’esprit.

1° Il ressort de cette définition que le péché de désir ne se confond pas avec celui de mauvaise penautrement dit, de délectation morose, comme il a été expliqué déjà. Voir Délectation morose. Il y a néanmoins plus d’un rapprochement à faire entre ces deux. péchés, car ils ont un élément commun, la complaisance de la volonté pour un objet mauvais ; aussi, de la mauvaise pensée passe-t-on facilement au mauvais désir et à l’acte extérieur, afin de trouver dans la possession de l’objet une délectation plus parfaite. S. Thomas, De veritate, q. xv, a. 8. C’est pourquoi Suarez, In /"" II*, tr. V. De passionibus, disp. V, sect. iiv n. I, regarde la délectation comme un genre dont les deux espèces, la délectation morose et le désir^ se distinguent en ce que la délectation morose exclut, tandis que le désir inclut la volonté de commettre l’acte extérieur. 1

2° Le désir est absolu ou conditionnel : absolu, quand il est émis sans condition, exemple : je veux piller l’église ; conditionnel, lorsqu’il est subordonné à une condition : si je le pouvais, je pillerais l’église. Plus communément, les théologiens appellent désir efficace le désir absolue ! désir inefficace celui dont la réalisation est suspendue par une condition quelconque. S. Alphonse, Theol. moralis, 1. I, n. 15.

II. Moralité.

1 » Le désir absolu de faire ce qu’on