la définit le Code de droit canonique, se forme lentement ; 2o à partir de la fin du xie siècle, celle des développements où, la noti( Il moderne des indulgences étant acquise, les concessions en deviennent de plus en plus nombreuses, et les conditions où on les acquiert de plus on plus faciles.
L'élaboration qui occupe les onze premiers siècles de l'ère chrétienne s’est opérée en trois phases : 1o aux premiers siècles l'équivalent le plus certain et le plus clair de l’indulgence est la réconciliation anticipée des pénitents publics ; 2<^ les rédemptions individuelles du haut moyen âge acheminent la discipline vers son état actuel ; 3o les rémissions générales de la fin du XIe siècle sont enfin de véritables indulgences au sens moderne du mot.
1' La réconcilialion anticipée. — La discipline pénitentielle des premiers siècles n'était pas une institution aux cadres rigides : une large initiative y était laissée aux évêques quand il s’agissait de déterminer les conditions du pardon. Parlant du milieu du nie siècle, le P. d’Alès s’exprime comme il suit : « Essentiellement morale, visant tout d’abord l’amendement du coupable, ayant principalement égard au sérieux de la pénitence, nullement enchaînée par la nature du délit, consciente d’un pouvoir illimité de rémission reçu du Christ : telle apparaît la pensée de l'Église chez ses représentants les plus autorisés des clergés de Rome, de Cartilage et d’Alexandrie. » L'édil de Calliste, Paris, 1914, p. 349.
Or, du moins quand il s’agissait des fautes les plus graves, principalement de l’adultère, de l’homicide et de l’idolâtrie, la condition normale et préalable de la réconciliation totale était l’accomplissement d'œuvres expiatoires qui duraient fort longtemps, parfois même, semble-t-il, jusqu'à la fin de la vie. Le pénitent couchait sur la cendre, négligeait les soins de propreté, jeûnait, se livrait à de longues prières de jour et de nuit, et il était exclu de la participation aux mystères, c’est-à-dire de l’assistance à la partie principale de la messe, après l'évangile.
C’est précisément dans ces cas que nous trouvons les exemples les plus clairs de remises officielles de la peine due au péché, c’est-à-dire de mesures de miséricorde qui s’apparentent à nos indulgences. Tenant compte soit des circonstances générales, soit des dispositions particulières des pécheurs, les évêques pouvaient anticiper la réconciliation finale et du même coup exempter les coupables d’une partie plus ou moins notable des exercices pénitentiels qui auraient dû précéder leur réintégration dans la communauté chrétienne si l’on s’en était tenu aux règles ordinairement observées.
1. Les premières mesures de ce genre que nous connaissions sont des réconciliations anticipées de chrétiens tombés dans l’apostasie au cours des persécutions, de lapai, comme on disait alors. Elles furent obtenues tout d’abord, semble-t-il, par l’intercession des fidèles qui attendaient le martyre en prison ou qui avaient soulïert pour la foi, les confesseurs. Ceuxci délivraient aux aposlats, qui les visitaient dans leurs geôles ou ailleurs, et les suppliaient d’intervenir en leur faveur, des billets par lesquels « la paix » leur était donnée, des libelli pacis. Terlullien connaît déjà un tel usage : catholique, il ra()prouve. Ad marli/rcs, c. II ; montaniste, il le condamne. De pudicilia, c. xxii.
Mais ce n’est qu’un peu plus tard que nous trouvons au sujet de Y indulgence dont on pouvait user ou ne pas user à l'égard de certains coupables des textes nombreux et assez précis. A la fin de 249 ou au début de 250 parut, pour la première fois, un édit de proscription universelle des chrétiens..Jusque-ià les magistrats s’en tenaient à leur sujet, en règle général, à la ligne de conduite tracée par Trajan à Pline le.Jeune :
n’instruire qu’après dénonciation particulière. Avec Dèce, le christianisme est poursuivi d’office et en vertu d’une procédure qui, appliquée à la lettre, aurait mis tous les fidèles en demeure de choisir entre l’apostasie et la mort. A jour fixe dans tout l’empire les suspects sont convoqués devant une commission de magistrats et de notables, ils doivent olïrir aux dieux une victime ou du moins quelques grains d’encens. Ce rite accompli, on leur délivre un certificat de soumission à l'édit impérial ou libellas. Dom Leclercq a publié dans le Bulletin d’ancienne littérature clxrélienne, 1914, t. iv, p. 52 sq., 188 sq., 25 libelli provenant de diverses localités égyptiennes. Ici ou là les prévenus obtinrent à prix d’argent de fonctionnaires subalternes des libelli sans avoir réellement sacrifié. Il y eut ainsi deux catégories de coupables : les sacrificati et les libellatici, et les coupables furent très nombreux parce que jamais jusque-là la persécution n’avait été si générale et si bien organisée.
La tourmente passée, les lapsi se présentèrent en foule pour demander, voire même exiger leur réconciliation et souvent une réconcilialion immédiate. A la nouveauté et à la gravité de la situation devaient correspondre des mesures au moins partiellement inédites. Les initiatives prises ne furent pas du premier coup absolument concordantes.
Beaucoup de faillis se réclamaient de billets de paix délivrés par les confesseurs. En Egypte, saint Denys d’Alexandrie se crut moralement obligé de ratifier une sentence qui lui paraissait portée par le Christ lui-même, nécessairement uni avec ses glorieux témoins : « Ainsi donc, écrivait-il à Fabien d’Antioche, ces divins martyrs, qui étaient parmi nous, qui sont maintenant les assesseurs du Christ, partagent sa royauté, jugent avec lui et prononcent avec lui la sentence ; ils ont pris sous leur protection quelquesuns de nos frères tombés qui étaient responsables du grief d’avoir sacrifié. Ils ont vu leur retour et leur pénitence et ils ont estimé qu’elle pouvait être agréée par celui qui ne veut pas d’une façon absolue la mort du pécheur, mais son repentir ; ils les ont reçus, les ont assemblés, les ont réunis et ont partagé avec eux leurs prières et leurs repas. Que nous conceillez-vous, frères, à leur sujet ? Que devons-nous faire ? Seronsnous d’accord avec eux et de même avis, et respecterons-nous leur jugement et la grâce qu’ils ont faite ? A l'égard de ceux qui ont obtenu d’eux miséricorde, nous conduirons-nous en honnêtes gens, ou bien tiendrons-nous la décision prise par les martyrs comme injuste et nous présenterons-nous comme des censeurs de leur jugement ? Regretterons-nous leur honte d'âme et bouleverserons-nous l’ordre qu’ils ont établi ? » Cité par Eusébe, H. E., I. VI, c. lxii, n. 2-0 ; traduction Grapin, Paris, 1911, t. ii, p. 269.
En Afrique, il n’en allait pas de même. Les confesseurs s’y montrèrent trop souvent, dans leur intervention, d’une arrogance, d’une légèreté, voire même d’une vénalité telles que saint Cyprien dut se refuser à entériner purement et simplement leurs décisions, Epist., xvii, n. 1 ; xxiii, xxvii, n. 2, édit. Hartel, d’accord en cela avec le clergé de Rome. Voir la lettre de ce dernier Inter Ciipiianas, xxxvi, ii, 3. L'évêque de Carthage ne fit à ce lefus qu’une seule exception : si un lapsus a reçu un billet de réconcilialion d’un confesseur et se trouve en péril de mort, un prêtre et, à défaut de prêtre, un diacre peut l’absoudre avant que l'évêque ait porté sa sentence. Epist., xviii, c. i, ii.
Si, ni Rome ni Carthage n’admettent que les martyrs aient le pouvoir d’accorder directement la paix aux faillis, elles n’excluent pas pour autant toute mesure de miséricorde, seulement c’est le pasleur suprême de chaque Église qui doit en demeurer le juge et le maître.