Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/166

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républiques, des libertés communales, des adversaires de la religion romaine, laquelle consacrait le servage, voyaient avec indignation une poignée de bourgeois se soustraire à leur obéissance derrière des remparts, montrer quelque tendance à se séparer de l’Église et se tourner, dans les moments d’alarmes, vers la démocratie helvétique dont ils avaient la sympathie.

Telle était à peu près la situation de 1527 à 1535, sans parler de maintes vicissitudes dont le récit m’entraînerait trop loin.

Un jour quelques nobles hommes, bons catholiques et fidèles vassaux du duc, c’est-à-dire hostiles à Genève, étaient réunis autour de la table du seigneur du Rosay et mangeaient, dit la tradition, de la bouillie de riz avec des cuillers de bois, en déblatérant à qui mieux mieux avec colère et force fanfaronnades contre la ville rebelle ; tout-à-coup l’un d’eux se lève, la tête pleine des vapeurs des vins de la Côte, et s’écrie :

— Par Saint-Jean de Nyon (c’était le serment ordinaire dans ces parages), messires, nous mangerons ces Genevois comme nous mangeons ces grains de riz, — à la cuiller.

Et en disant cela il met sa cuiller à son chaperon ; une acclamation générale salue ces paroles et chacun l’imite spontanément ; ce fut là l’origine de la chevaleresque Confrérie de la Cuiller ou ligue de la noblesse savoyarde