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ÉTRANGERS


dait à dispaïaître. De noinbieux clraiigers, les étrangers commerçants surtout, en étaient exemptés. En outre, sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI, de nombreux traités furent conclus avec les puissances européennes, pour l’abolition réciproque de l’aubaine, ou par le seul prélèvement d’un droit de 10 « o sur les successions, appelé droit de détraction. Vivement attaqués par les économistes et les philosophes du xviiie siècle, comme autant de restes d’une aveugle barbarie, qualifiés par Montesquieu de droits insensés, les droits d’aubaine et de détraction furent abolis par l’Assemblée constituante. La loi du 15 avril 1791, a. 3, décida que les étrangers seraient capables de succéder ah intestat, de disposer et de recevoir à quelque titre et par quelque mode que ce fût. La Constituante ne vit pas seulement dans cette abolition la raison d’utilité pratique, mais surtout l’application du dogme de la fraternité universelle. Elle espérait que les autres nations la suivraient dans la voie qu’elle venait d’ouvrir et qu’elles appelleraient également les Français à jouir chez elles des droits qui venaient d’être accoi’dés en France à tous les étrangers. Cet espoir fut déçu ; les États étrangers acceptèrent la faveur qu’on leur offrait, mais ils ne donnèrent rien en retour.

D’après le droit actuel.

Le Code civil établit une

distinction, inconnue jusqu’alors, entre les étrangers qui ont été admis à fixer leur domicile en France et ceux qui n’ont pas obtenu cette faveur. Nous exposerons donc successivement les dispositions qui concernent tous les étrangers en France, celles qui regardent les étrangers autorisés, enfin celles qui s’appliquent aux étrangers non autorisés.

1. Conditions des étrangers en général.

- Tous les étrangers, sans distinction, sont régis en France par leur statut personnel ; en d’autres termes, leur état et leur capacité sont régis par la loi de leur pays. Tous, également, ont la jouissance des droits naturels et des droits qu’un texte spécial accorde aux étrangers en général. Exemple : loi du 23 juin 1857, a. 5. Tous sont privés de la jouissance des droits politiques. Tout étranger peut être expulsé du territoire français par mesure de police. Loi du 3 décembre 1849, a. 7, 8. Enfin, nul étranger, même admis à domicile, ne peut jouir en France des droits qu’un texte retire aux étrangers en général ; par exemple, du bénéfice de cession de biens. Code de procédure, a. 905, du droit de pêcher dans les eaux territoriales de France et d’Algérie, loi du l’"' mars 1888, ni de ceux dont la l©i subordonne la jouissance à la condition que l’on soit Français, comme le droifde remplir certaines fonctions publiques, d’enseigner dans une école d’enseignement primaire, loi du 30 octobre 1886, a. 4, d’être témoin dans un testament. Code civil, a. 980, ou dans un acte notarié, loi du 25 ventôse an XI, modifiée par la loi du 12 août 1902.

2. Étrangers qui ont en France un domicile autorisé.

— Aux termes de l’art. 13, « l’étranger qui aura été autorisé par décret à fixer son domicile en France y jouira de tous les droits civils. »

L’étranger, qui veut obtenir l’autorisation de fixer son domicile en France, doit adresser la demande au ministre de la Justice. Il y joint certaines pièces indiquées par l’art. 1 « ’du décret du 12 août 1889. C’est le chef de l’État qui statue : il a un pouvoir discrétionnaire pour accorder ou refuser l’autorisation. L’autorisation accordée est révocable, et quand elle a été révoquée, l’étranger est pour l’avenir dans la même situation que s’il ne l’avait jamais obtenue.

D’après l’article du Code civil précédemment cité, l’étranger conservait indéfiniment le bénéfice de l’autorisation qui lui avait été accordée de fixer son domicile en France, à la seule condition d’y résider. Il n’en

est plus ainsi actuellement. Le nouvel art. 13 dit dans son alinéa 2 : « L’effet de l’autorisation cessera à l’expiration de cinq années, si l’étranger ne demande pas la naturalisation ou si sa demande est rejetce. »

Cette disposition, qui a pour but d’inviter l’étranger à se faire naturaliser, est complétée par une disposition transitoire placée à la fin de la loi du 26 juin 1889 et ainsi conçue : « Toute admission à domicile obtenue antérieurement à la présente loi sera périmée si, dans le délai de cinq années à compter de la promulgation, elle n’a pas été suivie d’une demande de naturalisation ou si la demande de naturalisation a été rejetée. »

Le dernier alinéa de l’art. 13 porte : « En cas de décès avant la naturalisation, l’autorisation et le temps de stage qui a suivi profiteront à la femme et aux enfants qui étaient mineurs au moment de l’autorisation. » En effet, si l’étranger admis à domicile avait vécu assez pour obtenir la naturalisation, sa femme et ses enfants auraient pu en partager le bénéfice sans être astreints à aucune condition de stage.

D’après l’art. 13 cité plus haut, l’étranger domicilié en France en vertu de l’autorisation du chef de l’État est l’objet d’une faveur importante : il jouit en France de tous les droits civils. Il cesse d’être soumis aux mesures de défaveur qu’entraîne l’extranéité, telle que l’obligation de fournir la caution judicatum solvi, dont nous parlerons plus bas.

3. Étrangers qui n’ont pas en France de domicile autorisé. — L’étranger non admis à domicile qui veut résider en France, c’est-à-dire y faire un séjour prolongé, doit, sous certaines peines, en faire la déclaration devant le maire de la commune où il entend se fixer, dans les quinze jours de son arrivée. Voir le décret du 2 octobre 1888. En outre, une loi du 8 août 1893 impose à tout étranger non admis à domicile qui vient se fixer dans une commune de France, pour y exercer une profession, un commerce ou une industrie, l’obligation de faire à la mairie une déclaration de résidence dans les huit jours de son arrivée, suivant certaines formes particulières.

D’après l’art. 11, « l’étranger jouit en France des mêmes droits civils que ceux qui sont ou seront accordés aux Français par les traités de la nation à laquelle ils appartiennent. » Ce texte établit, entre la France et les autres nations, au point de vue de leurs sujets, non une réciprociété de fait, mais une réciprocité diplomatique, c’est-à-dire une réciprocité ayant sa base dans un traité ou une convention internationale. En d’autres termes, les droits civils dont un étranger jouit en France ne sont pas tous les droits civils accordés aux Français dans le pays de cet étranger, mais seulement ceux dont un Français jouit dans le pays de cet étranger, en vertu d’un traité passé entre ce pays et la France.

Tandis qu’un Français ne peut, en principe, être cité que devant le tribunal de son arrondissement, un étranger, au contraire, alors même qu’il ne résiderait pas en France, peut toujours être traduit devant les tribunaux français pour l’exécution des obligations qu’il a contractées envers un Français, soit en France, soit même à l’étranger.

Enfin, un étranger n’est admis chez nous à agir en justice contre un Français, qu’à la condition de fournir à ce dernier, s’il l’exige, un répondant ou une caution solvable, c’est-à-dire un individu qui garantira le paiement des condamnations, qui pourraient être éventuellement prononcées contre l’étranger. Cette caution s’appelle la caution judicatum solvi, parce qu’elle garantira quod fuerit judicatum solvi. Sans elle, un Français injustement traduit en justice par un étranger n’aurait eu, le plus souvent, aucun moyen de se faire indemniser par ce dernier du tort qu’il lui aurait causé par son injuste demande. Les biens que possède