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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 7.1.djvu/66

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HONORIUS 1er


paix dans l'Église, el comment le pape Agathon avait su entrer dans les mêmes vues. La lettre de ce dernier a été reçue avec la plus çrande révérence. « A la lire, disait Constantin, il nous a semblé entendre le chef même du chœur apostolique, Pierre, le chef de l'Église, nous exposant tout le mystère de l’incarnation et redisant comme dans les saintes Lettres : « Vous d êtes le Christ, fils de Dieu vivant. » Vraiment le document pontifical nous décrivait le Christ tout entier. Aussi tous nous l’avons reçu avec le témoignage du plus vif respect et comme si c’avait été Pierre luimême que nous recevions dans nos bras. « Mansi, ibid., col. 7 If).

Je ne crois pas qu’aucun concile oriental ait multiplié davantage les protestations de respect et d’obéissance doctrinale n l'égard du siège rom.Tin. Sans qu’il y ait lieu de douter de la sincérité de ces protestations, il n’est pas interdit de penser qu’elles étaient surtout destinées à ménager les justes susceptibilités de Rome et à faire passer ce qu’avait de cruellement sévère pour elle la condamnation d’Honorius. Le compte rendu sommaire que nous avons donné des sessions du concile suffit pour que chacun se fasse une idée exacte de la pensée de la haute assemblée. On lit, aujourd’hui encore, dans.-.ombre de manuels d’histoire ecclésiastique ou de théologie, que le concile distingua entre les auteurs proprement dits de l’hérésie et le pnpe incriminé, frappé seulement pour la coupable négligence qu’il avait montrée dans la défense de la foi menacée. Les lecteurs ont eu sous les yeux tous les passages conciliaires où se trouve le nom d’Honorius ; ils ont pu voir que, dans le passage capital delaXIIF session, aussi bien que dans les anathèmes répétés aux sessions suivantes, on ne trouve aucune trace d’une semblable distinction. Honorius est condamné

« pour avoir suivi en loul l’opinion de Sergius et pour

avoir sanctionné ses enseignements impies ». Quant à l'édit impérial affiché à Sainte-Sophie, il se montre encore plus sévère à l'égard de la mémoire d’Honorius ; le pape y est déclaré sans plus « l’affermisseur de l’hérésie », ô [3£oat(i)- : r|Ç ttjç aîdas’oç.

Je n’essaierai pas un compte rendu même somuiaire de l'énorme littérature qui s’est développée autour des actes du VI « concile. La condamnation d’un pape par un concile, réuni dans les conditions les plus régulières qui se soient jamais rencontrées, et présidé par les légats du siège romain, est un fait si considérable, si surprenant, que l’on comprend qu’il ait été âprement discuté par les adversaires aussi bien que par les partisans de l’infaillibilité pontificale. Ajoutons qu’il posait une autre question non moins grave. Si l’on estime, comme le faisaient les ultraniontains, que les lettres d’Honorius ne contenaient aucune erreur (f^aronius, Bellarmin), on soulevait un bien autre problême, celui de l’infaillibilité du concile et de l'Église en général. Sans doute, l’erreur qui consistait à condamner un pape innocent portait excluspement sur un fait dogmatique ; mais l’on sait avec quelle âpreté s’est discutée, entre les jansénistes et les théologiens orthodoxes, la question de l’infaillibilité de l'Église en général, du pape en particulier, dans le cas des faits dogmatiques. Dangers de tous côtésl Le plus sûr jnoyen d’y parer n'étail-il pas de nier sans ambages le fait que le concile ait osé condamner le pape ?

On s’csl porté à cette extréiTiité. Il est douloureux d’avoir à faire remonter jusqu'à liaronius la paternité d’ime opinion qui, ingl fois réfutée, s’est essayée encore ;. reparaître au cours du xixe siècle. Dambcrger, Stfnchrnnislirhr (irschichtv des Millelalters, 1847, Lu, p. 119 sq ; Albert Dumont, dans les Annales de philotophir rhrclirnnc, série D, t. viii, p..52-60, 41.' » -4.'Î8. A soutenir cette indéfendable position, Baronitis a

consacré toutes les subtilités d’une critique historique que l’on voudrait voir au service d’une meilleure cause. Sa thèse remplit toute une dissertation de l’année 681, n. 19-34 ; surtout n. 2.5 sq. Voici, en bref, comment il argumente. « Les actes du VP concile, tels que nous les possédons, ont été altérés par l’artifice des grecs, aussitôt après la tenue de l’assemblée, et avant qu’ils fussent envoyés aux cinq sièges patriarcaux. En certains passages, le nom d’Honorius a été substitué après grattage au nom d’un autre personnage condamné ; dans les endroits où il est question de lui plus longuement, nous avons affaire à la substitution d’un cahier nouveau au cahier primitif. » Baronius connaît même le nom de l’imposteur ; c’est Théodore de Constantinople, qui avait été déposé pour monothélisme avéré, quelque temps avant le concile, et qui remonta sur le siège patriarcal après la mort du patriarche Georges, lequel représentait au concile l'Église de Constantinople. A ce moment, l’assemblée se terminait, Théodore, qui avait certainement été anathématisépar elle, biffa tranquillement son propre nom des actes conciliaires et le remplaça par celui d’Honorius.

Pour le bon renom de la science catholic|ue, ajoutons tout de suite que Baronius n’a pas été suivi par ceux qui comptent dans le don. aine de la critique historique. Déjà l’illustre annotateur des Annales, Pagi, réfutait avec beaucoup de verve la thèse du grand cardinal. Combéfis et Garnier au xvii'e siècle, Ncël Alexandre au xviiio, et, au xix, des théologiens aussi favorables à l’ultramontanisme que les Ballerini et que Pennachi ont montré que nous lisions les actes de VI « concile tels qu’ils sont sortis de la plume des secrétaires officiels. On trouvera dans Hefcle, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. iii, p. 523 sq., une réfutation en règle de la théorie nmlencontrcuse de Baronius. Contentons-nous d’exposer un seul argument : il est décisif ; les légats romains étaient présents au concile ; on les imagine difficilement rapportant à Rome un texte falsifié, où se serait lu quclque chose d’aussi énorme que la fausse condamnation du pape Honorius ; gardant ensuite le silence, ne dénonçant pas au pape d’abord, à toute l'Église ensuite, l’abominable fraude ; et laissant le pape approuver des actes altérés, souscrire à la condamnation de son prédécesseur ! Baronius, il est vrai, fut contraint par l’esprit de système de déclarer apocryphes à leur tour les actes pontificaux qui mentionnent la condamnation d’Honorius. Mais qui donc alors est rcsponsable <le ces dernières falsifications ? Ce n’est pourtant pas la main de Théodore de Constantinople qui est allée, dans le.s registres de la chancellerie apostoliepu-, gratter le nom de Théodore sur la lettre de Léon II. pour y substituer ceh i d’Honorius.

Les actes du VP concile sont à iirendrc tels que nous les transmettent tous les manuscrits, toutes les versions ; et il faut espérer, pour l’honneur de la théologie, qu’il ne se trouvera plus personne d’assez malavisé pour faire sortir de l’ombre une liypothèsc qui aurait toujours dû y rester. Il faut espérer également qu’on reculera devant la discussion de l'œcuménicité du concile qui a rempli les controverses du xvii « au xixe siècle. Si, comme le déclare Pennachi, le VI' concile n’est pas œcimiénique, il faudra donc rayer de la liste des vénérables assemblées considérées de tout temps, par toutes les Églises, comme ayant promulgué les règles de la foi, tous les synodes antérieurs au concile de Latran en 1123. Les règles suivant lesquelles l'Église catholique a discerné l’autorité de ces grandes assemblées de l'épiscopat ont varié au rotirs des Ages ; et il serait contraire -h l’esprit historique de vouloir appliquer aux synodes du passé le schéma élaboré par les théologiens a>i moment du concile Hn Valiciin.